«Solidarisme» libéral et éthique Nord-Sud - article ; n°4 ; vol.93, pg 532-554
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1995 - Volume 93 - Numéro 4 - Pages 532-554
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Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 28
Langue Français
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Extrait

Marc Maesschalck
«Solidarisme» libéral et éthique Nord-Sud
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 93, N°4, 1995. pp. 532-554.
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Maesschalck Marc. «Solidarisme» libéral et éthique Nord-Sud. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 93,
N°4, 1995. pp. 532-554.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1995_num_93_4_6953«Solidarisme» libéral et éthique Nord-Sud
Nous voudrions d'abord remercier Philippe Van Parijs d'avoir pris
l'initiative d'un dialogue entre différentes conceptions et pratiques des
relations que peuvent entretenir éthique et politique1. Comme dans tout
dialogue, chacun a l'occasion d'expliquer son point de vue tout en s'ef-
forçant d'apprendre celui de l'autre. A cet égard, l'ouvrage Qu'est-ce
qu'une société juste ? est sans conteste une réussite pour qui veut pénét
rer l'univers de la pensée politique anglo-saxonne et relire à travers le
prisme libéral des enjeux décisifs de société comme celui d'un droit
absolu («présocial») de propriété ou celui d'un intérêt tout aussi absolu
pour des formes déterminées d'existence sociale (pureté culturelle, voire
éthique) qui tenteraient de régler l'action politique sur une sorte d'onto
logie de la socialite définissant les conditions d'un processus de perfe
ctionnement mutuel des humains. Ceux que le perfectionnisme des philo
sophies idéalistes de Rousseau et de Kant exaspère ou que l'historicisme
des utopies mobilisatrices a déçus y trouveront plus qu'une confirmat
ion: une manière originale d'énoncer les défis de la raison politique à la
suite de John Rawls, hors des sentiers battus des doctrines compréhen-
sives (religieuses, philosophiques ou morales) dont le défaut majeur est
de prétendre viser tous les idéaux valant en général pour l'existence
humaine2.
La conception libérale de la justice ne présuppose l'adhésion à
aucun système de valeurs déterminé, mais repose sur «certaines idées
intuitives fondamentales, considérées comme latentes dans la culture
politique publique d'une société démocratique»3. Un «consensus par
recoupement»4 devrait permettre de déterminer provisoirement ces idées
et garantir l'acceptation d'une «conception politique de la justice pour
1 La version originale et intégrale de cet exposé a été publiée au Canada, dans
Maesschalck M., Philosophie de la libération versus philosophie libérale, in Science et
Esprit, 45 (1993), pp. 283 à 296. On pourra aussi se reporter à Id., Jalons pour une nou
velle éthique, Vrin-Peeters, Paris-Louvain, 1991.
2 Cf. Rawls J., Justice et démocratie, trad, par C. Audard, P. de Lara, F. Piron et
A. Tchoudnowski, Seuil, Paris, 1993, pp. 288 à 290.
3 Ibid., p. 289.
4p. 239. «Solidarisme» libéral et éthique Nord-Sud 533
régir la structure de base de la société»5 et en maintenir l'unité «comme
système de coopération entre les personnes libres et égales»6. Dans cette
optique, la justice dépend essentiellement d'un pluralisme monadique où
peuvent se confronter les «attentes raisonnables des individus en termes
de besoins et de demandes concernant leur situation future»7.
Dans cette conception, il est à tous les coups présupposé que le
fonctionnement pluraliste de la société est un «fait de la culture démoc
ratique moderne»8 et constitue un acquis de toute démocratie en tant
que «l'idée intuitive de base (...) présente dans la culture publique d'une
société démocratique»9, celle de coopération sociale.
