Musset devant l œuvre de Victor Hugo - article ; n°1 ; vol.39, pg 251-267
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1987 - Volume 39 - Numéro 1 - Pages 251-267
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 43
Langue Français

Extrait

Simon Jeune
Musset devant l'œuvre de Victor Hugo
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1987, N°39. pp. 251-267.
Citer ce document / Cite this document :
Jeune Simon. Musset devant l'œuvre de Victor Hugo. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1987,
N°39. pp. 251-267.
doi : 10.3406/caief.1987.2438
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1987_num_39_1_2438MUSSET DEVANT L'ŒUVRE
DE VICTOR HUGO
Communication de M. Simon JEUNE
(Bordeaux)
au XXXVIIIe Congrès de l'Association, le 24 juillet 1986
Stendhal, au verso d'une lettre du 10 mars 1830 que
Musset lui envoyait en remerciement de son appréciation
flatteuse des Contes d'Espagne et d'Italie, inscrit une de
ces notes dont il a l'habitude : « M. de Musset, 12 mars.
On le dit machiavélique à l'égard du grand Hugo » (1).
A plus de trente ans de distance (1862), Sainte-Beuve
présidait, à son habitude, ce dîner d'hommes de lettres qu'on
appelle dîner Magny et Taine disait son admiration pour
le naturel et la sincérité passionnée de Musset, le plus grand
poète de son temps selon lui. Son aîné se livre alors à une
sévère mise au point :
Musset a commencé par l'affectation, il n'est devenu naturel
que lorsque la force lui manquait et quand son talent s'en
allait. Du reste, mauvais coucheur, désagréable et brutal avec
Hugo (2).
Même si on peut supposer quelque exagération maligne
de la part de ce Nestor qui pouvait prendre plaisir à démyt
hifier le héros de Taine, il apparaît que les relations
n'étaient pas ce qu'elles auraient pu être entre les deux
poètes et que la responsabilité en incomberait essentielle-
(1) Correspondance d'Alfred de Musset, P.U.F., 1985, t. 1, 1826-1839,
p. 38.
(2) H. Taine, sa vie et sa correspondance, t. 2, p. 241. 252 SIMON JEUNE
ment à Musset. C'est le témoignage de Musset que nous nous
proposons d'interroger à ce sujet, soit qu'il vise de façon
explicite Hugo et son œuvre, soit qu'il ait recours à des
procédés plus neutres, plus obliques ou plus allusifs, donc
d'interprétation plus délicate et plus aléatoire. Notons pour
commencer que Musset ne nomme que très rarement Hugo,
même s'il est relativement facile d'identifier au passage les
idées du poète et, à plus forte raison, ses œuvres.
Rappelons d'abord rapidement les raisons qui ne facili
taient pas la pleine entente entre le gamin et le jeune
olympien. Neuf ans de différence d'âge : trop pour la camar
aderie égalitaire, pas assez pour le respect dû à l'ancien ;
la noblesse (même peu fortunée) de Musset en face de l'or
igine populaire des Hugo, bourgeoise des Trébuchet. Bien
plus importantes : les différences idéologiques et politiques.
Hugo jeune est ultra, catholique et de mœurs austères.
Musset a été élevé par un père libéral et anticlérical dans
le culte du xvnie siècle et de Rousseau (les Odes de Hugo
n'auront aucune prise sur Musset) (3). Egalement précoces,
les deux poètes prennent dans la vie des orientations
opposées. L'un, homme de devoir, marié à vingt ans, père
de famille nombreuse à vingt-six, gestionnaire avisé et rigou
reux de ressources à l'origine très modestes, est animé de
la volonté passionnée d'être reconnu comme le plus grand
poète ; l'autre, déjà buveur, joueur et dissipé, refuse de
se prendre au sérieux et se moque de ce mélange d'ambition
et d'esprit petit-bourgeois du « grand poète » :
Heureux l'homme innocent qui ripaille et qui fume
Lorsque Victor Hugo fait sonner dans la brume
Les quatre pieds fourchus du cheval éreinté
Qui le porte en famille à l'immortalité (4).
(3) Réserve fai^e pour quelques odes tardives d'inspiration fantaisiste ou
médiévale.
(4) « Revue romantique » [1833], poème satirique dans lequel Musset
ne s'épargne pas lui-même (A. de Musset, Poésies complètes, Biblioth. de
