À propos de la logique de l opinion - article ; n°1 ; vol.26, pg 68-81
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1924 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 68-81
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Publié le 01 janvier 1924
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Langue Français

Extrait

Edgar Janssens
À propos de la logique de l'opinion
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 26° année, Deuxième série, N°1, 1924. pp. 68-81.
Citer ce document / Cite this document :
Janssens Edgar. À propos de la logique de l'opinion. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 26° année, Deuxième série,
N°1, 1924. pp. 68-81.
doi : 10.3406/phlou.1924.2366
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1924_num_26_1_2366iii
À PROPOS DE LA LOGIQUE DE L'OPINION
Un simple compte rendu, où nous avions exprimé notre approbat
ion, nuancée de quelques réserves, au récent ouvrage du R. P.
Richard sur le Probabilisme moral et la Philosophie, nous vaut, dans
le n° d'août de cette Revue, une étude de Mgr C. Sentroul. Comme
on ne nous ménage point la critique, il nous a paru loisible de
donner à notre réponse une certaine ampleur. Les problèmes de la
probabilité que nous y toucherons, sont d'ailleurs hérissés de telles
difficultés et si insuffisamment connus qu'il importe de s'y attarder
quelque peu, encore que nous ayons déjà traité le même sujet, à
deux reprises, dans la Revue néo-scolastique 1).
Le lecteur nous permettra de ne point nous arrêter aux nom
breuses comparaisons et images dont notre spirituel contradicteur
émail le son article. Ce procédé d'argumentation est peut-être vivant,
il met l'humeur en gaieté; il reste à voir s'il prouve grand'chose.
Aussi bien, on pourrait très opportunément rappeler, à ce sujet,
l'adage : Comparaison n'est point raison. Si cette vérité n'est point
de M. de La Palisse, que Mgr C. S. aime à citer et qui semble être,
avec La Fontaine, une de ses autorités favorites, à coup sûr elle est
digne de ce prince des apophtegmes irréfragables. Sans parler de la
comparaison de l'obélisque « qui penche à gauche par toute sa
masse mais qui se trouve encore retenu à droite par des câbles »
(p. 323) ; ou bien du Vase brisé de Sully Prudhomme (ibîd.) ; ou
bien de la lampe électrique (p. 32 i) ; ou bien encore des « canons
de portée différente » (p. 325), disons un mot de la presse hydraul
ique (p. 326) que nous sommes quelque peu étonné de voir se
muer en une argumentation contre nous. 11 est 1res vrai qu'une
1> Voit les numéros d'août et de novembre 1920. . A propos de la logique de Vopinion . 69
mince colonne d'eau puisse y faire contrepoids à une masse consi
dérable du même fluide. Mais qui nous dit qu'il en est de même
des raisons, diversement fortes, qui appuient des propositions
contraires ?
Lorsque nous citons ta définition que donne saint Thomas de
l'opinion : Ratio totaliter déclinât in unam partem contradictionis^
licet cum formidine alterius » '), Mgr C. S. trouve bon de rappeler
a cette épouse un peu froide, dont parle La Fontaine, qui n'avait
encore jamais embrassé son mari avant certaine nuit qu'elle crut
entendre des voleurs » (pp. 322-3). Il saute aux yeux que la com
paraison, cette fois, est inadéquate. Ici, l'intelligence adhère à
l'un des partis opposés, malgré la crainte du parti contraire ; là,
la femme embrasse son mari, à cause de la crainte des voleurs.
L'on pourrait, si l'on en avait le temps, reprendre ainsi chacune
des comparaisons doit on tire argument contre nous. On verrait
qu'elles ne prouvent guère plus.
Si, sortant de la caverne, nous passons, du domaine des ombres
et des images, au monde des idées, nous éprouvons quelque per
plexité. Tant de points sont touchés dans l'article dont nous faisons
l'examen critique, tant de questions résolues en termes péremptoires
et sommaires : il nous faut négliger beaucoup de choses. Att
achons-nous donc à ce qu'il y a de consistant et d'essentiel, et aussi
à ce qui se trouve en opposition plus tranchée avec nos propres
doctrines.
Voici la thèse de Mgr C. S. Le probable, observe-t-il, n'est point
le faisant-fonction du vrai, ni le semblable du vrai ou, d'un mot, le
