Le malheur des Serbes - article ; n°3 ; vol.64, pg 601-611
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Politique étrangère - Année 1999 - Volume 64 - Numéro 3 - Pages 601-611
The Serbs' Misfortune, by Daniel Vernet The conflicting territorial claims of the States born of the collapse of the Ottoman Empire caused the Balkan wars at the beginning of the century. In the 1990s it was the dream of a Greater Serbia — cherished by Slobodan Milosevic - that plunged the Serb nation and the entire region into war and misfortune. In the Balkans, where the same soil is proclaimed sacred by various peoples, where the minorities are often intermingled, no State can lay claim to ethnie purity without triggering massive exoduses and conflicts with its neighbours. The future does not lie in large, homogeneous States but in civilized organization of good neighbourly relations and in respect for minorities' rights — both of which can only be ensured today by the international community.
Si la récente crise au Kosovo présente de nombreux parallèles avec les conflits balkaniques du début du siècle, elle doit cependant être analysée en tenant compte du contexte politique de la Yougoslavie après Tito. En examinant les caractéristiques de ce conflit, Daniel Vernet s'interroge notamment sur les leçons que l'Europe doit en tirer. Quant à l'avenir des Etats de la région, il ne peut être que multiethnique, ce qui suppose le respect des droits des minorités. Une vérité simple à dire, mais difficile à traduire dans les faits.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 49
Langue Français

