Le comique des « Cent Nouvelles nouvelles » - article ; n°1 ; vol.37, pg 69-83
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1985 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 69-83
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 117
Langue Français

Extrait

Corinne Merlin
Le comique des « Cent Nouvelles nouvelles »
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1985, N°37. pp. 69-83.
Citer ce document / Cite this document :
Merlin Corinne. Le comique des « Cent Nouvelles nouvelles ». In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1985, N°37. pp. 69-83.
doi : 10.3406/caief.1985.1944
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1985_num_37_1_1944LE COMIQUE
DES « CENT NOUVELLES NOUVELLES »
Communication de M™ Corinne MERLIN
(Gand)
au XXXVIe Congrès de l'Association, le 24 juillet 1984
Dans son étude sur Les Cent Nouvelles nouvelles et la
tradition de la nouvelle en France au moyen âge (1), Roger
Dubuis consacre un chapitre au comique dans les nouvelles,
dont il considère successivement la place, la nature et le rôle.
Partant de la constatation du caractère sérieux, voire tragique,
de certaines nouvelles, Dubuis conclut que, dans les Cent
Nouvelles le comique, quoique largement répandu,
n'en est pas pour autant omniprésent. L'intention de l'auteur
n'est pas à proprement parler d'amuser le lecteur mais plutôt
de le divertir, de le distraire. Ce divertissement est indisso
ciable de la notion de surprise : l'auteur cherche à intéresser
le lecteur par le récit d'histoires dont le déroulement et/ou
la conclusion sont inattendus. Or, il se révèle, en particulier
depuis les théories de Bergson, que, s'il n'est pas le seul
générateur du rire, Г « inattendu » n'en est pas moins son
plus fidèle pourvoyeur. Rechercher l'inattendu, c'est, iné
vitablement, provoquer le rire qui n'est donc pas un but mais
plutôt une conséquence.
Dubuis définit ensuite la nature du registre comique, qui lui
semble extrêmement varié. Tous les genres de comique y
sont représentés, du plus lourd au plus subtil, du plus vul
gaire au plus raffiné, du plus appuyé au plus délicatement
suggéré. Une même diversité caractérise les procédés. Dubuis
(1) Presses universitaires de Grenoble, 1973. 70 CORINNE MERLIN
énumère rapidement quelques exemples : le comique de mots
lié à l'équivoque ; le comique de situation qui peut être amus
ant, burlesque ou franchement grotesque ; le comique de
gestes, fréquemment attaché aux bastonnades. Les traits de
comique de caractère ou de mœurs restent, en général, assez
superficiels et ne constituent nullement l'essentiel de la nouv
elle. En revanche, l'ironie ou mieux, l'humour, est épars
dans tout le recueil au point que la plupart des critiques y
ont trouvé une des caractéristiques fondamentales du style
et de l'esprit de l'auteur. Dubuis mentionne finalement la
présence d'un comique purement mécanique, le comique de
répétition, et termine ce rapide survol en rappelant l'objectif
qu'il s'est proposé d'atteindre : « déterminer ce qui, dans la
nouvelle française du XVe siècle, peut être expliqué par le
recours aux seuls antécédents français » (2). Le comique
n'étant qu'un aspect parmi d'autres du recueil, il ne bénéficiera
par conséquent que d'une attention volontairement limitée.
A son tour, Pierre-André Beauchamps s'est intéressé au
rire que déclenchaient les Cent Nouvelles nouvelles. Dans un
article consacré à l'analyse des procédés et des thèmes carna
valesques dans les Cent Nouvelles nouvelles (3), Beauchamps
s'oppose aux critiques qui soutenaient que le recueil était une
œuvre de divertissement pur, sans fonction sociale. Partant
des théories de Freud qui voyait dans le rire un exutoire aux
pulsions naturelles, sexuelles et agressives du peuple, Beau-
champs décrit la fonction sociale du rire dans les nouvelles
comme un moyen de maintenir le statu quo de l'ordre établi
en offrant à la nature humaine l'occasion de se défouler. Ce
défoulement par transgression des lois est le propre du carnav
al. Le rire procède d'attitudes carnavalesques qui se manif
