Poétique de l âme : imagination et création - article ; n°23 ; vol.74, pg 411-430
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1976 - Volume 74 - Numéro 23 - Pages 411-430
A poetics of the soul, as it is brought out in this study, seeks to restore to the imaginary the place which formerly a too narrowly epistemological conception of its function refused it. In order to bring it about today it is still necessary to rediscover the notion of writing and of writing-space which, particularly in the ancient and Neoplatonic tradition, confers on the soul the power « to write itself » by inscribing the world in the field of its fundamental operations. It is on the basis of this ontological horizon that it is possible to renew the meaning of what was intended by the terms « Logos » and « Muthos ». In conclusion the question is raised as to what interest a poetics of the soul in this sense would have for Christian theology.
Une poétique de l'âme, telle qu'elle est thématisée dans cette étude, cherche à redonner à l'imaginaire la place que lui refusait jadis une conception trop étroitement épistémologique de sa fonction. Encore faut-il, pour l'actualiser aujourd'hui, retrouver la notion d'écriture et d'espace scriptural qui, dans la tradition antique et néo-platonicienne en particulier, confère à l'âme le pouvoir de « s'écrire elle-même » en inscrivant le monde dans le champ de ses opérations fondamentales. C'est à partir de cet horizon ontologique qu'il est possible de renouveler le sens de ce qu'ont voulu nommer les termes « Logos » et « Muthos ». On s'interroge, en conclusion, sur l'intérêt que présenterait pour la théologie chrétienne une poétique de l'âme ainsi entendue.
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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 49
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Stanislas Breton
Poétique de l'âme : imagination et création
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 74, N°23, 1976. pp. 411-430.
Abstract
A poetics of the soul, as it is brought out in this study, seeks to restore to the imaginary the place which formerly a too narrowly
epistemological conception of its function refused it. In order to bring it about today it is still necessary to rediscover the notion of
writing and of writing-space which, particularly in the ancient and Neoplatonic tradition, confers on the soul the power « to write
itself » by inscribing the world in the field of its fundamental operations. It is on the basis of this ontological horizon that it is
possible to renew the meaning of what was intended by the terms « Logos » and « Muthos ». In conclusion the question is raised
as to what interest a poetics of the soul in this sense would have for Christian theology.
Résumé
Une poétique de l'âme, telle qu'elle est thématisée dans cette étude, cherche à redonner à l'imaginaire la place que lui refusait
jadis une conception trop étroitement épistémologique de sa fonction. Encore faut-il, pour l'actualiser aujourd'hui, retrouver la
notion d'écriture et d'espace scriptural qui, dans la tradition antique et néo-platonicienne en particulier, confère à l'âme le pouvoir
de « s'écrire elle-même » en inscrivant le monde dans le champ de ses opérations fondamentales. C'est à partir de cet horizon
ontologique qu'il est possible de renouveler le sens de ce qu'ont voulu nommer les termes « Logos » et « Muthos ». On
s'interroge, en conclusion, sur l'intérêt que présenterait pour la théologie chrétienne une poétique de l'âme ainsi entendue.
Citer ce document / Cite this document :
Breton Stanislas. Poétique de l'âme : imagination et création. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 74,
N°23, 1976. pp. 411-430.
doi : 10.3406/phlou.1976.5897
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1976_num_74_23_5897Poétique de Pâme :
imagination et création (:::)
Dans ce titre énigmatique, quatre termes composent une étrange
symphonie. Si nous les distribuons sur deux lignes symétriques qui
réfèrent chacun d'eux à son corrélatif immédiat, nous obtenons deux
couples, qu'il serait aisé d'interpréter par une similitude de rapports ou
une analogie : de même que le « poétique » donne des ailes à l'âme,
de même l'imagination donne des ailes à la création.
Nous ne sommes guère avancés par ces précisions. La forme du
rapport ne nous dit rien de ses coordonnées. Le thème où ils figurent
suggère le vague d'un quatuor impressionniste. L'âme s'irréalise en
essence volatile. Le poétique s'évanouit dans les variations d'une délec
tation morose. Et l'imagination rejoint, avec la création, l'espace
vaporeux du songe archaïque.
Cette remarque, corrosive et spontanée, nous paraît bien fondée.
Les mots que nous empruntons à une tradition millénaire souffrent,
en effet, d'une indétermination dont nous ne saurions, au départ,
prescrire les limites de variation. Si misérables soient-ils, nous les
retiendrons et maintiendrons, face à une exigence de rigueur, parce
qu'ils induisent, dans la mesure même où ils peuvent encore retentir,
un ensemble de mouvements qui se relient pour nous à une essentielle
parole. Nous voudrions méditer sur ces pauvres éléments, en les laissant
dessiner d'eux-mêmes le libre jeu de leurs correspondances. Nous
pourrons alors, en un second temps, nous interroger sur la manière
donts ils interpellent, aujourd'hui, la foi chrétienne.
