Nouvelles technologies: peut-on échapper à l’emprise américaine ?
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Nouvelles technologies: peut-on échapper à l’emprise américaine ? décembre 30, 2011 dans Affaires Amesys Qosmos et Cie, Filtrage, censure du net, guerre contre le partage Contacté par une journaliste du site de débat Newsring (lancé sous la direction éditoriale de Frédéric Taddeï) pour participer à un sujet sur « Nouvelles technologies : peut-on échapper à l’emprise américaine ? », je me suis plié à l’exercice. C’est à partir de l’annonce du retrait de Dassault du projet de Cloud computing « à la française » que la journaliste s’est posé la question de la possibilité pour la France de développer son indépendance face à des services majoritairement américains. Le débat et sa présentation sont disponibles à cette adresse. Le point de vue développé ici s’attardera davantage à se demander s’il est possible d’échapper à l’emprise des États et des entreprises qui font fortune sur la surveillance des communications. Il est coutume de dire qu’internet n’a pas de centre, et c’est vrai. En tant que réseau de réseaux décentralisé, il est en théorie conçu pour pouvoir fonctionner quelles qu’en soient les parties amputées. Mais il est aussi fréquent d’entendre que s’il devait y en avoir un, il serait aux États-Unis. Avec le développement de la toile, de nombreuses entreprises américaines ont acquis un statut dominant voire quasi monopolistique dans certains domaines.

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Publié le 13 janvier 2012
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Langue Français

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Nouvelles technologies: peut-on échapper à
l’emprise américaine ?
décembre 30, 2011
dans Affaires Amesys Qosmos et Cie, Filtrage, censure du net, guerre
contre le partage
Contacté par une journaliste du site de débat Newsring (lancé sous la direction éditoriale de
Frédéric Taddeï) pour participer à un sujet sur « Nouvelles technologies : peut-on échapper à
l’emprise
américaine
? »,
je
me
suis
plié
à
l’exercice.
C’est à partir de l’annonce du retrait de Dassault du projet de Cloud computing « à la
française » que la journaliste s’est posé la question de la possibilité pour la France de
développer son
indépendance face à des services majoritairement
américains.
Le débat et sa présentation sont disponibles à cette adresse.
Le point de vue développé ici s’attardera davantage à se demander s’il est possible
d’échapper à l’emprise des États et des entreprises qui font fortune sur la surveillance des
communications.
Il est coutume de dire qu’internet n’a pas de centre, et c’est vrai. En tant que réseau de
réseaux décentralisé, il est en théorie conçu pour pouvoir fonctionner quelles qu’en soient les
parties amputées. Mais il est aussi fréquent d’entendre que s’il devait y en avoir un, il serait
aux États-Unis.
Avec le développement de la toile, de nombreuses entreprises américaines ont acquis un statut
dominant voire quasi monopolistique dans certains domaines. Plus de neuf français sur dix
utilisent des logiciels Microsoft et surfent sur le net grâce à Google, et près d’un sur trois a un
profil Facebook.
Lorsque l’on parle de stockage des données en ligne (cloud computing), cela pose de façon
évidente la question de la conservation et de la concentration des informations, et interroge
sur le cadre juridique duquel elles dépendent.
Cette concentration pose problème dans plusieurs domaines :
La confidentialité des données
Concernant la confidentialité des données, et le respect à la vie privée, la constitution de
supers bases de données contenant des quantités parfois astronomiques de détails sur nos
habitudes de navigation, nos goûts, nos achats, nos symptômes, nos préoccupations, nos
désirs
etc.,
pose
de
sérieux
problèmes.
Pour prendre le cas Google, il a été le premier groupe à dépasser le milliard de visiteurs
uniques en mai dernier (selon comScore), et Youtube (appartenant à Google) annonce ce
mois-ci les mille milliards de vidéos vues en 2011. Chacune de ces visites est l’occasion pour
l’entreprise de peaufiner le profil des utilisateurs en fonction de leurs comportements.
