Les écritures figuratives de l Amérique préhispanique : l exemple méso-américain - article ; n°3 ; vol.146, pg 1059-1098
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Les écritures figuratives de l'Amérique préhispanique : l'exemple méso-américain - article ; n°3 ; vol.146, pg 1059-1098

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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 2002 - Volume 146 - Numéro 3 - Pages 1059-1098
40 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Extrait

Monsieur Christian Duverger
Les écritures figuratives de l'Amérique préhispanique : l'exemple
méso-américain
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 146e année, N. 3, 2002. pp.
1059-1098.
Citer ce document / Cite this document :
Duverger Christian. Les écritures figuratives de l'Amérique préhispanique : l'exemple méso-américain. In: Comptes-rendus des
séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 146e année, N. 3, 2002. pp. 1059-1098.
doi : 10.3406/crai.2002.22501
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_2002_num_146_3_22501;
COMMUNICATION
LES ÉCRITURES FIGURATIVES DE L'AMÉRIQUE PRÉHISPANIQUE
L'EXEMPLE MÉSO-AMÉRICAIN, PAR M. CHRISTIAN DUVERGER
Histoire d'une incompréhension
Aujourd'hui encore, prononcer le mot « écriture » à propos des
cultures de l'Amérique précolombienne suscite nombre de réac
tions. Il y a le camp de ceux qui doutent et qui s'interrogent sur le
bien-fondé de cet emploi lexical : certes, disent-ils, les anciens
Mexicains ont laissé des inscriptions glyphiques, mais peut-on
vraiment parler d'écriture ? En face, il y a le camp des optimistes et
des velléitaires qui s'insurgent à l'idée que l'on puisse, par exemp
le, dénier aux Maya la possession d'une écriture en tout point
semblable à la nôtre, c'est-à-dire phonétique. Ils en font une
question de principe, un préalable à toute interrogation. Entre les
deux, il y a tous ceux qui ne demandent qu'à comprendre et sont
ouverts au débat scientifique ; mais, ceux-là ne peuvent guère
s'ancrer dans des certitudes tant la question est biaisée.
Pourquoi donc, cinq siècles après la découverte de l'Amérique,
le sujet de l'écriture préhispanique n'a-t-il toujours pas reçu de
traitement scientifique adéquat ? On peut discerner trois raisons.
Tout d'abord, jusqu'à une date récente, en raison de la rareté des
fouilles archéologiques, le monde précolombien était perçu
comme un monde atomisé, fragmenté à l'extrême, à la fois dans
l'espace et dans le temps ; chaque micro -territoire donnait
l'impression d'avoir engendré au fil des siècles une succession de
micro -cultures régionales, aussi éphémères que spécifiques. La
myriade des styles locaux et la théorie du collapsus considéré
comme le modèle du déterminisme historique préhispanique
finirent par créer une Amérique ancienne profondément ésotéri-
que, dépourvue en tout cas de toute clé de compréhension dyna
mique et globale. Dans ce cadre-là, l'écriture des Maya apparaiss
ait par exemple comme un trait de pure originalité et semblait le
produit isolé d'une quelconque génération spontanée. La science
s'effaçait au profit du mystère.
La seconde raison de notre incompréhension de l'écriture pr
écolombienne tient à une vision très « occidentale » de l'Amérique 1060 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ancienne. Rappelons que les études américanistes naissent au
milieu du XIXe siècle, c'est-à-dire avant que n'apparaisse la dimens
ion culturelle de l'anthropologie. Le contexte intellectuel de
l'époque, partagé entre positivisme et romantisme, est orienté
vers le comparatisme et l'évolutionnisme. Les manuscrits pict
ographiques mexicains publiés dès 1831 par lord Kingsborough à
Londres1, puis les découvertes des inscriptions maya par Ste-
phens et Catherwood entre 1839 et 18432 poussent les érudits à
reconnaître au Mexique l'existence d'une écriture précolom
bienne. L'interprétation la plus courante tend à considérer le
système comme phonétique, mais la graphie, empruntant larg
ement à l'iconique, est perçue comme un stade assez archaïque de
