Histoire d une vocation contrariée : Boccace et l égotisme pétrarquien - article ; n°1 ; vol.49, pg 157-170
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Histoire d'une vocation contrariée : Boccace et l'égotisme pétrarquien - article ; n°1 ; vol.49, pg 157-170

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1997 - Volume 49 - Numéro 1 - Pages 157-170
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 53
Langue Français

Extrait

Pierre Maréchaux
Histoire d'une vocation contrariée : Boccace et l'égotisme
pétrarquien
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1997, N°49. pp. 157-170.
Citer ce document / Cite this document :
Maréchaux Pierre. Histoire d'une vocation contrariée : Boccace et l'égotisme pétrarquien. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1997, N°49. pp. 157-170.
doi : 10.3406/caief.1997.1279
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1997_num_49_1_1279/S?
HISTOIRE D'UNE VOCATION
CONTRARIÉE : BOCCACE
ET L'ÉGOTISME PÉTRARQUIEN
Communication de M. Pierre MARÉCHAUX
(Centre d'Etudes Supérieures de la Renaissance,
Tours ; Institut Universitaire de France)
au XLVIIP Congrès de l'Association, le 17 juillet 1996
La Généalogie des dieux païens de Boccace (1) n'est pas
seulement une encyclopédie raisonnée de l'Olympe (2) ;
les deux derniers livres, qui la couronnent, quittent le
champ forclos d'une herméneutique répétitive (Boccace
soumet chaque mythe abordé aux trois critères d'explica
tion que sont l'histoire, la science et la morale) (3), pour se
(1) Sur la Genealogia deorum gentihum nous renvoyons à l'édition latine de
V Romano, Ban, Laterza, 1951, tomes X et XI Notre édition traduite et com
mentée des livres I, II, III, XIV et XV doit bientôt paraître chez Hermann
(2) La somme mythologique de Boccace connut une immense fortune éru-
dite Sa tâche avait été de « rassembler les fragments d'un gigantesque nauf
rage, éparpillés sur un rivage sans bornes » (Prologue) Pour leur auteur, la
fiction (figmentum) fabuleuse n'est pas le fruit d'une invention gratuite, elle
est l'expression nécessaire de l'esprit humain, qui ne peut se faire entendre
que par symboles le poète « a trouvé sa joie a couvrir la vérité sous des
fables » car il sait que « immicam esse Naturae undique apertam expositionem
sut » Les légendes poétiques pénètrent au plus profond du secret de la
nature des âmes et de l'histoire, elles ne dissimulent donc pas une vérité
unique : « Cjuin immo dici potest potius polysenum, hoc est multiphcium sensum »
(1,3)
(3) Exemples de tradition historique (Dionysos est l'inventeur de la vigne,
un roi d'Argos, le conquérant des Indes), d'allégorie physique (le fait que
Bacchus ait été nourri par les Hyades signifie l'influence sur les vignes de la
constellation qui porte ce nom), d'enseignement moral (l'excoriation du bac
chique Marsyas par Apollon signifie que la sagesse finit par mettre à nu la
jactance des ivrognes). 158 PIERRE MARÉCHAUX
lancer dans une justification de l'écriture poétique et dans
une affirmation, sans cesse réitérée, que les poètes sont
des théologiens. En fait, cette thèse qui prend vite l'allure
d'un plaidoyer acerbe ne se contente pas de suivre une
topique héritée d'Aristote, d'Albertino Mussato ou de
Pétrarque (4), elle mêle à l'argumentation la plus objective
de nombreux traits de subjectivité de sorte que, par
endroits, la profession de foi poétique (5) prend un ton
résolument autobiographique : il semblerait que Boccace
ait voulu établir la synthèse des genres pétrarquistes : la
lettre familière, le dialogue, le traité d'éthique. Cette
conflation de plusieurs tendances littéraires est nouvelle
dans l'histoire du pétrarquisme.
1. Historique de l'autobiographie : la lettre familière,
une conciliation possible du cicéronianisme et du séné-
quisme
Comme on l'a bien montré, l'œuvre de Pétrarque est le
vrai théâtre de la subjectivité littéraire (6). Et si l'oeuvre
boccacienne comporte de sporadiques traits autobiogra
phiques, dans des traités étrangers au monde de la conf
idence personnelle, c'est parce que leur auteur a su
recueillir dans l'oeuvre de son modèle immédiat, à l'état
