De Fourmond à Reinaud, les péripéties de l identification des plus anciens manuscrits du Coran - article ; n°2 ; vol.143, pg 563-576
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De Fourmond à Reinaud, les péripéties de l'identification des plus anciens manuscrits du Coran - article ; n°2 ; vol.143, pg 563-576

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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1999 - Volume 143 - Numéro 2 - Pages 563-576
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur François Déroche
De Fourmond à Reinaud, les péripéties de l'identification des
plus anciens manuscrits du Coran
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 143e année, N. 2, 1999. pp. 563-
576.
Citer ce document / Cite this document :
Déroche François. De Fourmond à Reinaud, les péripéties de l'identification des plus anciens manuscrits du Coran. In:
Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 143e année, N. 2, 1999. pp. 563-576.
doi : 10.3406/crai.1999.16020
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1999_num_143_2_16020COMMUNICATION
DE FOURMONT A REINAUD, LES PÉRIPÉTIES DE L'IDENTIFICATION
DES PLUS ANCIENS MANUSCRITS DU CORAN,
PAR M. FRANÇOIS DÉROCHE
Le fonds arabe de la Bibliothèque nationale de France
contient sous la cote 580 un mince volume de format à l'it
alienne qui ne compte que neuf feuillets1. Les f. 2 à 5 sont le fac-
similé de quatre feuillets de manuscrits arabes de la bibli
othèque royale de Copenhague2, les f . 6 à 9 étant quant à eux une
copie de ce fac-similé. Le premier feuillet du volume porte
comme titre « copie du mémoire de M. Fourmont l'aisné sur les
4 feuilles de ms de Copenhague envoyées par M. le comte de
Plélo » : Louis Robert Hippolyte de Bréhan, comte de Plélo, fut
ambassadeur de France au Danemark à partir de 1729 jusqu'à sa
mort héroïque sous les murs de Dantzig en 1733\ Cet homme,
nous dit-on, «joignait à des sentiments héroïques l'étude des
belles-lettres et de la philosophie, et avait recueilli dans sa
bibliothèque [...] tout ce qu'il y avait de plus curieux sur le
Nord »'. Comment en était-il venu à s'intéresser à des manusc
rits aussi peu nordiques que possible ? Il ne nous a pas été pos
sible de le déterminer, mais cette curiosité, qui fut à l'origine du
texte de Fourmont, constitue d'une certaine manière le premier
acte d'un épisode curieux de l'histoire des études arabes dans
l'Europe des XVIIIe et XIXe siècles.
1. Catalogue des manuscrits arabes, 2e partie, Manuscrits musulmans 1/1, Les manuscrits du
Coran, Aux origines de la calligraphie coranique, Paris, 1983, p. 157, notices 294 et 295.
2. Les f. 2 et 3 sont un fac-similé des deux premiers feuillets du ms. Copenhague,
Bibliothèque royale, cod. Arab. XLII (n. 6 codd. Cufïcorum ; Codices orientales bibliothecœ
regiœ hafniensis... Pars altéra, codices hebraicos et arabicos continens, Hafniae, 1851, p. 43), les
f. 4 et 5 reproduisant deux feuillets de cod. Arab. XLI. Ces manuscrits furent achetés au
Caire en 1626 par un certain Frédéric Bockwold (J. C. C. Adler, Descriptio, p. 22 ; corriger
sur ce point E. Wright, « Writing the word of Cod : Some early Qur'ân manuscripts and
their milieux. Part I •, Ans orientalis 20, 1990, p. 128, n. 34).
3. L. R. H. de Bréhan, comte de Plélo (1699- 1733) : J. C. F. Hoefer, Nouvelle biographie
générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, t. XL, Paris, 1852, col. 464 ; N. C. B.
de Bréhant, Le Comte de Plélo, Louis Robert Hippolyte de Bréhan, ambassadeur de France en
Danemark, 1699- 1733, Nantes, 1874 (extrait de La Revue de Bretagne et de Vendée, décembre
1873).
4. J. C. F. Hoefer, ibid. COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 564
Etienne Fourmont, dit Fourmont l'aîné5, avait étudié l'arabe et
l'hébreu au séminaire des Trente-trois. Il avait peu à peu conquis
une position de premier plan à Paris dans les études orientales : en
1715, il était devenu titulaire de la chaire d'arabe du Collège royal
où il remplaça A. Galland, et avait été la même année associé à
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Ses intérêts se por
tèrent par la suite vers le chinois, mais cette nouvelle orientation
n'altéra pas la renommée d'expert en manuscrits arabes que lui
valaient d'une part sa place de garde des de la Biblio
thèque du Roi où il était entré en 1722 pour s'occuper des manusc
rits orientaux, et de l'autre ses publications abondantes dans le
domaine des études arabes. C'est sans nul doute sur cette réputa
tion que le comte de Plélo s'était fondé pour lui adresser les
feuillets dont il vient d'être question et à propos desquels il atten
dait qu'Etienne Fourmont l'éclairât.
