La philosophie et son passé. Durée et simultanéité - article ; n°26 ; vol.75, pg 332-357
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Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1977 - Volume 75 - Numéro 26 - Pages 332-357
Those interpretations which see in the history of philosophy a process of unification or a path of delusion, sending back to an originating moment, where truth would have revealed itself, seem to have in common a purely linear conception of time, giving a privilege to a singular moment. But the time of history should be conceived as a duration, made of succession and of simultaneity. This duration is a field of creativity, which gives rise unceasingly to new particular forms, but at the same time reorganizes itself continuously, in its totality, under the action of the local effects of emergence which it produces. The essential articulations of the history of philosophy depend not on spatio-temporal conditions, but on the internal structuration of a field of problems, constituted by a logic which we can reconstitute only by fragments. Through the questioning which follows its course in the simultaneity of duration, what is at stake, ever again (with the essence of the logos), is the very destination of reason.
Les interprétations qui présentent l'histoire de la philosophie soit comme un processus de totalisation soit comme un itinéraire d'errance renvoyant à un moment originaire où se serait montré le vrai, paraissent avoir en commun une conception purement linéaire du temps, privilégiant un moment singulier. Or il faudrait penser le temps de l'histoire comme durée, comportant à la fois succession et simultanéité. La durée est un champ de créativité, qui engendre sans cesse de nouvelles formes particulières, mais en même temps se réorganise continuellement lui-même en totalité sous l'effet des émergences locales qu'il produit. Les articulations essentielles de l'histoire de la philosophie dépendent non pas de conditions d'espace-temps, mais de la structuration interne d'un champ de problèmes, constituée par une logique dont nous ne reconstituons jamais que des fragments. À travers le questionnement qui se poursuit dans la simultanéité de la durée ne cesse d'être mise en jeu (avec la nature du logos) la destination de la raison.
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Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Ladrière
La philosophie et son passé. Durée et simultanéité
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 75, N°26, 1977. pp. 332-357.
Citer ce document / Cite this document :
Ladrière Jean. La philosophie et son passé. Durée et simultanéité. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome
75, N°26, 1977. pp. 332-357.
doi : 10.3406/phlou.1977.5940
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1977_num_75_26_5940Abstract
Those interpretations which see in the history of philosophy a process of unification or a path of
delusion, sending back to an originating moment, where truth would have revealed itself, seem to have
in common a purely linear conception of time, giving a privilege to a singular moment. But the time of
history should be conceived as a duration, made of succession and of simultaneity. This duration is a
field of creativity, which gives rise unceasingly to new particular forms, but at the same time reorganizes
itself continuously, in its totality, under the action of the local effects of emergence which it produces.
The essential articulations of the history of philosophy depend not on spatio-temporal conditions, but on
the internal structuration of a field of problems, constituted by a logic which we can reconstitute only by
fragments. Through the questioning which follows its course in the simultaneity of duration, what is at
stake, ever again (with the essence of the logos), is the very destination of reason.
Résumé
Les interprétations qui présentent l'histoire de la philosophie soit comme un processus de totalisation
soit comme un itinéraire d'errance renvoyant à un moment originaire où se serait montré le vrai,
paraissent avoir en commun une conception purement linéaire du temps, privilégiant un moment
singulier. Or il faudrait penser le temps de l'histoire comme durée, comportant à la fois succession et
simultanéité. La durée est un champ de créativité, qui engendre sans cesse de nouvelles formes
particulières, mais en même temps se réorganise continuellement lui-même en totalité sous l'effet des
émergences locales qu'il produit. Les articulations essentielles de l'histoire de la philosophie dépendent
non pas de conditions d'espace-temps, mais de la structuration interne d'un champ de problèmes,
constituée par une logique dont nous ne reconstituons jamais que des fragments. À travers le
questionnement qui se poursuit dans la simultanéité de la durée ne cesse d'être mise en jeu (avec la
nature du logos) la destination de la raison.La philosophie et son passé.
Durée et simultanéité.
Deux principes d'interprétation se proposent à nous pour mettre
en perspective l'histoire de la philosophie : l'un est essentiellement
prospectif et nous invite à regarder le passé comme ce qui est définitiv
ement révolu, l'autre est essentiellement rétrospectif et nous invite au
contraire à chercher dans le passé la source toujours disponible à
laquelle nous devrions nous efforcer de revenir. De part et d'autre, il
faut bien le reconnaître, il y a une valorisation de l'histoire, un effort
pour en montrer le sens, du point de vue même du présent, et pour
ressaisir, dans l'actualité d'une pensée qui ne peut être que l'expres
sion actuelle des esprits aujourd'hui vivants, ce qu'il y a de toujours
actif, et signifiant pour nous, dans l'écho qui nous vient, à travers les
siècles, des grandes voix dont nos archives gardent l'énigmatique mé
moire. Mais les traces, par elles-mêmes, ne parlent pas, même lorsque,
avec le secours des démons électroniques, nous croyons pouvoir en
reconstituer les architectures secrètes et en augurer le chiffre caché.
