Descartes et la pensée phénoménologique - article ; n°60 ; vol.41, pg 571-589
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1938 - Volume 41 - Numéro 60 - Pages 571-589
19 pages

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Publié le 01 janvier 1938
Nombre de lectures 24
Langue Français
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Extrait

Alphonse De Waelhens
Descartes et la pensée phénoménologique
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 41° année, Deuxième série, N°60, 1938. pp. 571-589.
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De Waelhens Alphonse. Descartes et la pensée phénoménologique. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 41° année,
Deuxième série, N°60, 1938. pp. 571-589.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1938_num_41_60_3926Descartes et la pensée phénoménologique 571
DESCARTES
ET LA PENSÉE PHÉNOMÉNOLOGIQUE
La phénoménologie, à ses débuts, a pris à l'égard <le tout le
passé philosophique une attitude d'opposition radicale ou tout au
moins de dédaigneux mépris. Aujourd'hui elle s'occupe de fixer
sa place dans l'histoire de la philosophie. Nous avons vu paraître,
il y a quelques années, le travail de Heidegger sur Kant ; voici
qu'à présent un phénoménologue non moins considérable, M. Karl
Jaspers, entreprend de situer ce mouvement vis-à-vis de Descartes (1>.
Ce n'est pas la première fois que l'auteur des Méditations sus
cite l'intérêt de la phénoménologie. En 1929, E. Husserl donnait à
une série de conférences faites en Sorbonne le titre de « Méditat
ions cartésiennes » <2). A vrai dire, les points de contact sont peu
nombreux entre le travail de Husserl et celui de M. Jaspers. Nous
avons essayé de montrer naguère <3) à quel point l'unité du mou
vement phénoménologique est peu profonde et comment cette
doctrine se trouve écartelée entre deux tendances essentiellement
divergentes : la phénoménologie théorique de Husserl et l'existen
tialisme. Partisan déterminé de la seconde, c'est sous cet angle
que M. Jaspers entend exposer et critiquer l'oeuvre de Descartes.
La comparaison des deux ouvrages est extrêmement instructive ;
mieux que beaucoup de développements théoriques, elle met en
pleine lumière l'abîme qui sépare Husserl des existentialistes.
La position de Husserl est fort nette. S'il critique Descartes,
ce n'est nullement en raison des conceptions philosophiques dé
fendues par celui-ci ; encore moins est-il question de contester les
principes de la méthode cartésienne. Tout au contraire, les ob
jections de Husserl visent-elles plutôt à démasquer et à réduire
un certain « modérantisme » cartésien. Essentiellement, c'est donc
<x> Karl JASPERS, Descartes et la Philosophie. Traduit de l'allemand par
H. POLLNOW. Un volume 23 X 15 de 112 pp. Paris, Alcan, 1938, 18 fr. — Ce
travail a paru pour la première fois en articles dans la Revue Philosophique.
W Paris, Colin, 1931.
'*> Cfr Revue néoscolastique, novembre 1936, pp. 497-517. 572 A. De Waelhens
surtout une rigueur insuffisante dans la poursuite de ses objectifs
qu'il a reprochée à Descartes.
On sait que le propos des Méditations cartésiennes n'est pas
principalement historique. Leur dessein est de nous ménager quel
ques vues sur l'édifice de la phénoménologie transcendentale alors
en construction. Cependant, dès les premières pages, Husserl prend
soin de nous avertir que le titre donné à son ouvrage n'est pas une
simple manifestation de courtoisie à l'égard de ses auditeurs fran
çais, mais qu'il se justifie par les rapports étroits qui relient la
pensée de Descartes à plusieurs thèses phénoménologiques.
11 y a tout d'abord une manifeste analogie de situation entre
le désarroi philosophique de notre temps et celui de l'époque où
écrit Descartes.
L'impuissance de la tradition à constituer une doctrine una
nime, comprise et défendue par tous les esprits compétents, donne
à Descartes le sentiment qu'une réforme de la philosophie est de
venue indispensable et urgente. Trois siècles plus tard, Husserl
constate la même carence. L'évolution de la pensée moderne n'a