la Pléiade, p. 522). MUSSET DEVANT l'(EUVRE DE VICTOR HUGO 253
De nature indépendante et frondeuse, Musset n'acceptait
pas de faire acte d'allégeance, de devenir le féal, l'homme
lige. Il refuse l'enrégimentement, mais moins par amour-
propre que par respect de sa propre individualité et crainte
d'étouffer ces virtualités qui font le créateur. C'est le thème
même des Secrètes pensées de Rafaël (juillet 1830). On en
retrouve une expression particulièrement nette dans un
article sur Hoffmann où il définit l'homme de génie :
* qu'on II est voit seul aujourd'hui de son bord entrer ; bien en différent bataille de une ces ode camps à la entiers main
et répéter une idée sous la forme de soixante personnes (5).
Introduit très jeune dans le salon des Hugo par son cama
rade et confident Paul Foucher, beau-frère de Victor, Alfred
est naturellement sensible à l'extraordinaire renouveau du
langage poétique dont témoignent les Ballades (1826-1828),
Cromwell (1827), Les Orientales (1829). Aussi est-ce par
des ballades au rythme très marqué et contrasté, d'inspira
tion fantastique (La Nuit, Un Rêve), troubadour (les
Stances), pittoresque et erotique (Venise) que Musset inau
gure sa production poétique (6). L'imitation de Hugo y est
patente. Elle est même proclamée dans un texte liminaire
(anonyme, mais auquel le poète n'est probablement pas
étranger) (7) qui présente Un Rêve, premier imprimé de
(5) Le Temps, 1er décembre 1830. Cf. S. Jeune, « Une étude inconnue de
Musset sur Hoffmann •», Revue de Littérature comparée, 1965, n° 3,
p. 422-427. Cet article présente d'autres idées importantes que reprendra la
dédicace de La coupe et les lèvres (1833) : « Je ne sais quelle est la
première médiocrité à qui nous devons le proverbe qu'un grand homme est
l'expression de son siècle. Un grand homme est l'expression de lui-même
et se soucie fort peu de son siècle (en littérature s'entend). [...] L'homme
politique est toujours dans le flot, l'homme littéraire jamais. Les poètes
sont les oisifs de ce monde ; ils regardent aller les choses comme les
badauds du Pont-Neuf regardent l'eau couler ». Même au temps de ses
poésies pittoresques ou intimistes (1826-1831), Hugo se sentait-il « oisif »
ou « badaud » ?
(6) La Nuit, posthume (Je sais tout, juin 1905), Un Rêve (Le Provincial,
31 août 1828), Venise et les Stances (Contes d'Espagne et d'Italie).
(7) Ce préambule a toute chance d'être de Paul Foucher, collaborateur
de ce journal. Il paraissait donc avec l'aveu de Musset qui peut très bien
y avoir mis la main. 254 SIMON JEUNE
Musset inséré dans un petit journal dijonnais, Le Provinc
ial : « [...] c'est une étude rythmique d'après Cromw
ell » (8).
Notons toutefois que la structure métrique utilisée ici
n'apparaît nulle part chez Hugo (9). Cela est également
vrai de toutes les autres ballades hétérométriques de Musset
écrites entre 1827 et 1830, à l'exception d'une seule, La
Nuit, posthume et probablement la plus ancienne, qui repro
duit la structure de La Chanson du fou, publiée en épi
graphe à la Ballade X, A un passant (1826), avant d'être
chantée par Elespuru dans Cromwell (IV, 1) (10). Cette
indépendance affirmée par rapport à Hugo se double évidem
ment d'une provocation avec la fameuse « Ballade à la
lune » d'un grotesque grinçant et allègrement inconve
nant (11).
Ainsi, dès le début, Musset, sensible à la puissance et à
la fantaisie hugoliennes, cherche à préserver son original
ité : « Mon verre n'est pas grand, mais je bois dans mon
verre » (Dédicace de La coupe et les lèvres). A cette origi
nalité, les vrais poètes sont condamnés : « Tous les raiso
nnements du monde ne pourraient faire sortir du gosier
d'un merle la chanson du sansonnet» (12). Ses sympathies
littéraires le portent alors vers Sainte-Beuve, poète mod
este et critique aigu, vers l'aristocrate Vigny qui, plus que
Hugo, est alors le poète de la volupté et de la passion
tragique, et surtout vers Mérimée au « réalisme » provo<

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