Bilan et perspectives de la politique européenne - article ; n°5 ; vol.17, pg 321-334
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Description

Politique étrangère - Année 1952 - Volume 17 - Numéro 5 - Pages 321-334
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1952
Nombre de lectures 8
Langue Français

Extrait

Alfred Coste-Floret
Bilan et perspectives de la politique européenne
In: Politique étrangère N°5 - 1952 - 17e année pp. 321-334.
Citer ce document / Cite this document :
Coste-Floret Alfred. Bilan et perspectives de la politique européenne. In: Politique étrangère N°5 - 1952 - 17e année pp. 321-
334.
doi : 10.3406/polit.1952.2674
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1952_num_17_5_2674BILAN ET PERSPECTIVES
D'UNE POLITIQUE EUROPÉENNE
Si l'on voulait brièvement définir les progrès récents de l'Unité euro
péenne, je pense qu'on serrerait d'assez près la réalité en affirmant que
l'Europe unie est un concept qui vient de quitter le domaine de la théorie
pour rentrer dans celui des faits.
Cette constatation d'évidence impose une analyse plus approfondie du
problème. Indiquer dans quelle mesure l'Europe unie est entrée dans la
voie des réalités positives, c'est dresser le bilan d'une politique européenne
dont la France a pris l'initiative. S'interroger sur l'avenir de l'Europe unie,
c'est tracer les perspectives d'une politique européenne pour demain.
Nous voudrions d'une façon objective, en dépouillant le problème de tout
élément passionnel, dresser ce bilan et tracer ces perspectives. Mais, avant
d'aborder le fond du sujet ainsi posé, force est bien de s'interroger sur
l'origine et la valeur de l'idée d'Europe unie.
D'où vient cette idée d'Europe unie? A-t-elle été ébauchée ou réalisée
avant l'époque contemporaine? Et comment se justifie-t-elle ?
L'idée d'une communauté européenne est fort ancienne. Mais elle ne
recouvre pas une réalité uniforme. Il ne peut, en effet, y avoir d'Europe
unie sans élément unificateur. Si cet élément est la force, l'Union euro
péenne sera du type « impérialiste » ; si cet élément est le consentement
mutuel des peuples et des Etats, l'Union européenne sera du type « institu-
tionnaliste ».
C'est d'abord sous la forme impérialiste que l'idée d'Europe unie apparaît.
Le rêve fut même réalisé et de façon durable sous l'Empire romain, l'Europe
unie se réduisant aux nations qui sont actuellement membres de
l'O. T. A. N., avec l'Espagne en plus et les pays Scandinaves en moins.
L'empereur Charlemagne étendit ces limites jusqu'à l'Elbe, l'Espagne
échappant à sa domination.
Après la chute de l'Empire romain, l'idée d'une Europe unie du type 322 ALFRED CQSTE-FLORET
institutionnaliste prend corps et même devient une réalité dans la mesure
où la chrétienté a eu conscience d'elle-même.
Mais, au XVIe et à l'aube du XVIIe siècle, l'idée impérialiste reparaît avec
Charles-Quint. Celui-ci ne réussit pas à unir l'Europe par la force. Des
siècles plus tard, Napoléon et Hitler reprendront cette tentative, mais leurs
illusions fondront dans l'immensité russe.
Cependant l'idée d'une Europe unie de type institutionnaliste continue,
* depuis le XVIIe siècle, à s'opposer aux rêves de force des conquérants. On
trouve cette conception exprimée dès 1634 par Sully lorsqu'il expose le
prétendu « grand dessein » d'Henri IV. Au XVIIIe siècle, les philosophes
affirment que la paix doit être fondée sur la fraternité des peuples d'une
Europe unie. On trouve cette idée chez l'abbé de Saint-Pierre, Jean- Jacques
Rousseau et Emmanuel Kant. Elle est reprise par le marquis d'Argenson,
ministre des Affaires étrangères sous Louis XV. Au XIXe siècle, Michelet et
Victor Hugo lui donnent une expression éloquente, mais l'idée est consi
dérée par l'opinion publique comme une utopie.
On peut dire que, jusqu'au lendemain de la première guerre mondiale,
l'idée d'Europe unie de type institutionnaliste est du domaine des utopistes,
ceux-ci étant en général. des Français.
