L échelle des êtres et des valeurs dans l œuvre de Diderot - article ; n°1 ; vol.13, pg 339-351
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1961 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 339-351
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 36
Langue Français

Extrait

Pr. J. S. Spink
L'échelle des êtres et des valeurs dans l'œuvre de Diderot
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1961, N°13. pp. 339-351.
Citer ce document / Cite this document :
Spink J. S. L'échelle des êtres et des valeurs dans l'œuvre de Diderot. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1961, N°13. pp. 339-351.
doi : 10.3406/caief.1961.2208
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1961_num_13_1_2208L'ÉCHELLE DES ÊTRES ET DES VALEURS
DANS L'ŒUVRE DE DIDEROT
Communication de M. J. S. SPINK
{Londres)
au XIIe Congrès de Г Association, le 27 juillet i960.
Cette conception, dont Lovejoy esquissait l'histoire dès
1932 [The Great Chain of Being, Cambridge (Mass.), 1936
(avant-propos)], donne sa structure à une image du monde se
rattachant d'une part au péripatétisme et d'autre part au
néo-platonisme. Dans le premier cas elle intéresse ce qu'on
appelait autrefois la physique, dans l'autre la métaphysique
et la théologie. Dans les collèges du xvne siècle, et encore au
début du xvine, lorsque Diderot fit ses études au Collège
Louis le Grand et au Collège d'Harcourt (c'est M. Pommier
qui nous l'a appris), la plupart des professeurs de philosophie
l'adoptaient sans discussion comme cadre ou fil directeur de
leurs cours sous sa forme aristotélicienne. Ils ne s'aventu
raient pas dans le domaine théologique, qui était réservé à une
faculté supérieure de l'Université. L'échelle des êtres et des
valeurs, dans les classes de philosophie, et dans les cours qui
ont été publiés (et ils sont assez nombreux), ne comptait pas
d'échelons entre celui de l'homme et le sommet de l'échelle,
si ce n'est par une certaine conception de la Nature dont
j'aurai à parler plus tard. Les échelons qui manquent sont
ceux qui, dans l'échelle néo-platonicienne, sont occupés
par les êtres immatériels, purs esprits, intelligences, idées uni
verselles. 34© J. S. SPINK
Mais certains des cours de philosophie ne s'arrêtent pour
tant pas au niveau de l'homme considéré comme être phy
sique, ni même comme être doué de raison. Il y a encore
quelques degrés auxquels ils peuvent accéder ; et ce progrès
ou ascension, se fait grâce aux livres qu'Aristote avait con
sacrés à la morale et à la philosophie politique. Au delà de
l'homme physique, il y a l'homme qui est un être moral, et,
à l'échelon suprême, il y a considéré comme citoyen
et comme magistrat. Certains cours de philosophie anti
cipent, pour ainsi dire, sur les de la faculté de droit.
Diderot lui-même parle d'un professeur au collège de Beau-
vais, Rivard, qui voulait enseigner le droit public et le droit
des gens à la place de ce que Diderot appelle « la mauvaise
morale scolastique », mais dans ce cas-là, la Faculté de Droit
intervint et réclama pour elle-même le droit public et le droit
des gens, sans toutefois, ajoute le même Dierot, les enseigner
(Assézat, II, 452). Quoi qu'il en soit, ces questions figurent
dans certains des cours qui ont été publiés. Ajoutons en pas
sant qu'Etienne Gilson adopte, dans son ouvrage sur la philo
sophie de Thomas d'Aquin (1948), l'ordre que suivent cer
tains des cours de philosophie de la fin du XVIIe siècle, passant
de la psychologie à la morale et de la morale à la politique. La
société est un phénomène naturel et l'homme un animal poli
tique. Le cours du Père Sortais (1909) est organisé d'une ma
nière semblable.
On aborde l'étude de l'homme par le bas, pour ainsi dire.
C'est d'abord un être capable de sentir, comme les bêtes. Il
reçoit ses idées par la voie des sens, selon le principe nihil est
in intellectu etc.. Il fait des comparaisons au moyen d'une
raison sensitive. Ensuite on le doue d'une âme rationnelle. On
le considère comme un être moral, d'abord es rapportant