I. Poétique de l'âme
1. L'expression qui conjugue l'âme et le poétique nous renvoie
à d'illustres précédents. Mentionnons, pour simple mémoire, l'Ion
( *) Nous publions bous ce titre le texte des deux leçons que nous avons données,
en mars 1975, aux Facultés universitaires Saint-Louis de Bruxelles. 412 Stanislas Breton
platonicien qui célèbre la divine possession, et la Poétique d'Aristote,
plus calme dans sa prose, qui réfléchit sur l'œuvre de poésie, sur les
liens entre le drame et l'histoire. L'écart entre ces deux œuvres fixe les
deux pôles d'une oscillation périodique. La théologie chrétienne des
écritures réactualise l'inspiration religieuse, tandis que, à l'autre
extrême, s'affirme une volonté de savoir qui dissipe résolument tout
élément de mystère. Devant l'alternative, faudrait-il opter entre une
mystique de l'inspiré et une science de l'écrit ?
2. Nous préférons prendre nos distances et aborder le problème
du scriptural par un autre biais qui nous change de paysage. Ce détour
nous est facilité par une antique doctrine, reprise par Aristote et lo
nguement commentée au moyen âge. L'âme y est assimilée, comme on
sait, à un « écritoire » ou « grammateion » où rien n'est encore inscrit (1).
L'image se développe dans une métaphysique de la potentialité illimitée
qui ouvre le connaissant au champ, également illimité, de l'intelligible.
On notera au passage une connexion essentielle : pour devenir toutes
choses par la connaissance, l'âme doit, préalablement, n'être rien de
ce qu'elle devient. Le rapport originel entre le rien et le tout exclut
a priori toute conception naturaliste qui, pour sauver l'homogénéité
du connaissant et du connu, ferait de l'âme un conglomérat de corps
simples. S. Thomas précise, explicitant la lettre aristotélicienne, que
« l'âme n'a pas de nature si ce n'est celle-ci : être en puissance tout ce
qui est». L'universalité cognitive est au prix de cette absence. C'est
l'indice méontologique qui mesure le pouvoir d'être dans l'ordre
« intentionnel ».
3. Ces textes célèbres, dont nous n'avons retenu que la substance,
se prêtent à d'infinis prolongements. L'âme scripturale serait-elle
aussi la plaine du rêve ?
Pour s'égaler au tout, il semble d'abord qu'elle en doive partager
l'anonymat. Comme Ulysse, elle s'appelle « personne ». Les sujets
individuels qui ont un nom et qui la nomment, en particularisent l'am
plitude, comme si, en deçà d'eux-mêmes, ils étaient portés par un élan,
par un appétit « naturel » d'écriture qui vient de plus loin. L'écrivain-
auteur disparaîtrait-il aux points extrêmes que définissent le rien et
le tout ?
Une interrogation plus radicale surgit de l'image elle-même. Cette
(x) Cf. De Anima, 1.111,429 b, et le commentaire de s. Thomas, édition Marietti,
n. 722, auquel on pourra ajouter 8. T., I, q. 14, a.l et q.101, a.l. Poétique de l'âme : imagination et création 413
« table rase » qui est devenue le bien commun d'un certain langage,
serait- elle l'écritoire inerte qui reçoit ses formes du dehors ? S'il en était
ainsi, comment se distinguerait-elle d'une matière prime, ployable en
tout sens ? En un renversement, qui est un tournant historique bien
avant le célèbre « renversement » kantien, Proclus, commentant les
Éléments d'Euclide, dégage le sens profond de la métaphore. Certes,
l'âme reste cette « tablette » que les générations se transmettent. Mais
cette cire docile « s'écrit elle-même » (2). Elle se donne cela même qu'elle
reçoit pour s'en affecter. Le scriptural d'origine implique une causalité
de soi par soi qui « réfléchit sur elle-même sa propre ardeur ». Nous
parlerions aujourd'hui d'opération et de relation reflexives. L'âme
« se fait écriture ». Le monde devient le livre qu'elle écrit en se faisant
ce qu'elle est. Et ce livre est une géométrie. Les signes qui le composent
sont des figures et des nombres. La science-reine dont on fera plus
tard la mathesis universalis doit son premier prestige au libre devenir
qu'elle commémore sans le savoir. En dernière analyse, à qui l'appro
fondit en son ultime fondement, elle apparaît comme la réminiscence
d'une ontogénie et d'une « cosmogonie ». Les « signes » du géomètre,

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