La réponse de ce dernier est révélatrice de ses limites scienti
fiques, mais aussi des problèmes auxquels se heurtaient les études
arabes à cette époque. L'essentiel du texte de la lettre s'applique
davantage à expliquer ce qu'est le coufique qu'à identifier de
manière précise la nature du document : « C'est, écrit-il, une espèce
d'alphabet kioufique ou plutôt un assemblage de lettres en syl
labes. »6 Certes, l'arabisant français reconnaît sur l'un des feuillets
un texte coranique, mais, pour le reste, il paraît tout à fait décon*
certé par une spécificité des copies du Coran des premiers siècles
de l'hégire7: dans ces manuscrits, l'espace entre les lettres ou
groupes de lettres demeure identique, qu'il s'agisse d'un blanc
entre deux mots ou que l'intervalle survienne à l'intérieur d'un mot
en application des règles spécifiques des liaisons entre les lettres de
l'alphabet arabe. Cette façon de faire, qui pourrait être une survi
vance de la scriptio continua de l'Antiquité classique, est probable
ment liée à une autre particularité de ces corans : les copistes de
l'époque ne manifestaient en effet aucune hésitation à couper un
mot en fin de ligne, une pratique qui disparaîtra rapidement des
usages et sera même par la suite tenue pour une faute grave ; cette
particularité pourrait bien avoir contribué à égarer un peu plus
Etienne Fourmont. Ce dernier admet d'ailleurs à demi-mot son
manque de familiarité avec les graphies anciennes : « Dans la Biblio
thèque du Roy, écrit-il, il n'y a point de ms uniquement kioufique,
5. É. Fourmont (1683-1745) : voir J. C. F. Hoefer, op. cit. (n. 3), t. XVIII, Paris, 1858, col.
354-365; Dictionnaire de biographie française, t. 14, Paris, 1979, col. 786-787.
6. BNF Arabe 580, f. 1.
7. Dans le ms. BNF Arabe 580, f. 6-9, la transcription en nasffi a été ajoutée au crayon
entre les lignes ; s'il s'agit bien de la main d'Etienne Fourmont, force est de constater que
bien souvent il a été incapable de déchiffrer le texte. IDENTIFICATION DES PLUS ANCIENS MSS DU CORAN 565
mais nous y trouvons quelques lignes ou demi-lignes kioufiques de
tems en tems. »8 Sans doute était-ce insuffisant pour comprendre
que ces « assemblage<s> de lettres » étaient des mots, que ces mots
formaient des phrases et que les points rouges qui parsemaient
curieusement le parchemin n'avaient pas une vocation décorative9
mais qu'ils indiquaient les voyelles dans un système archaïque.
L'ignorance d'Etienne Fourmont, que stigmatisera encore un
siècle plus tard l'auteur du catalogue des manuscrits arabes de
Copenhague10, avait une cause fort simple : les collections de
manuscrits arabes étaient à l'époque de dimensions encore
modestes et comportaient une majorité de copies d'époque
récente11. Les exemplaires anciens du Coran étaient alors une
rareté et l'examen des fonds anciens montre bien que seuls
quelques fragments dans ce style qu'on appelle abusivement cou-
figue étaient conservés en Europe. Ainsi, le fonds arabe de la
Bibliothèque nationale de France ne possède actuellement que
deux corans qui figuraient déjà dans des collections françaises au
XVIir siècle12. Une liste des manuscrits « coufiques » établie en
1780 à partir des publications de l'époque ne compte que sept
références13 ; parmi elles, on relève un exemplaire des Psaumes de
la bibliothèque du Vatican dont l'écriture demande à être analysée
plus précisément14.
8. BNF Arabe 580, f. 1.
9. < Les feuilles 2, 3 et 4... sont en lettre^ noires avec quelques points rouges, mais ad
ornamentum seulemen» {ibid.).
10. Loc. cit.
11. F. Déroche, * Les études de paléographie des écritures livresques arabes : quelques
observations », al-Qantara 19, 1998, p. 368.
12. Ce sont les mss BNF A

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