vraisemblable, puisqu'il n'est rien d'autre que douteux. S'il nous
fait parfois atteindre le vrai, on peut dire, avec non moins d'assu
rance, qu'il nous fait tomber, au moins aussi souvent, dans le faux.
« On ne se trompe jamais, écrit-il, ni tenacement, ni aussi
longtemps, ni en aussi bonne et nombreuse compagnie, ni
pratiquement, ni innocemment, bref on ne se trompe jamais
aussi bien (ou, si l'on préfère, aussi mal) que quand le probable et
le très probable sont en même temps le faux. Ce qui n'a rien
d'impossible : le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable et
partant, vice versa, le vraisemblable peut n'être pas le vrai. Tout le
monde s'y serait trompé, ajoutent alors pour s'excuser, ceux qui se
1) Post analytic, lib. I, leçt. |. E. Janssens 70
sont mépris. Mais se tromper avec tout le monde n'est pas moins se
tromper que se tromper tout seul. C'est même bien pire pour la
masse, dirait La Palisse ». (Suit un éloge de ce personnage légen
daire) (p. 317). Plus loin nous trouvons la conclusion : « Nous
croyons avoir démontré que le probable est douteux et que si on
donne à l'expression le probable est proche du vrai le sens suivant :
la probabilité rapproche l'esprit de la certitude, on doit mentale
ment sous-entendre qu'en ce cas elle lui joue bien souvent le mauv
ais tour de le rapprocher de l'erreur » (p. 326).
Le probable se ramène donc au douteux, puisqu'il mène équiva-
lemment au vrai ou à l'erreur : telle esl la thèse. Et c'est précisé
ment ce que nous contestons.
Nous définissons le probable : L'objet connu qui, sans déterminer,
nécessairement l'assentiment de l'esprit, est appuyé par des raisons
que le connaisseur juge prévalentes et, par suite, excluant le parti
contraire.
Ainsi entendu, le probable ne conduit point de soi, per se, ou
essentiellement à l'erreur ; il n'y mène même point habituellement,
ut in plunbus. S'il induit à se tromper, c'est accidentellement, per
accidens et, d'une manière encore plus exacte, dans quelques cas
seulement, in paucionbus. On n'est donc pas en droit de soutenir
qu'il représente au même titre le vrai ou le faux et on ne peut
qu'abusivement le ramener au douteux.
« La certitude, écrit saint Thomas, ne doit pas être requise égale
ment en toute matière. Sur les actes humains, en effet, au sujet
desquels on constitue des jugements et pour lesquels on exige des
témoignages, on ne peut avoir une certitude démonstrative. Cela
vient de ce qu'ils sont relatifs à des réalités contingentes et muables.
Et c'est pourqnoi une certitude probable suffit, (sufficit probabilis
certitudo, je souligne l'expression qui, sous ma plume, semblait
avoir quelque peu offusqué mon contradicteur) qui atteint la vérité
dans la plupart des cas, quoiqu'elle s'écarte de la vérité en peu de
cas. Or il est probable que l'affirmation de beaucoup contient plus
de vérité que l'affirmation d'un seul » 1)... Dans Y ad primum du
même article, saint Thomas répond à une objection qui ressemble
singulièrement a celle qne l'on nous a faite : « Quelque nombreuse
qu'on fixe la multitude des témoins, ce témoignage peut, d'aventure,
être inique ». Telle est la difficulté. « Néanmoins, réplique-t-il,
parce qu'on ne peut avoir, en tels cas, une certitude infaillible, on
ne doit pas négliger la certitude qui peut être obtenue, sous forme
1) Sum. Theol., 2a 2ae, qu. 70, art. 2. A propos de la logique de l'opinion 71
de probabilité, au moyen de deux ou de trois témoins », « nec
tamen, quia non potest in tahbus infallibilis certitudo haberi, débet
negligi certitudo, quae probabiliter haberi potest per duos, ml per
très testes » *).
Nous prions le lecteur de s'arrêter à ces textes qui nous paraissent
capitaux : ils renferment l'essentiel de la doctrine thomiste de l'opi
nion et de la probabilité. Pour saint Thomas, il n'est pas vrai que
le probable, tel que nous l'avons défini, soit équivalemment réduct
ible au vrai ou au faux; il n'est pas vrai que l'on puisse négliger
la certitude sui generis, distincte de la certitude absolue et infail
lible, qu'il est susceptible de nous procurer. Il y a un domaine très
vaste, notamment le domaine des actes h

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