La Continuation de l histoire de l admirable Don Quichotte de la Manche de Robert Challe : Cervantès trahi ou compris ? - article ; n°1 ; vol.48, pg 263-282
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La Continuation de l'histoire de l'admirable Don Quichotte de la Manche de Robert Challe : Cervantès trahi ou compris ? - article ; n°1 ; vol.48, pg 263-282

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1996 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 263-282
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 71
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Cormier
La Continuation de l'histoire de l'admirable Don Quichotte de la
Manche de Robert Challe : Cervantès trahi ou compris ?
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1996, N°48. pp. 263-282.
Citer ce document / Cite this document :
Cormier Jacques. La Continuation de l'histoire de l'admirable Don Quichotte de la Manche de Robert Challe : Cervantès trahi ou
compris ?. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1996, N°48. pp. 263-282.
doi : 10.3406/caief.1996.1250
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1996_num_48_1_1250LA CONTINUATION DE L'HISTOIRE DE
L ADMIRABLE DON QUICHOTTE DE
LA MANCHE DE ROBERT CHALLE (1) :
CERVANTES TRAHI OU COMPRIS ?
Communication de M. Jacques CORMIER
(Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles)
au XLVIÎe Congrès de l'Association, le 18 juillet 1995
Aux yeux des lecteurs de la fin du XVIIe siècle, la pre
mière traduction de Don Quichotte parue sous Louis
XIII semble bien archaïque ; aussi, Claude Barbin
demande-t-il à Filleau de Saint-Martin, un proche des
jansénistes (2), d'en entreprendre une nouvelle. Parue
dans les années 1677-1678, cette version est lue par tous
les écrivains du XVIIIe siècle, si bien que c'est à elle qu'il
faut se reporter si l'on veut examiner dans le détail la
réception du roman de Cervantes en France (3).
(1) Les références des citations renvoient pour le t. VI ou Continuation à
Robert Challe, Continuation de l'histoire de l'admirable Don Quichotte de la
Manche, édition Cormier-Weil, Droz, 1994. - Pour les autres citations du Don
Quichotte, nous utilisons la traduction de Saint-Martin, Compagnie des
libraires, Paris, 1713 ; nous renvoyons à la partie, puis au chapitre en chiffres
arabes. La mention « t. V » indique qu'il s'agit de la suite de Saint-Martin.
(2) Filleau de Saint-Martin est le frère de Filleau de la Chaise, l'auteur du
célèbre Discours sur les Pensées de M. Pascal où l'on essaye défaire voir quel était
son dessein, paru en 1667.
(3) Indépendamment des jugements formulés par Maurice Bardon dans
son Don Quichotte en France au xviť et au xviiF siècle, la valeur de cette traduc
tion mériterait un examen qui ne peut entrer dans le cadre de notre exposé. 264 JACQUES CORMIER
Traitant le texte espagnol avec désinvolture, Saint-
Martin lui inflige plusieurs modifications. L'une
d'entre elles constitue une véritable trahison. On se
souvient que Cervantes, furieux d'avoir vu paraître
une suite dont il n'était pas l'auteur, avait pris bien
soin, pour éviter que pareille mésaventure se reproduis
e, de faire mourir son personnage à la fin du roman. Il
insiste sur le sens de cette mort dans le « Prologue au
lecteur » (4).
Ne s'embarrassant pas de ces indications, Saint-Mart
in fond ensemble les deux derniers chapitres. Dans sa
version, Don Quichotte ne meurt pas. Après une mala
die au cours de laquelle l'esprit du chevalier à la Triste
Figure est fortement ébranlé, tout son bon sens lui
revient et le récit s'achève sur une phrase qui permet
de relancer le protagoniste vers de nouvelles aventures
(5).
En 1695, Claude Barbin, profitant d'une réédition,
ajoute un cinquième tome aux quatre précédents. Saint-
Martin, décédé au début de l'année 1694, avait fourni à
l'éditeur un texte incomplet. La chose est sûre puis-
qu'au terme de cinq cents pages, la narration s'inte
rrompt au milieu d'une histoire enchâssée, l'histoire de
Sainville et de Sylvie, qui occupe à elle seule les cent der-
(4) « Cette seconde partie de Don Quichotte, que je t'offre, est taillée dans la
même étoffe que la première, je t'y donne un Don Quichotte développé, et
enfin mort et enterré, afin que personne n'ose élever contre lui de nouveaux
témoignages, puisque ceux du passé suffisent, et qu'il suffit aussi qu'un
homme d'honneur ait donné connaissance de ces aimables folies, sans que
d'autres y veuillent ajouter leur grain de sel » (fin du « Prologue au lecteur »
de la seconde partie du Don Quichotte, traduction de François de Rosset
revue par Jean Cassou, Paris, Pléiade, 1934, p. 431). Ce passage fait évidem
ment défaut dans la traduction de Filleau de Saint-Martin.