La question du droit de l’information
À qui appartiennent les informations publiées par les internautes ? Dans le cas de Facebook
par exemple, nous savons que les données « confiées » peuvent être réutilisées dans un cadre
publicitaire notamment, et sont à la disposition de l’entreprise, même après suppression du
compte (voir l’affaire de l’étudiant autrichien Max Schrems qui a reçu plus de 1200 pages
d’informations sur sa personne après 3 ans d’utilisation du réseau et un compte soi disant
supprimé).
Le rapport à la justice
C’est également vis à vis de la justice qu’il faut s’interroger, et plus particulièrement de l’État.
C’est suite à des « révélations » de Gordon Frazer (directeur général de Microsoft) que la
question du Patriot Act a refait surface sur le net. Rédigé suite aux attentats du 11 septembre
2001, le texte impose à toute entreprise américaine de fournir les renseignements dont elle
dispose si l’État en fait la demande. Étant dans cette situation, Microsoft a, à l’occasion de la
prise de parole de son responsable, avoué avoir déjà été en situation de répondre à cette
exigence patriotique. C’est quasiment dans la foulée que le géant Google avait également
confirmé avoir fait de même.
Il convient de préciser que le Patriot Act concerne toutes les entreprises américaines, qu’elles
soient basées sur le sol américain ou non. Les serveurs de Google en Europe sont par exemple
concernés, et toutes les données qu’ils renferment sont donc potentiellement réquisitionnables
par les autorités d’outre-Atlantique.
C’est alors que se repose la question de la concentration des données. Avec 900 000 serveurs
estimés dans le monde, une utilisation particulièrement élevée de son moteur de recherche en
France, et une omniprésence de Google Analytics qui permet d’afficher des statistiques de
fréquentation 1 2, Google prend l’allure d’une pieuvre menaçante tant pour la sécurité des
internautes que pour celle des entreprises.
Le contrôle du réseau
L’intégrité du réseau ainsi que la garantie d’une circulation libre des contenus dépendent
également, du fait de la main mise des entreprises américaines sur le web, du droit états-
unien. L’actualité récente braque les projecteurs vers la chambre des représentants et le sénat
américains, lesquels discutent deux projets de loi très similaires: Stop Online Piracy Act
(SOPA) et Protect IP Act (PIPA). Ces deux Patriot Acts numériques visent à mettre en place
des systèmes de contrôle et de censure d’internet dignes des plus grandes dictatures
mondiales, et ce afin de préserver les seuls intérêts des ayants droit des industries culturelles
américaines. Le passage de tels projets affecterait sans nul doute la totalité de la toile puisque
qu’une grande partie des sites en ligne dépendront de ces textes.
Un cloud à la française ?
Cette situation de dépendance à l’égard du droit américain amène divers projets, dont
Andromède, présenté comme un cloud à la française, à destination de l’e-administration, puis
éventuellement des entreprises de l’hexagone.
Plutôt que de se concentrer directement sur l’administration et les entreprises, il me semble
important d’aborder la question de façon plus large, dans le rapport à l’utilisateur en général.
En ce qui concerne la sécurité des données, il conviendrait de désigner clairement celui dont
on souhaite se protéger. S’il s’agit de l’État, il n’y a nul doute pour dire que l’État Français ne
se montre pas plus vertueux que son homologue américain, en témoignent l’adoption de la
très répressive Loppsi II, la troisième position acquise par la France en tant que pays
demandant à Google de dévoiler des informations sur ses utilisateurs (octobre 2011), ou
encore son implication présumée dans l’affaire d’espionnage d’Amesys (voir ci-dessous).
Mais avec qui ?
Les partenaires associés au projet Andromède laissent perplexes les internautes qui auront
rapidement mis le nez dans les questions de sécurité : Orange, Thales et Dassault (qui s’est
retiré du projet en décembre).