épars, certaines précisions de tonalité subjective.
Quelques lettres, le De uita solitaria, le Secretum déroulent
les éléments de cette topique personnelle qui vise essen
tiellement à l'établissement d'une forteresse intérieure.
L'image est stoïcienne et il n'est pas indifférent que
Pétrarque ait eu recours, comme support stylistique, à la
langue de Sénèque afin de résister à la perfection formelle
(4) Voir Aristote, Métaphysique, 1009a,9 ; Mussato, Htstorta Augusta Henrici
VII, Venise, 1636 (épîtres 4 et 7) , Pétrarque, Familian, X,4
(5) Les Livres XIV et XV de la Généalogie sont une véritable poétique du
furor On lira notamment l'ouvrage de С Osgood, Boccacio on Poetry, New
York, 1956.
(6) Voir A Tripet, Pétrarque ou la connaissance de soi, Genève, Droz, 1967,
p. 35 et passim. BOCCACEETL'ÉGOTISMEPÉTRARQUIEN 159
de l'atticisme cicéronien et à ses mensonges. Par ailleurs,
en mettant l'accent sur l'aspect discontinu, émietté, à
facettes, du genre de la lettre familière, Pétrarque affirme
indirectement sa défiance pour le caractère arrondi et
léché des grands genres oratoires (7). L'activité épistolaire,
genre « spontané » par excellence, ignore la réécriture et la
relecture. Une figure d'humilité commence dès lors à se
dévoiler, révélant la conscience héroïque de Pétrarque et
sa certitude d'avoir trouvé, dans le genre dédaigné de la
lettre familière ou du dialogue, l'expression absolue d'une
individualité d'exception.
Faut-il en déduire que ce chemin vers l'égotisme
détourne son auteur du cicéronianisme ? Non pas. Car
c'est précisément de Cicéron que Pétrarque a appris l'art
des nuances. Il faut réfuter non par la division mais par la
conciliation. Voilà le meilleur moyen de retrouver, sous
l'apparence de l'univocité, les nuances vivantes du langa
ge, qui font sa véritable unité, qui fondent la communicat
ion entre les hommes dans l'esprit et non dans la lettre
(7) Un dialogue du De remedus utnusque fortune, intitulé « de eloquentia »
met aux prises Gaudmm et Ratio, la Joie et la Raison , on y peut lire des argu
ments contre la duperie élocutoire « La Joie - Mon éloquence a de l'éclat /
La Raison - On parle diversement d'éclat Le soleil en a, l'incendie aussi./
La Joie - J'ai assez d'éloquence / La Raison - II y eut assez d'éloquence,
trop peu de sagesse dans ce fameux criminel dont parle le livre de Crispus :
et celui-là même ne chercha dans l'éloquence aucune gloire / La Joie -
Mon éloquence se fait applaudir / La Raison - Si tu en uses de manière arro
gante et malhonnête, il te sera très aisé de susciter contre toi le péril et la
conspiration de beaucoup de haines Un sage l'a dit mort et vie, la langue
les manie Et cela non pour un seul homme, mais pour beaucoup.../ La Joie.
- Mon éloquence est sonore / La Raison - La foudre l'est aussi./ La Joie -
Mon est fleurie./ La - Fleuri aussi l'aconit » (« Gaudium -
Eloquium clarum est / Ratio - Clarutn aliquid uane dicitur Clarus sol, clarum
incendium / Gaudium - Eloquentie satis est / Ratio - Satis eloquentie, parum
sapientie fuisse in homme illo sceleshssimo apud Cnspum legis neque is quidem
glonam eloquentie quesiuit ullam / Gaudium - Eloquentia plausibths / Ratio -[ ]
Sin arroganter atque improbe (utare), perfacile tibi discnmen et multorum odia tibi
conflauens Sapientts dictum est cuiusdam mors et uita in manu lingue Non
unius uero tantum hominis sed multorum / Gaudium - Eloquentia sonora / Ratio.
- Et sonorum fulmen / Gaudium - Eloquentia flonda est / Ratio - Et flondum aco-
nitum ». - Edition bâloise des Opera omnia , 2 vol, 1581, 1,9, f° 13). 160 PIERRE MARÉCHAUX
(8). Par ailleurs, si Pétrarque a quelque répugnance pour
l'imitation servile du modèle cicéronien et s'il peut appar
aître à bien des égards comme un des chantres modérés
de la première renaissance cicéronienne, c'est que, dans
son amour du Tullianus stylus, il se montre attentif à pré
server une juste mesure, par son imitation immédiate,
entre la pureté du modèle et l'identité personnelle et chré
tienne de l'imitateur (9). Dans la célèbre lettre sur Yimita-
tio, qu'il adresse à Boccace, il p

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