Comment mettre le risque en cartes ? L'évolution de l'articulation entre science et politique dans la cartographie des risques naturels - article ; n°50 ; vol.13, pg 129-150

Cyril Bayet

Description

Politix - Année 2000 - Volume 13 - Numéro 50 - Pages 129-150
How to put risk into maps ? The changing process of relationships between science and politics in the map-making of natural hazards Cyril Bayet The making of planning policies concerning natural hazards brings together scientific, juridical and political activities. Stuyding the administrative methodologies of implementation, the article examines how public authorities organize links between these various practices in attempting to legitimize decisions taken in this matter. It sheds light on an evolution of the role and place of scientific experts in decision-making processes. This change cornes with the setting up of new forms of political control regarding the usual technocratic decision-making.
Comment mettre le risque en cartes ? L'évolution de l'articulation entre science et politique dans la cartographie des risques naturels Cyril Bayet L'élaboration des politiques de zonage des risques naturels fait intervenir des activités scientifiques, juridiques et politiques. A partir des méthodologies administratives de mise en œuvre, l'article examine comment les pouvoirs publics ont organisé les rapports entre ces différentes pratiques pour essayer de garantir la légitimité des décisions prises en ce domaine. Il souligne une évolution concernant le rôle et la place des experts scientifiques dans les procédures de décision. Ce changement s'accompagne de la mise en place de nouvelles formes de contrôle politique à l'égard de la démarche technico-administrative habituelle.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIX
• Publié le: 01 janvier 2000
• Nombre de lectures: 44
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Cyril Bayet
Comment mettre le risque en cartes ? L'évolution de
l'articulation entre science et politique dans la cartographie des
risques naturels
In: Politix. Vol. 13, N°50. Deuxième trimestre 2000. pp. 129-150.
Abstract
How to put risk into maps ? The changing process of relationships between science and politics in the map-making of natural
hazards
Cyril Bayet
The making of planning policies concerning natural hazards brings together scientific, juridical and political activities. Stuyding the
administrative methodologies of implementation, the article examines how public authorities organize links between these various
practices in attempting to legitimize decisions taken in this matter. It sheds light on an evolution of the role and place of scientific
experts in decision-making processes. This change cornes with the setting up of new forms of political control regarding the usual
technocratic decision-making.
Résumé
Comment mettre le risque en cartes ? L'évolution de l'articulation entre science et politique dans la cartographie des risques
naturels
Cyril Bayet
L'élaboration des politiques de zonage des risques naturels fait intervenir des activités scientifiques, juridiques et politiques. A
partir des méthodologies administratives de mise en œuvre, l'article examine comment les pouvoirs publics ont organisé les
rapports entre ces différentes pratiques pour essayer de garantir la légitimité des décisions prises en ce domaine. Il souligne une
évolution concernant le rôle et la place des experts scientifiques dans les procédures de décision. Ce changement s'accompagne
de la mise en place de nouvelles formes de contrôle politique à l'égard de la démarche technico-administrative habituelle.
Citer ce document / Cite this document :
Bayet Cyril. Comment mettre le risque en cartes ? L'évolution de l'articulation entre science et politique dans la cartographie des
risques naturels. In: Politix. Vol. 13, N°50. Deuxième trimestre 2000. pp. 129-150.
doi : 10.3406/polix.2000.1091
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2000_num_13_50_1091Comment mettre le risque en cartes ?
L'évolution de l'articulation entre science et politique
dans la cartographie des risques naturels
Cyril BAYET
Si la catégorie des « risques collectifs » reste faiblement
institutionnalisée, les politiques qui peuvent prétendre s'y rattacher
présentent au moins une caractéristique commune. Plus que d'autres
sans doute, elles mêlent étroitement le domaine scientifique et technique à
l'action publique1. Qu'il s'agisse des politiques menées en matière de risques
sanitaires, naturels ou technologiques, leur formulation et leur mise en
œuvre intègrent des dispositifs - plus ou moins formalisés - s'appuyant sur
des normes techniques et scientifiques. Les politiques de prévention des
risques naturels, pour s'en tenir à celles-là, reposent ainsi sur une mise en
carte des territoires exposés2. Cette opération fait intervenir des
connaissances relatives à la géographie et, selon les phénomènes naturels en
cause, à la sismologie, l'hydrologie, la géologie ou la nivologie. Pour autant,