France Télécom (qui possède la marque Orange), s’est illustré (bien que cela n’ait fait grand
bruit), de façon indirecte dans l’affaire Amesys. En effet, l’entreprise possède de nombreuses
actions
chez
Bull,
dont
Amesys
est
une
filiale.
Cette dernière a été, suite à des révélation des sites Owni, Reflets.info, Wikileaks et le Wall
Street Journal, accusée d’avoir vendu au régime de Kadhafi des armes numériques permettant
la surveillance du réseau et des dissidents libyens , ainsi que des communications
téléphoniques et satellites.
Thales a également été répertoriée par Wikileaks dans les Spy Files, comme étant l’une des
entreprises françaises développant des outils de monitoring de masse sur les réseaux
téléphoniques et internet.
Orange, c’est également l’annonce d’un bridage du net à 100 MO pour la fibre (et donc
techniquement une remise en cause de l’illimité), ainsi que la volonté de développer le DPI
(Deep Packet Inspection), la même technologie d’analyse des flux utilisée par Amesys en
Libye, pour des usages courants. Parmi les dernières propositions, on notera la possibilité de
faire analyser tout son trafic par Orange afin de pouvoir recevoir des publicités plus ciblées
(c’est
tout
de
même
grandiose!).
Nombreux sont également ceux qui s’interrogent sur son respect de la neutralité du net,
notamment en tant que propriétaire du portail Dailymotion. L’entreprise est en effet suspectée
de brider le trafic à destination de son concurrent Youtube.
On ne présente plus non plus Dassault pour ce qui est de la construction et la vente d’armes et
de matériel de guerre, pour ses relations commerciales avec Amesys, Thales ou d’autres, et sa
complicité par la vente d’armes avec la dictature de Kadhafi.
Bref, on pourrait se demander ce qu’il y aurait à gagner à confier la gestion de nos données et
leur sécurisation à de tels énergumènes.
Saucisson pinard ou autonomie ?
Parler de l’information sur le net, au-delà même du cloud (à la française ou non), pose donc
un certain nombre de questions qui n’ont finalement pas toujours grand chose à voir avec des
problématiques
liées
à
la
souveraineté
nationale.
Il convient en effet de resituer les contextes d’énonciation : si l’État français peut chercher à
gagner en indépendance grâce à Andromède, il n’en reste pas moins extrêmement conciliant
(et d’avantage encore : voir l’inauguration des bureaux parisiens de Google par Nicolas
Sarkozy) avec une entreprise comme Google, qui évite pourtant sciemment la fiscalité
française
en
se
basant
en
Irlande.
Son indépendance vis à vis de la juridiction américaine, notamment dans le domaine de la
sécurité nationale ne semble représenter que peu d’intérêt pour l’internaute moyen, étant
données les pratiques auxquelles il semble s’adonner sur son propre territoire ou dans les pays
du Maghreb et du Moyen-Orient.
D’autre part, on va de ce fait observer une fuite des militants vers les États-Unis pour
échapper à la surveillance et la censure française, comme ce fut le cas pour le site Copwatch
Nord Île-de-France par exemple. Pour ces activistes, être « autonome » (hébergé) en France
ne signifie pas pour autant liberté.
Héberger ses données à distance amène enfin à prendre en compte d’abord la question du
chiffrement, afin de garantir une confidentialité à minima de ce qui est entreposé sur des
serveurs tiers, mais aussi celle des outils secondaires qui peuvent être utilisés. Gardons en tête
l’exemple de Google Analytics, lequel fait office de véritable cheval de Troie sondant pour le
géant de Mountain View, une bonne partie des visites de sites sur la toile.
Finalement, ne serait-ce pas l’occasion de réhabiliter dans certains cas le principe l’auto-
hébergement et l’hébergement coopératif, probablement l’une des pratiques la plus en phase
avec l’écologie du net ?
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