aucunement contribué à la réalisation de l'espoir entrevu et désiré
par Descartes puisque la diversité et le morcellement des systèmes
philosophiques sont toujours en pleine croissance, accumulant une
telle somme de sous-entendus et de préjugés qu'aujourd'hui il n'est
même plus possible de trouver une base commune de discussion à
aucun débat philosophique. Contraint de reconnaître un échec total
sur le plan des faits, Husserl n'en persiste pas moins à défendre le
principe de l'idéal cartésien. Avec plus de force encore que Desc
artes, l'auteur des Idëen pense que la philosophie a pour devoir
et pour fin la conquête et l'établissement d'une doctrine et d'une
vérité universellement valables. C'est même précisément une telle
ambition qui confère à la philosophie son caractère scientifique <4),
caractère sur lequel Husserl n'a cessé d'insister : « Philosophie gilt
mir, der Idee nach, als die universale und im radikalen Sinne
« strenge » Wissenschaft » (5).
Il conviendra donc, au point de départ de l'effort philoso
phique, de se demander « quelles sont les vérités premières en
C) Sur l'importance du caractère scientifique de la philosophie chez Husserl
cfr, entre autres, W. ILLEMAN, Husserh vor-phanomenologische Philosophie. Leipz
ig, Hirzel, 1932, pp. 30-31.
(*> Nachwort zu meinen « Idëen » . Jahrbuch fur Philosophie und phanome-
nologische Forschung, Band XI, p. 550. Descartes et la pensée phénoménologique 573
soi qui devront et pourront soutenir tout l'édifice de la science
universelle » (6). On reconnaîtra ici l'authentique écho du rationa
lisme cartésien et la confiance sans bornes qu'il manifeste à l'égard
de l'entendement humain (7). Mais il ne suffit pas de juger la con
ception cartésienne de la philosophie possible ou même nécess
aire, il faut encore apporter une explication suffisante à l'échec
historique de Descartes afin de dissiper les soupçons que cet échec
pourrait faire naître.
La méthode, nous le savons déjà, n'est pas en question : c'est
bien par la voie du doute qu'il faut arriver à la certitude. Aupar
avant, tout jugement théorique doit être suspendu : « Je ne pourr
ai évidemment ni porter ni admettre comme valable aucun juge
ment, si je ne l'ai puisé dans l'évidence, c'est-à-dire dans des
expériences où les choses et faits en question me sont présents
eux-mêmes » (8). Dès lors, si le doute et la suspension du juge
ment n'ont pas gratifié Descartes du résultat souhaité, c'est donc
qu'ils pas été poussés au terme requis. Remarquons que la
pensée de Husserl manifeste ici une évolution assez considérable.
Selon les Idëen la réduction phénoménologique ne comportait
qu'une simple suspension du jugement d'existence sans acte posit
if de doute (9). Au contraire, les Méditations cartésiennes exigent
cet acte puisque Husserl pose à cet endroit l'exigence de l'év
idence apodictique, une évidence qui, non contente de la présence
de son objet, exclut en outre la possibilité de sa non-existence.
« Une évidence apodictique a cette particularité de n'être pas seu
lement, d'une manière générale, certitude de l'existence des choses
ou « faits » évidents ; elle se révèle en même temps à la réflexion
comme inconcevabilité absolue de leur non-existence et, partant,
exclut d'avance tout doute imaginable comme dépourvu de sens » (10>.
Or, il paraît bien qu'une telle exclusion demande l'épreuve préa
lable d'un doute au moins « in actu significato ».
Les différentes opérations auxquelles il vient d'être fait allu
sion constituent la seconde réduction phénoménologique de l'exi
stence et mènent à des bases épistémologiques moins étendues mais
plus assurées que celles de Descartes. Ainsi « II est clair... que le
<6> Méditations cartésiennes, p. 12.
<r> « Husserls Vertrauen zur Vernunft ist grenzenlos ». ILLEMAN, op. cit., p. 41.
(•) Méd. cart., p. 11. *
(9) Cfr à ce sujet Idëen, Jahrbuch, Band I, pp. 53 sq., surtout p. 55.
<l0> Méd. cart., p. 13. 574 A. De Waelhens
sens de la certitude dans

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