(5) « Ils eurent beau dire tous, Don Quichotte n'en fut ni moins rêveur, ni
moins malade; Mais il guérit enfin et retourna dans son bon sens, jusqu'à
être consulté et admiré de tous ses voisins; Si bien qu'on eût dit qu'il n'était
devenu fou, que pour faire voir que les livres de chevaleries sont de pures
impertinences, et combien il est dangereux de s'attacher à les lire ». LA CONTINUATION DE R. CHALLE 265
nières pages du cinquième volume. Saint-Martin avait
donc prévu de publier au moins deux tomes, sinon
cette histoire aurait dû s'achever dans le volume qui
paraît en 1695.
La « logique du marché » aurait voulu que la conti
nuation de cette histoire parût le plus rapidement pos
sible pour répondre à l'attente du public. Pourtant les
lecteurs attendront 1713 avant de découvrir la Suite de
l'histoire de Silvie et de Sainville (6), histoire dont Challe
avait néanmoins achevé la rédaction dès 1702; elle
constitue en effet les premières pages d'un tome VI de
Don Quichotte de la Manche pour lequel Challe, comme
l'a prouvé Michèle Weil, dès 1964, demande un privilè
ge le 14 septembre 1702 (7).
Robert Challe, le génial auteur des Illustres Françaises,
est bien l'auteur de ce tome VI, intitulé Continuation de
l'histoire de l'admirable Don Quichotte de la Manche (8).
Au lieu d'être l'oeuvre obscure d'un polygraphe ignor
é, — ce que cette Continuation était pour Leopoldo
Rius y Llosellas dans les années 1900, ou encore pour
Maurice Bardon en 1931 — , ce récit devient la premièr
e création identifiée d'un des romanciers les plus
importants de sa génération, « un précurseur et un égal
de Lesage, de Marivaux et de l'abbé Prévost » (9). Le
critique est amené à revoir les jugements antérieurs, et
à s'interroger sur la place que Cervantes a pu occuper
dans sa formation.
Challe s'appuie évidemment sur le modèle et les st
éréotypes que lui fournissent les volumes précédents du
Don Quichotte. Son propos, s'il s'apparente au pastiche,
(6) La graphie du prénom de l'héroïne a changé, mais surtout l'ordre des
prénoms s'est inversé dans l'intitulé de la nouvelle, ce qui laisse supposer
une modification dans la distribution des rôles.
(7) Voir Continuation, p. 19.
(8)p. 19 sq.
(9) Pierre Lepape, Le Monde, vendredi 24 juin 1994, p XII. 266 JACQUES CORMIER
à l'imitation, est cependant habité par une sourde riva
lité. « Anch'io son' scrittore », semble se dire notre
romancier, et ce faisant il trouve dans le chef-d'oeuvre
de Cervantes certains éléments qui servent de ferment
à son invention propre. Il s'approprie la manière du
maître tout en affirmant déjà la sienne.
Cervantes met en place un couple de personnages
antagonistes, Don Quichotte et Sancho Panza. Une fois
ses personnages lancés dans la Sierra mořena, il ménage
des rencontres qui viennent alimenter la matière roma
nesque. Grosso modo, il mêle trois niveaux de narration
différents: les aventures de Don Quichotte et de San
cho, les nouvelles qui leur sont racontées par les voya
geurs qu'ils rencontrent dans l'auberge ou sur les
routes ; enfin, il arrive que le récit abandonne tout
contenu anecdotique pour se contenter d'enregistrer les
discours moralisateurs de Don Quichotte. Challe tire la
leçon de ce schéma d'organisation en assemblant lui
aussi les aventures de ses deux protagonistes, des nou
velles intégrées ou non dans la trame du récit et des
discours moralisateurs.
Dans un premier temps, j'examinerai de quoi se com
pose la Continuation et la façon dont l'ensemble s'orga
nise. Ensuite j'analyserai un aspect particulier du Don
Quichotte qui semble avoir retenu l'attention de Challe.
Cervantes réunit dans le fameux éloge de l'âge d'or (I,
11) des idées critiques qu'il a formulées de façon ponct
uelle ailleurs dans son récit. Challe lui aussi donne la
paro

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