1. Sur ces points, cf. l'article de synthèse de Lemieux (C), Barthe (Y.), « Les risques collectifs sous le
regard des sciences du politique. Nouveaux chantiers, vieilles questions », Politix, 44, 1998.
2. Pour une analyse des fonctionnalités de l'outil cartographique dans le traitement des risques
naturels, cf. Bayet (C), Le Bourhis Q.-P.), « Le zonage comme instrument de gouvernement. Le
cas des risques naturels », Annales des Ponts et Chaussées, 93, 2000. Plus généralement, sur
l'usage des techniques d'objectivation dans l'action publique (en termes de légitimation mais
aussi de communication et de bureaucratisation), cf. Desrosières (A.), La politique des grands
nombres. Histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993 ; Porter (T. M.), «Making
Things Quantitative», Science in Context, 3, 1994, et Trust in Numbers. The Pursuit of Objectivity in
Science and Public Life, Princeton, Princeton University Press, 1995.
Politix. Volume 13 - n° 50/2000, pages 129 à 150 Politix n° 50 130
les cartes de risque n'engagent pas seulement une description d'un état de la
nature mais un ensemble d'enjeux juridiques et politiques. Sur la base de ces
cartes, des dispositions réglementaires d'aménagement, d'urbanisme, de
protection seront définies par les services de l'Etat. Les élus locaux devront
alors redéfinir leurs ambitions en matière de développement, les
aménageurs devront remballer certains projets dans leurs cartons, les
habitants verront leurs terrains désignés comme dangereux. Dans
l'ensemble, une politique de prévention des risques naturels se construit en
articulant des savoirs techniques et scientifiques, des procédures et des
règles juridiques, des valeurs et des intérêts politiques3.
L'élaboration de ces politiques du risque pose alors la question des formes
que peuvent prendre les décisions légitimes dans des contextes caractérisés
par l'existence de rationalités et d'intérêts divergents. Comment et dans
quelle mesure les ressources de légitimité fournies par la science et la
technique sont-elles mobilisées par l'autorité légale ? Par quelles modalités
les valeurs et les intérêts politiques sont-ils pris en compte dans le processus
de décision ? Quelles frontières sont-elles instituées entre les univers
scientifique et politique ? Ou, à l'inverse, quels types de confrontation sont-
ils organisés ?
A travers le cas des politiques de « cartographie réglementaire » des risques
naturels, cet article se propose d'étudier les réponses mises en œuvre par les
pouvoirs publics face à ces problèmes4. Pour cela nous nous appuierons sur
les méthodologies de fabrication des cartes réglementaires de risque, en
l'occurrence celles prévues pour les Plans d'exposition aux risques (PER)
créés en 1982, puis pour les Plans de prévention des risques (PPR) institués
en 1995. Si elles n'ont pas de force véritablement contraignante pour les
acteurs locaux, ces méthodologies fonctionnent comme un révélateur des
représentations et des principes guidant l'action des autorités publiques.
3. Sur le problème de l'hybridation de la technique et de la politique, cf. notamment Latour (B.),
Nous n'avons jamais été modernes, Paris, La Découverte, 1991. Pour une étude empirique sur les
normes relatives à la dioxine, cf. Rip (A.), Callon (M.), « Humains, non-humains : morale d'une
coexistence », dans La Terre outragée, les experts sont formels !, Autrement, Série sciences en
société, 1, 1992.
4. Les procédures de cartographie réglementaire des risques naturels sont mises en œuvre par
les services techniques de l'Etat (principalement les Directions départementales de
l'Equipement et celles de l'Agriculture et de la Forêt) sous l'égide des préfets. Elles visent à
réaliser une évaluation des risques sur un territoire le plus souvent intercommunal puis à
définir un zonage intégrant des dispositions réglementaires comme l'interdiction de
l'aménagement ou l'obligation de prévoir des travaux de protection. Cette politique a été
lancée dans les années soixante-dix à travers des procédures spécifiques : les Plans des zones
exposées aux avalanches et la cartographie ZERMOS (pour Zones exposées aux risques des
mouvements du sol). Elle a été généralisée à l'ensemble des risques métropolitains (soit en
outre les inondations et les séismes) par la création des Plans d'exposition aux risques (PER)
dans la loi du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.
Ceux-ci ont été abrogés par la « loi Barnier » du 2 février 1995 au profit des Plans de prévention
des risques (PPR). Comment mettre le risque en cartes ? 131
Elles constituent des propositions de réponse en pratique à la question de
l'élaboration de décisions scientifico-politiques légitimes. Destinées aux
services de mise en œuvre des procédures, ces méthodologies décrivent
précisément un protocole d'expertise et de prise de décision. Elles
définissent ainsi une série d'épreuves par lesquelles doit passer la fabrication
de la cartographie réglementaire : pour évaluer les risques et traduire cette
éval