Extrait

Vernet
Le malheur des Serbes
In: Politique étrangère N°3 - 1999 - 64e année pp. 601-611.
Résumé
Si la récente crise au Kosovo présente de nombreux parallèles avec les conflits balkaniques du début du siècle, elle doit
cependant être analysée en tenant compte du contexte politique de la Yougoslavie après Tito. En examinant les caractéristiques
de ce conflit, Daniel Vernet s'interroge notamment sur les leçons que l'Europe doit en tirer. Quant à l'avenir des Etats de la
région, il ne peut être que multiethnique, ce qui suppose le respect des droits des minorités. Une vérité simple à dire, mais
difficile à traduire dans les faits.
Abstract
The Serbs' Misfortune, by Daniel Vernet
The conflicting territorial claims of the States born of the collapse of the Ottoman Empire caused the Balkan wars at the beginning
of the century. In the 1990s it was the dream of a "Greater Serbia" — cherished by Slobodan Milosevic - that plunged the Serb
nation and the entire region into war and misfortune. In the Balkans, where the same soil is proclaimed sacred by various
peoples, where the minorities are often intermingled, no State can lay claim to ethnie "purity" without triggering massive exoduses
and conflicts with its neighbours. The future does not lie in large, homogeneous States but in civilized organization of good
neighbourly relations and in respect for minorities' rights — both of which can only be ensured today by the international
community.
Citer ce document / Cite this document :
Vernet. Le malheur des Serbes. In: Politique étrangère N°3 - 1999 - 64e année pp. 601-611.
doi : 10.3406/polit.1999.4885
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1999_num_64_3_4885I
POLITIQUE ÉTRANGÈRE 3/99
Daniel vernet Le malheur des Serbes
Si la récente crise au Kosovo présente de nombreux parallèles avec les conflits bal
kaniques du début du siècle, elle doit cependant être analysée en tenant compte
du contexte politique de la Yougoslavie après Tito. En examinant les carac
téristiques de ce conflit, Daniel Vernet s'interroge notamment sur les leçons que
l'Europe doit en tirer. Quant h l'avenir des Etats de la région, il ne peut être que
multiethnique, ce qui suppose le respect des droits des minorités. Une vérité simple
à dire, mais difficile à traduire dans les faits.
Politique étrangère
C'est le mot polémique d'un opposant, et pourtant il illustre
parfaitement la politique Milosevic : « Avec Milosevic^ dit
Zoran Djinjic, les Serbes arrivent sur des chars et partent sur
des tracteurs ». Si l'ancien maire de Belgrade, brièvement imposé par
l'opposition démocratique et la communauté internationale, parle de
la guerre du Kosovo, son propos s'applique également à l'exode des
Serbes de Krajina après la défaite face à la Croatie. Le nombre des
réfugiés serbes, qui ont fui les territoires qu'ils habitaient avant la di
ssolution de la Yougoslavie ou dont ils ont été chassés, oscille mainte
nant entre 0,5 et 1 million. En Krajina, intégrée dans la Croatie
indépendante, les Serbes ont été victimes d'une forme de purification
ethnique comparable dans ses effets, sinon dans ses méthodes, à celle
dont ont souffert d'autres communautés des Balkans à l'instigation
des Serbes.
Slobodan Milosevic porte une responsabilité immense et première
dans la tragédie de son peuple qui sort de la dernière guerre des
Balkans, vaincu, démoralisé, une fois encore humilié — cette humilia
tion dans laquelle il puise sa force et comme une sorte de fierté. C'est
Daniel Vernet est directeur des relations internationales au journal Le Monde. 602 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
à Kosovo Polje — le Champ des merles -, au cours d'une provocation
soigneusement organisée par les organes de sécurité serbes, que Slobo
dan Milosevic inaugure sa politique en 1987 : « Personne n'a le droit
de battre ce peuple [serbe] », déclare-t-il à la foule contenue par la
police locale, encore à majorité albanaise puisque le Kosovo bénéficie
d'un statut d'autonomie au sein de la Fédération yougoslave. Deux
ans plus tard, au même endroit, Milosevic commémore, dans une
grande mise en scène nationaliste, le 600e anniversaire de la bataille qui
vit l'héroïque défaite du prince Lazar face aux Ottomans. Cette
bataille constitue l'un des temps forts de la geste serbe et fonde les
revendications de la nation sur le Kosovo, bien que de nombreux
Albanais se soient alors battus dans les rangs « chrétiens ». Les histo
riens serbes les plus honnêtes le reconnaissent.
D'un conflit balkanique à l'autre
Les guerres de dissolution de la Yougoslavie se sont terminées là où
elles avaient commencé, au Kosovo. Du moins, si Milosevic ne
cherche pas, dans cette fuite vers l'abîme qui a caractérisé toute son
attitude depuis dix ans, à compenser des revers par de nouvelles agres
sions, au Monténégro ou en Macédoine, par exemple. Fin tacticien,
avide de succès immédiats, il est un piètre stratège qui aura tout perdu
dans des batailles douteuses dont auront été victimes les Serbes et les
autres peuples des Balkans, et dans lesquelles il aura réussi à entraîner
les Européens, les Américains et les Russes. Car le malheur des Serbes
a fait le malheur des autres : des centaines de milliers de victimes, des
millions de réfugiés, des milliards de dollars de destruction... Peut-
être Milosevic rêvait-il de rejouer les guerres balkaniques d'antan, de
coaliser, autour et contre lui, les alliances conflictuelles des grandes
puissances. Dans les plus récentes guerres de Yougoslavie, il y a, en
effet, comme une réédition des conflits balkaniques du début du
siècle. Les antagonismes, les haines, les méthodes expéditives pour
soumettre l'ennemi ou l'éliminer, les acteurs locaux sont les mêmes et
leurs protecteurs internationaux ont à peine changé. Les États-Unis se
sont en quelque sorte substitués à l'empire austro-hongrois mais les
autres protagonistes sont présents : la France, l'Allemagne, la Russie,
l'Angleterre, la Turquie... .
LE MALHEUR DES SERBES / 603
La guerre de Yougoslavie n'a pas dégénéré en troisième guerre mond
iale malgré les menaces rhétoriques du Kremlin auxquelles aucun de
ses locataires ne croyait, ni Mikhaïl Gorbatchev en 1991, ni Boris
Eltsine en 1999. Au contraire, les puissances extérieures ont plus eu le
souci - qui rappelle les précautions avec lesquelles elles ont traité la
Yougoslavie tout au long de la guerre froide - de coopérer entre elles
pour trouver des solutions que de tirer des profits égoïstes de la crise
au risque de provoquer une confrontation majeure. Mais ce n'est pas
la seule différence avec les guerres du passé. La référence à la tradition
ancestrale des Balkans est tentante et parfois instructive. Quelle
meilleure introduction à la compréhension de la période 1991-1999
dans le Sud-Est européen que le rapport de la commission internatio
nale envoyée sur place en 1913 par le Carnegie Endowment for Peace
pour enquêter sur les deux premières guerres balkaniques ?* Combien,
a contrario, l'ignorance de l'histoire par nombre de dirigeants occi
dentaux des années 90 a pesé dans les erreurs de jugement portées sur
la Yougoslavie et dans les décisions erronées des premières années de
guerre ! Mais en même temps, l'idée que les Balkans « ont toujours été
comme ça », que leurs peuples sont tous coupables à un degré ou à un
autre, empêche de saisir la nouveauté introduite dans le conflit par la
nature de la Yougoslavie post-titiste, par l'effondrement du bloc
communiste et la fin de la guerre froide, et surtout par l'organisation
du pouvoir national-bolchevique de Slobodan Milosevic dont il faut
rappeler, pour apprécier ses liens avec la Russie, qu'il soutint en 1991
les putschistes de Moscou et, en 1993, les mutins du Parlement sou
levés contre Boris Eltsine.
La Yougoslavie de Tito
II y a vingt ans, en 1979, Josip Broz Tito vivait ses derniers jours.
Pendant plus de trente ans, il avait incarné la Yougoslavie du non-al
ignement qui, grâce à la rupture avec l'URSS de Staline en 1948, s'était
attiré la sollicitude des Occidentaux et l'admiration béate de quelques
socialistes en quête d'autogestion. Pendant toute la gu

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