Après 1918, les hommes d'État ont repris la conception institutionnaliste
en proposant ses deux formes traditionnelles : le confédéralisme et le
fédéralisme. Le confédéralisme suppose un organe commun ayant compét
ence pour représenter les Etats membres au point de vue international ;
ceux-ci gardant leur indépendance, les décisions doivent être prises à
l'unanimité. Aussi la confédération est-elle en général un type transitoire
d'union des États. Si les éléments qui ont poussé ceux-ci à s'unir sont assez
forts, ils arriveront à former une fédération d'États ; celle-ci suppose
un gouvernement central à compétence plus large, les États membres
gardant cependant certaines prérogatives internes, notamment, en général,
le pouvoir législatif. Dans une fédération, il existe une Assemblée unique
pour l'ensemble des États ; dans une confédération, au contraire, l'Assemblée
commune n'est constituée que par des délégations des Parlements des États
confédérés.
La méthode institutionnaliste confédérale appliquée à partir de 1918
s'est révélée très décevante. La S. D. N. essuya de nombreux échecs dus
à la rigidité d'une organisation qui rassemblait des États dépourvus d'un
minimum de principes communs. Alors naît le projet d'étayer la commun
auté internationale par des accords régionaux. Ainsi est conclu le pacte de
Locarno, qui liait la France et l'Allemagne, avec l'Angleterre et l'Italie pour
garants. Cinq ans plus tard, en 1 930, Aristide Briand lançait le projet d'une
fédération européenne. Le système fédéraliste représente une formule très POLITIQUE EUROPÉENNE 323
séduisante, mais qui ne peut être réalisée d'emblée. Il implique, en efTet,
des abandons de souveraineté fort importants de la part des États membres
au profit de l'Etat fédéral. L'initiative de Briand se heurta au scepticisme
de la plupart, à la renaissance du nationalisme allemand. Le pacte de
Locarno fut déchiré en 1 936 et avec lui s'évanouit l'idée d'Europe unie.
Mais, après la dernière guerre mondiale, l'idée réapparaît avec une force
accrue. Elle est imposée par les faits.
Aujourd'hui, la donnée essentielle, c'est la régression de l'Europe. Il
faut y joindre la cassure du monde. La France a fait ce qu'elle a pu pour
l'empêcher. Mais elle existe ; elle n'est pas nouvelle ; mais ce qui est
nouveau, c'est le fait que les nations du monde de chaque côté du rideau de
fer sont groupées autour de deux géants qui se font face : l'Union sovié
tique et les Etats-Unis d'Amérique. Cela étant, il suffit de constater que
l'Europe qui, pendant des millénaires, a dominé le monde au quadruple
point de vue politique, économique, militaire et culturel, est, du fait de ses
divisions, en totale régression. Au point de vue politique, ce n'est plus dans
les capitales européennes, mais à Moscou ou à Washington que sont prises
les initiatives importantes. Au point de vue économique, l'Europe, autref
ois le grenier du monde, n'a pu vivre après 1 940 que grâce aux « béquilles
du plan Marshall ». Au point de vue militaire, toutes les armées coalisées
des pays de l'Europe libre ne suffiraient point à faire face à l'Armée rouge
sans l'appoint américain.
Cependant l'Europe occidentale comprend 250 000 000 d'hommes qui
constituent la main-d'œuvre la plus qualifiée du monde, plus nombreuse
que celle des Etats-Unis ou de la Russie soviétique. Les mines de Grande-
Bretagne, de France, de Belgique, de Hollande, de Sarre, de la Ruhr,
fournissent ensemble plus de charbon que les U. S. A., deux fois plus
que l'U. R. S. S. Leur industrie sidérurgique est plus puissante que celle
des Etats-Unis à la veille de la guerre, elle surclasse deux fois celle de la
Russie soviétique.
L'Europe a donc d'immenses réserves en hommes, en matières premières,
en sources d'énergie, en capitaux. Mais elle ne pourra en tirer parti qu'à la
condition de s'unir.
Au point de vue moral, qui pour nous est primordial, l'Europe occident
ale, malgré la diversité de ses langue

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