Plotin et les Mythes - article ; n°37 ; vol.53, pg 5-27
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1955 - Volume 53 - Numéro 37 - Pages 5-27
23 pages

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Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 7
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Pépin
Plotin et les Mythes
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 53, N°37, 1955. pp. 5-27.
Citer ce document / Cite this document :
Pépin Jean. Plotin et les Mythes. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 53, N°37, 1955. pp. 5-27.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1955_num_53_37_4531Plotin et les Mythes
I. — La philosophie du mythe
On a trop dit de Plotin qu'« il est rarement allégoriste » (1).
Ce philosophe tient en définitive l'apophase pour la forme de con
naissance la plus adéquate, et accorde la première place à une
réalité dont il répète qu'elle est ineffable et innommable: « En
réalité, aucun nom ne lui convient ; pourtant, puisqu'il faut le
nommer, il convient de l'appeler l'Un » (a) ; « c'est pourquoi Platon
dit qu' ' on ne peut le dire ni l'écrire '. Mais nos paroles et nos
écrits dirigent vers lui ; ils nous font sortir du langage » <3) ; « dire
qu'il est * au-delà de l'être *, ce n'est point dire qu'il est ceci ou
cela (car on n'affirme rien de lui), ce n'est pas dire son nom, c'est
affirmer seulement qu'il n'est pas ceci ou cela. Cette expression
ne l'embrasse nullement » <4> ; « c'est que nous parlons d'une chose
ineffable (où ^YjxoO), et nous lui donnons des noms pour la désigner
à nous-mêmes comme pouvons » <5). Une telle philosophie de
l'indicible, dès qu'elle veut se codifier et se transmettre, est ré
duite à user d'un langage approché, d'une expression symbolique.
Or la mythologie classique constituait un réservoir inépuisable
auquel un auteur de l'Antiquité païenne devait naturellement de
mander ses symboles, et Plotin n'échappe pas à la règle. Sans
<*> M. DE GanDILLAC, La Sagesse de Plotin, Paris, 1952, p. VII, n. I. Heureuse
ment de nombreuses pages de ce livre suggestif démentent cette assertion un peu
imprudente.
<»> PLOTIN, Enniade VI 9, 5, 31-32, trad. Bréhier (=» Plotin, Ennêadeu, texte
établi et traduit par E. BrÊHIER, dans Collect, de» Unio. de France, Paris, 1924-
1938), VI 2, p. 178.
<•> VI 9, 4, 11-13, Br. VI 2. p. 176. La citation de Platon est tirée du Par-
tnénide 142 a.
<*> V 5, 6, 11-13, Br. V, p. 98. c Au-delà de l'être» est, comme on le sait,
une célèbre formule de PLATON. Répabl VI, 509 b.
m V 5. 6. 24-25, Br. p. 98. 6 Jean Pépin
doute sait-il les dangers de la formulation mythique, obligatoir
ement inadéquate à la vérité qu'elle veut évoquer ; il signale ainsi
que le mythe, qui est de sa nature un récit déployé dans le temps,
décrit comme successifs des êtres en réalité synchroniques et qui
ne souffrent qu'une distinction de valeur: « Les mythes, s'ils sont
vraiment des mythes, doivent séparer dans le temps les circon
stances du récit, et distinguer bien souvent les uns des autres des
êtres qui sont confondus et ne se distinguent que par leur rang
ou par leurs puissances » <6). Cette action déformante, par laquelle
le mythe distend ce qui est simultané, se fait par exemple jour
dans la cosmogonie du Timée, lorsque Platon raconte la naissance
du monde, qui en réalité est sans commencement: « D'ailleurs,
même où Platon raisonne, il fait naître des êtres qui n'ont pas
été engendrés, et il sépare des êtres qui n'existent qu'ensemble » <7).