estent à travers des procédés et des thèmes littéraires : le
déguisement et le travestissement, l'obscénité, l'union des
contraires, le renversement de l'ordre hiérarchique et l'énu-
mération.
(2) Ouv. cité, p. 3.
(3) Procédés et thèmes carnavalesques dans les « Cent Nouvelles
nouvelles », dans Le moyen français, 1 (1977), pp. 90-118. LE COMIQUE DES « CENT NOUVELLES NOUVELLES » 71
Deux critiques, deux attitudes. Pour Beauchamps, le rire
constitue bel et bien un but en soi : il permet à l'individu
de se défouler et à la société de se maintenir. Les procédés
du rire se situent tous plus ou moins au niveau du contenu
ou mieux, au niveau de la forme du contenu : c'est essentie
llement un comique de situation. Pour Dubuis, le comique
n'étant qu'une conséquence de la recherche de l'inattendu,
c'est plutôt ce dernier qui sera analysé par la suite. Comme
Beauchamps distingue les procédés du rire, Dubuis étudie les
procédés de l'inattendu qui, pour la plupart, concernent la
structure narrative et les liens entre l'auteur et le lecteur.
Il semblerait donc que le comique ou plutôt le rire soit
fondamentalement lié à un renversement de situation (Dubuis)
et à un renversement de valeurs (Beauchamps). L'auteur aurait
avant tout pensé à l'action, à son déroulement imprévu et à
la façon de le mettre en œuvre. Tout serait pensé en fonction
de l'histoire, de l'intrigue et ce serait par conséquent plus la
forme du contenu que la forme de l'expression qui aurait
retenu l'attention de l'auteur et du lecteur. C'est également
l'avis d'un autre critique, Jens Rasmussen, qui affirme que
« le comique de situation (est la) forme dominante du
comique des Cent Nouvelles nouvelles » (4).
Sans chercher à contredire ces divers points de vue, nous
devons toutefois attirer l'attention sur un aspect jusqu'à
présent négligé du comique : très précisément le comique du
discours, qui apparaît essentiellement à travers les paroles
qu'énoncent les protagonistes des nouvelles.
Il se trouve que les paroles occupent une place importante,
voire centrale, dans les nouvelles. En effet, non seulement les
paroles apparaissent aux moments cruciaux de l'histoire, que
Dubuis appelle « pointes » ou « points de bascule », mais il
y est en outre très souvent fait allusion dans les résumés des
nouvelles qui, réunis au début du recueil, en constituent en
quelque sorte la table des matières (5). Pour environ un tiers
(4) La prose narrative du XV* siècle, Copenhague, Munksgaard,
1958, p. 134.
(5) Les références et citations sont tirées de l'édition de Franklin P.
Sweetser (Genève, Librairie Droz, 1966). 72 CORINNE MERLIN
des nouvelles les paroles des personnages sont annoncées sans
qu'elles soient pour autant énoncées (6). C'est le cas, par
exemple, de la nouvelle VII :
La VIIe nouvelle, par Monseigneur, de l'orfèvre de Paris qui
fist Is charreton couscher avec luy et sa femme ; et comment le
charreton par derrière se jouoit avec elle, dont l'orfèvre se
parceut et trouva ce qui estoit et des parolles qu'il dist au
charreton.
Plus rarement, les propos (comiques) des personnages sont
d'emblée dévoilés et la présentation de la nouvelle devient
en quelque sorte une histoire drôle en soi (7) :
La vingt et troisiesme nouvelle, d'ung clerc de qui sa mais-
tresse fut amoureuse, la quelle a bon escient s'i accorda, pour
tant qu'elle avoit passé la raye que le dit clerc lui avoit faicte.
Ce voyant son petit filz dist a son pere, quant il fut venu, qu'il
ne passast point la raye : car, s'il la passoit, le clerc lui feroit
comme il avoit fait a sa mere.
.Ces paroles font rire. Il ne s'agit ici nullement d'une affirma
tion gratuite comme on pourrait effectivement le croire, car le
rire du lecteur actuel, vu l'évolution de la notion même de
comique, est loin d'être une garantie du rire du lecteur de
l'époque.
C'est que le texte même des Cent Nouvelles nouvelles con
tient une trentaine d'allusions au rire. Dans la plupart des
cas, le rire est déclenché par les propos que tiennent les per
sonnages (8). Citons, au hasard, un exemple :
(6) Voi

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