Ce n'est que pour une pensée vivante, réduite aux seules ressources
qu'elle peut tirer de sa présence à elle-même et de son activité effective,
si défaillante qu'elle soit le plus souvent, que des significations peuvent
se constituer. C'est forcément à partir d'une perspective ancrée dans
l'actuel que le passé peut être arraché au royaume des ombres et que
des paroles venues du fond des temps peuvent circuler à nouveau
dans ce milieu d'échange et de communication d'où s'élève l'immense
rumeur de nos incessants discours.
La pensée ne peut être pour elle-même un simple spectacle, et la
métaphore de la réflexion serait subtilement trompeuse si elle nous
suggérait que nous pouvons en quelque sorte nous mettre à distance
de nous-mêmes pour nous retrouver dans une image qui serait la
réplique exacte de ce que nous sommes. La présence à soi qui, sans
doute, caractérise la conscience n'est en somme — comme on l'a
souligné de maintes manières en des temps récents — que ce léger
espacement, tout juste suffisant pour nous faire apercevoir, dans La philosophie et son passé 333
l'hiatus qu'il produit, toute l'amplitude d'une question qui, sitôt qu'elle
s'est élevée, n'en finit plus de faire valoir l'étrangeté d'une condition
dont elle est comme le signe toujours attesté. La pensée ne vient à
elle-même que énigme, du fond d'une opacité à la fois toujours
retranchée en son secret et toujours pénétrée cependant de l'immi
nence d'une clarté qu'elle ne cesse de promettre et qu'elle diffère
désespérément. L'énigme prend simultanément la figure d'un héritage
et celle d'une annonce. S'éveillant dans une parole où elle croit naïve
ment se dire, la pensée ne tarde pas à découvrir qu'elle parle un
langage très ancien, tellement vieux à vrai dire qu'il lui est impossible
de lui assigner une origine. Toute quête des origines se heurte à
l'extériorité des témoignages, des indices, des empreintes, à l'incertitude
des traces, au silence des documents et des matériaux et finalement à
l'indétermination des commencements. Que peut signifier la forme
d'une calotte crânienne, ou quelques éclats de pierre, au regard de
ce qui, en réalité, alimente la passion de la recherche : l'attente im
possible de ce moment où l'on pourrait saisir, dans son premier jailliss
ement, l'émergence d'une parole vivante? Mais si l'éclosion de la parole
nous échappe comme événement repérable, si nous ne pouvons l'évo
quer que dans la dimension symbolique de l'événementiel mythique, il
n'en reste pas moins que c'est à cet originaire que nous nous dé
couvrons depuis toujours accordés. Ces paroles en lesquelles nous
croyions pouvoir nous dire et reconnaître notre vie secrète, dans ce
qui fait sa singularité et sa merveille, nous devons nous avouer qu'elles
ne viennent pas de nous, que nous ne pouvons même pas, en toute
rigueur, les faire véritablement nôtres, qu'elles tissent autour de nous,
et au plus profond de nous-mêmes, une vie étrangère, chargée d'émot
ions et d'événements que nous ne connaîtrons jamais, toute bruissante
de secrets oubliés, et qui cependant nous sollicite, qui tente de nous
imposer sa vérité, sa contingence et son destin caché. Nous pressentons
alors que c'est peut-être bien dans cet héritage, et même dans ce qu'il
a de plus ancien, dans ce qu'il porte en lui encore de la nuit des
origines, que nous pourrons découvrir quelque chose de cette parole
vraie dont la pensée, en se nouant autour de la question qui la constitue,
porte en elle la tenace exigence et l'indéracinable espérance. Se com
prenant à la lumière qui vient du plus lointain des chemins qu'elle a
déjà parcouru, la pensée tend à s'interpréter comme cette vision seul
ement rétrospective, qui recueille en elle toutes les péripéties d'une
longue aventure et n'est plus que ce regard à la fois apaisé et quelque 334 Jean Ladrière
peu résigné dans lequel l'effervescence d'une vie vient se déposer et où
se consomme, en une méditation déjà presque nocturne, l'effort sécu
laire qui l'a faite ce qu'elle est. Mais nous savons aussi que la parole
qui chemine depuis les origines, même lorsqu'elle paraît devoir se
ramasser dans cette célébration vespérale où se dirait ce qu'elle portait
en elle depuis toujours, n'est encore que l'annonce toujours suspendue
d'une révélation

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