tout à lui-même, ensuite dans ses rapports avec ses semb
lables, et on fait de lui un être politique, un homme civil.
Rousseau adoptera un ordre semblable dans son Emile, mais
cette progression n'est pas pour lui en même temps une échelle
des valeurs, parce que, pour Rousseau, en dernière analyse,
c'est l'homme qui crée les valeurs sociales, la société étant
pour lui, non une fonction de la nature, mais l'effet de la vo- des êtres et des valeurs 341 l'échelle
lonté humaine. Pour lui, l'homme n'est pas naturellement un
animal politique. Le monde est l'effet de la volonté divine,
mais la société est l'effet de la volonté humaine. Dieu fait
l'homme, mais c'est l'homme qui fait le citoyen.
Revenons aux cours qu'on professait dans les Collèges. La
plupart des professeurs résistaient encore à l'influence carté
sienne dans la première moitié du xvnie siècle. Ils résistaient
encore à Descartes que Newton, Locke et Condillac triom
phaient déjà de Descartes auprès des savants et des philo
sophes. Les professeurs s'étaient laissé devancer de tout un
tour de piste, pour ainsi dire.
Or Descartes n'a point besoin de l'échelle des êtres et cette
conception disparaît là où son influence domine. Son in
influence tend à désorganiser la disposition traditionnelle des
cours là où elle est partielle (car certains professeurs se per
mettaient une certaine mesure d'éclectisme). Le monde de
Descartes n'est pas organisé selon une hiérarchie quelconque.
Le mécanisme est un principe égalitaire dans l'univers. Le
critérium de la valeur n'est plus, pour la nouvelle philoso
phie, le rang que tient un être dans l'ordre de la perfection
qui monte vers le summum bonum qui est Dieu. Ce critérium
est remplacé par celui de l'ordre lui-même ; c'est la confor
mité à l'ordre, la convenance, qui est le principe de la morale,
comme de l'esthétique, de la nouvelle philosophie (1). Il est
dans l'ordre qu'on tienne la parole donnée ; c'est le fonde
ment de tous les contrats et, de même, l'ordre exige une cer
taine disposition dans une œuvre d'art.
L'influence de la nouvelle philosophie fut telle que, pour
la première fois, l'échelle des êtres cessa de donner sa struc
ture à la pensée européenne. Notons en passant qu'on ne trouve
pas le nom de Descartes à l'index du livre de Lovejoy. Il est
vrai qu'on rencontre ce nom deux ou trois fois dans le livre
même, mais il a pu être omis de l'index. Or le fait que le carté
sianisme n'a point besoin de l'échelle des êtres tend à dis-
(1) « L'amour de l'ordre n'est pas seulement la principale des vertus
morales, c'est l'unique vertu ; c'est la vertu mère, fondamentale, univers
elle. » (Malebranche, Traité de Morale, ch. îi, 1684, t. I, p. 20). 342 J. S. SPINK
loquer l'organisation traditionnelle des cours de philosophie.
L'ordre des matières n'est plus déterminé d'avance. On peut
aborder la morale avant la physique et la physiologie, comme
le fait d'ailleurs Descartes lui-même dans son Discours de la
Méthode. Et justement, dans deux cours au moins où l'écle
ctisme est évident, celui de Jean-Baptiste Du Hamel et celui
de Dagoumer, on passe de la logique à la morale et de la morale
à la métaphysique (ou « science générale ») et de la métaphy
sique à la physique. Chez les jésuites (selon la Ratio Studio-
rurri), il se terminait par la métaphysique et la morale qui se
faisaient en même temps. Saguens, qui était minime, parle
dans sa préface (1703) de tout réorganiser en partant de la
mathématique, mais adopte finalement un ordre qu'il dit
habituel : logique, métaphysique, physique, morale. Si c'est
bien le cours de Dagoumer dont d'Alembert se moque dans
l'article Collège de X Encyclopédie, on peut dire qu'il en aurait
pu choisir de plus détestables à son point de vue, car l'ordre
qu'adopte Dagoumer laisse prévoir la future licence es
sciences. Elle se termine par la physique. On arrive final
ement à l'étude des choses, dit d'Alembert, après avoir con
sacré un temps infini à une logique qui est à peu près celle
qu'on ensei

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