Mais cette infidélité du mythe a une contre-partie utile: en dé
doublant dans le temps des êtres qui, à vrai dire, sont compacts
et ramassés, il est un instrument d'analyse et d'enseignement ;
l'on comprendra mieux et l'on fera mieux comprendre l'univers
et l'âme du monde, la matière et son ordonnance, en imaginant
que ces réalités sont successives ; il suffit de ne pas oublier que
cette séparation est purement conceptuelle, qu'en fait il n'a jamais
existé de monde inanimé ni de matière désordonnée: « II faut bien
penser que, si nous concevons cette âme comme entrant dans un
corps et comme venant l'animer, c'est dans un but d'enseignement
et pour éclaircir notre pensée (3i5aoxaX:aç xac xoO aacpwç X^-Plv) '*
car, à aucun moment, cet univers n'a été sans âme ; à aucun
moment, son corps n'a existé en l'absence de l'âme, et il n'y a
jamais eu réellement de matière privée d'ordre ; mais il est pos
sible de concevoir ces termes, l'âme et le corps, la matière et
l'ordre, en les séparant l'un de l'autre par la pensée ; il est permis
d'isoler par la pensée et par la réflexion (x({> Xdyq) xai x^ 5iavoîqc)
les éléments de tout composé » (8). En somme, une fois exploitée
la distension opérée par le mythe, il faut effectuer le resserrement
qu'exige la réalité: « Après nous avoir instruits (SiSàÇavxeç;) comme
des mythes peuvent instruire, ils nous laissent la liberté, si nous
<•> III 5, 9, 24-26, éd. Henry (= Plotini opera ediderunt P. Henry et H.-R.
ScHWYZER, I, Paris-Bruxelles, 1951), p. 332, trad. Bréhier, III, p. 86.
<7> III 5, 9, '26-28, H. p. 332, trad. Br. p. 86.
(•> IV 3, 9, 14-20, Br. IV, p. 75. et les Mythes Plotin
les avons compris, de réunir leurs données éparses
ouvatpetv) » (9>. Cette reconnaissance de la valeur analytique et
didactique du mythe est solidaire, dans l'esprit de Plotin, d'une
théorie de l'image, qui toujours participe à son modèle, comme
un miroir dans lequel il vient sûrement se refléter ; Plotin rappelle
combien les Anciens ont montré une exacte connaissance de la
nature sympathique de l'univers, lorsqu'ils construisaient des
temples et des statues, avec la conviction quasi magique d'attirer
sur ces objets l'influence et la participation de la divinité ; car
« la représentation imagée (xô jitjnrjO'év) d'une chose est toujours
disposée à subir l'influence {%ç>oan<z%-èç) de son modèle, elle est
comme un miroir capable d'en saisir l'apparence » (10). Or le
mythe est une image, et, à ce titre, reflète la vérité par une sorte
de pacte naturel. Mais il n'est pas lui-même la vérité ; d'où la
nécessité, pour parvenir jusqu'à elle, de dépasser le mythe,
« comme l'homme entré à l'intérieur d'un sanctuaire a laissé der
rière lui les statues placées dans la chapelle » (11). On dépasse
le mythe en l'interprétant ; soit à concevoir (c'est-à-dire : à réaliser)
la suprême contemplation de l'Un ; on peut s'aider de similitudes,
que Plotin emprunte volontiers à l'époptie des mystères, et qui
donnent au sage une idée voilée de ce qu'est la vision ; mais,
pour parvenir à ce terme (ou, ce qui n'est pas différent, pour le
saisir avec une totale adéquation), il faut percer l'énigme, décor
tiquer le symbole pour trouver la vérité qu'il signifie en la diss
imulant ; car « ce sont là des images (jxtji^iiaxa), qui, aux plus
savants d'entre les prophètes, donnent à entendre (alvtxxexat) ce
qu'est la vision du Dieu. Mais le prêtre savant comprend l'énigme
(xô afovypa ouviefç) et, venu là-bas, il atteint une contemplation
réelle du sanctuaire [...] Si l'on se voit soi-même devenir l'Un,
on se tient pour une image {àpoiià^a) de lui ; partant de soi, Ton
progresse comme une jusqu'à son modèle (œç ekcfov rcpèç
àpyliunov), et l'on arrive à la fin du voyage » (12).
<f> III 5, 9, 28-29, H. p. 332, trad. Br. p. 86.
<10> IV 3, II, 6-8, Br. IV, p. 78; cf. Ph. MERLAN, Plotinu* and Magic, dans
his, 44, 1953, p. 346 et n. 38.
<"> VI 9, II. 17-19, Br. VI 2, p. 187.
<"> VI 9, H. 25-30 et 43-45, Br. pp. 187-188. Je modifie légèrement la tr
aduction Bréhier qui, dans la dernière phrase, offre manifestement un contresens
en rendant àcp'st&TOÛ par < partant de lai ». Sur quelques-uns de ces textes, voir
Gandillac, op. cit., pp. 5-6. — Sur la doctrine plotinienne de l'image, voir Pépin Jean
2. — Le mythe de la naissance d'Eros
II serait étonnant qu'ayant élaboré cette intelligente philo
sophie

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