Un tel présupposé rend évidemment difficile le dialogue avec des
conceptions de la justice qui refusent ce postulat et n'identifient pas la
démocratie à un ordre social déterminé, mais à la pratique des mouve
ments sociaux dans les interstices de l'espace politique. L'identification
de la démocratie à une praxis de la création sociale est soutenue par une
autre approche de la réalité politique dans son ensemble et ne peut donc
se contenter d'un dialogue fonctionnaliste consistant à définir des prin
cipes généraux de régulation pour une structure de base de la «coopérat
ion sociale». Ce point de vue s'intéressera plutôt aux possibilités d'in
teraction offertes par l'espace social en vue de mettre en évidence ses
structures d'exclusion et de violence visant à conserver ses dynamiques
discriminatoires d'intégration. Ce point de vue n'est pas une conception
du bien qui affirme son incommensurabilité par rapport à une autre10 et
devrait accepter le dialogue sur des principes de justice pour trouver un
«modus vivendi prudent»11. Il met en question directement la manière
même de procéder en philosophie politique quand on cherche à définir les
conditions d'une entente sur une structure de base juste garantissant aux
citoyens ce dont ils ont besoin en tant que personnes libres et égales12.
Selon ce point de vue, l'enjeu de la pratique de la philosophie politique
n'est pas d'intégrer une situation de conflit quant aux conceptions com-
préhensives du bien, mais de définir les conditions de l'action collective
dans un espace social déterminé afin d'y manifester les limites des
5 Ibid.
6
7 Ibid., p. 291.
8p. 238.
9 Ibid., p. 239.
10 Menu..) y. p. ljo. 238.
11 Ibid., p. 240.
12p. 295. 534 Marc Maesschalck
stratégies de régulation. L'affrontement social n'est pas une «guerre de
religions», mais l'expression d'une disparité objective dans les condi
tions de vie qui se traduit par une discrimination non reconnue au niveau
du partage du pouvoir et du bien-être. L'enjeu n'est pas dès lors la tolé
rance pour un dialogue sur une structure de base juste, mais l'action pour
un processus de reconnaissance des groupes objets de discrimination.
C'est pourquoi la philosophie libérale de la justice telle que la
défend Philippe Van Parijs comme la pratique de la philosophie poli
tique nous semble poser problème si l'on adopte le point de vue d'une
théorie de l'action politique des mouvements sociaux, et ceci dans la
mesure où, l'élaboration des principes est séparée de sa référence consti
tutive aux acteurs sociaux et amène à considérer de manière instrument
ale le rôle de la solidarité concrète pour «activer» la recherche et l'in
stitution de la formelle. Une telle pratique de la philosophie
politique risque de gommer le rapport interne qui relie l'action politique
et le moment rationnel de l'institution des normes. Une philosophie de
l'action politique qui se restreindrait à la seule médiation formelle de la
création sociale risquerait d'ailleurs de s'identifier à une de
décideurs dont la tâche serait de proposer des solutions opérationnelles à
des problèmes sociaux supposés régulables à partir des instances de pou
voir. Mais peut-être est-ce plus fondamentalement le refus de dépasser le
cadre limité d'un schéma rationnel de décision comparable à celui qui
fonde l'économie politique classique qui amène à restreindre à ce point
la compréhension même de l'agir politique dans une pratique de la déci
sion politique.
Pourtant, la rationalité de l'action sociale ne se concentre pas dans
le moment «gnoséologique» de l'institution des principes13. Elle est
inhérente au processus de l'action sociale qui dépend autant de l'institu
tion des principes que de la possibilité pour la raison d'être «enjointe»
par les situations vécues et d'adopter une attitude cognitive par rapport à
cette injonction. Cette attitude met en branle non seulement la quête de
principes, mais aussi l'exigence (dite «organique») de s'organiser pour
élaborer un projet d'action qui donne sens aux principes en question
dans une tradition de lutte. Une véritable philosophie de l'action politique
ne peut éluder ces questions en les considérant comme de simples pro
blèmes «technico-pratiques» d'application des principes. Du point de vue
d'une théorie de l'action politique, l'élaboration formelle

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