l'écriture, intermédiaire entre les pictogrammes primitifs et les
conventions scripturaires de l'Ancien Monde. On parle alors
volontiers d'écriture-rébus. L'incapacité des pionniers de l'épo
que à distinguer les manuscrits véritablement préhispaniques
de ceux réalisés au XVIe siècle après l'arrivée des Espagnols
conduisit à attribuer aux Aztèques ce qui était en réalité imputable
au métissage né de la Conquête. Qui, alors, aurait pu prendre
la mesure du travail accompli par les premiers évangélisateurs
du Mexique ? Rappelons que ces franciscains de la première
vague, par un curieux retournement de situation, se feront les
archivistes de la civilisation qu'ils avaient pour mission d'abolir.
A l'instar d'un Olmos, d'un Motolinia ou d'un Sahagûn, ils
entreront dans la logique autochtone et apprécieront avec justesse
la nature pictographique de l'écriture indigène. Ils auront ainsi
recours au système glyphique pour transcrire le catéchisme ou
les prières chrétiennes, mais ils interféreront aussi dans la codi
fication graphique traditionnelle en introduisant des éléments
phonétiques qui n'existaient pas auparavant. Les manuscrits
postérieurs à 1530, même à forte saveur indigène, doivent
donc être tenus pour des œuvres métisses3. Les considérer un
iformément comme des survivances du système précolombien
mène sur une fausse piste, qui a durablement égaré bien des
chercheurs.
1. E. King, Lord Kingsborough, Antiquities of Mexico, Londres, 1831, 7 vol. (copies
exécutées in situ à la main par l'artiste italien A. Aglio). Deux volumes supplémentaires
paraîtront en 1848.
2. J. L. Stephens, Incidents of Travel in Central America, Chiapas and Yucatan,
with illustrations by Frederick Catherwood, New York, Harper and Brothers, 1841,
2 vol. J. L. Incidents of Travel in Yucatan, illustrated by 120 Engravings (F.
Catherwood), New York, Harper and Brothers, 1843, 2 vol.
3. Tel est en particulier le cas du Codex Mendoza réalisé vers 1550 à Mexico dans le cadre
de l'école franciscaine ouverte par Pedro de Gante à San José de los Naturales. FIGURATIVE MÉSO-AMÉRICAINE 1061 ÉCRITURE
Enfin, parmi les causes de nos difficultés d'appréciation de ce
dossier, l'on ne saurait omettre le parasitage du débat par des
questions « morales », étrangères aux strictes données scientifi
ques. Pour nous résumer, disons que le phonétisme a été pris en
otage par un courant se réclamant à la fois de l'humanisme et des
théories développementalistes ! Autrement dit, il n'y aurait d'écri
ture que phonétique et le statut d'une culture serait fonction de sa
maîtrise ou de son ignorance de l'écriture. Dans cette perspective,
dénier l'usage de l'écriture aux peuples de l'Amérique ancienne
revient à les tenir pour inférieurs ; toute opération de réhabilita
tion doit donc passer par l'affirmation que l'écriture existe bien
dans le monde précolombien et qu'elle y est, comme chez nous,
phonétique. On voit que l'irruption du passionnel peut être de
nature à perturber la sérénité de l'analyse.
Il me semble aujourd'hui possible et nécessaire de reprendre ce
dossier à la base. De nouvelles conditions sont maintenant réu
nies, qui ne peuvent que faciliter notre compréhension : l'Améri
que préhispanique n'est plus pour nous cette mosaïque de civil
isations, anomique et mouvante, que l'on décrivait naguère. Des
aires culturelles intégrées ont dessiné leurs frontières : la Méso
Amérique au Mexique et en Amérique centrale, le monde chichi-
mèque du sud-ouest américain et du nord du Mexique, le bassin
caribéen, le monde amazonien, la zone andine, etc.
A l'intérieur de ces grandes aires culturelles pluri-ethniques, les
hommes partagent les mêmes modes d'organisation sociale, le
même fonds de croyances, les mêmes formes de rites, la même
relation avec l'espace et le temps... Qui plus est, un notable flux
d'échanges, non réductible à des relations commerciales, articule
ces aires entre elles. Des phénomènes de simultanéité sont main
tenant mis en évidence, éclipsant l'ancienne vision de mondes
étanches et culturellement disparates.
Enfin

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