Le sous-développement : quelques ouvrages significatifs parus depuis dix ans - article ; n°386 ; vol.71, pg 387-414
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Description

Annales de Géographie - Année 1962 - Volume 71 - Numéro 386 - Pages 387-414
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Yves Lacoste
Le sous-développement : quelques ouvrages significatifs parus
depuis dix ans
In: Annales de Géographie. 1962, t. 71, n°386. pp. 387-414.
Citer ce document / Cite this document :
Lacoste Yves. Le sous-développement : quelques ouvrages significatifs parus depuis dix ans. In: Annales de Géographie. 1962,
t. 71, n°386. pp. 387-414.
doi : 10.3406/geo.1962.16228
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1962_num_71_386_16228SOUS-DÉVELOPPEMENT : LE
QUELQUES OUVRAGES SIGNIFICATIFS
PARUS DEPUIS DIX ANS
{suite et fin)
VI. — Le coût social du progrès
L'examen de cette question au travers de la littérature consacrée au
sous-développement fait apparaître la vanité des théories de la simple crois
sance et montre la nécessité de distinguer entre « croissance » et « développe
ment. »
L'ouvrage de S. H. Frankel, The economic impact on underdeveloped
Societies1 apparaît comme un travail fondamental. L'auteur a été l'un des
premiers à montrer que « développer un peuple ou un territoire était tout
autre chose que d'investir pour obtenir une augmentation du revenu ».
S'inscrivant implicitement contre la réalisation d'un phénomène de crois
sance (sans transformation structurelle), il écrit « les transformations struc
turelles et sociales sont des préalables nécessaires à l'allégement de la misère.
Le coût du changement est élevé ». Par coût social du changement, Frankel
entend plusieurs types de transformations nécessaires : 1° des transformat
ions psychologiques ; 2° des transferts de main-d'œuvre d'un secteur à un
autre, d'une région à une autre ; 3° la solution des problèmes que pose le
phénomène d'urbanisation ; 4° la nécessité pour les privilégiés de renoncer à
une grande partie de leurs avantages particuliers. « II ne peut y avoir de
développement économique à moins que les élites à tous les niveaux ne
veuillent le progrès de leur pays et ne soient disposées à en
payer le prix, qui est la création d'une société dont les privilèges économiques,
politiques et sociaux auraient été éliminés. » Ce point est fondamental et il
met très nettement en relief l'exigence de transformations non seulement de
structure mais de système, pour assurer un développement véritable. « Tout
développement économique implique un processus de désagrégation des
formes antérieures de cohésion économique... et de réintégration postérieure
des facteurs de production dans de nouvelles et meilleures combinaisons. »
S'appuyant sur de nombreux exemples africains, Frankel fait ensuite le
procès de la croissance du secteur d'économie moderne. Les prétendues
modernisations ont provoqué une dislocation de la société indigène, la quasi-
destruction de l'économie rurale, sans pour autant permettre la réintégration,
la constitution de structures nouvelles. Frankel dresse la longue liste d'aju
stements sociaux qui sont nécessaires pour qu'un changement technique soit
réellement adopté par les populations, que heurtent douloureusement des
changements accélérés, mal intégrés, incontrôlés. Certains ont voulu voir,
dans cette position, la marque d'un pessimisme foncier quant aux possibilités
1. Sir H. Frankel, The economic impact on under developed societies, Oxford, 1953, 179 p. 388 ANNALES DE GÉOGRAPHIE
de progrès des populations sous-développées, ou la manifestation d'une
croyance à l'incompatibilité profonde des cultures. En réalité, Frankel ne
paraît hostile qu'à des transformations réalisées dans le seul cadre d'une
croissance du secteur moderne. Il identifie d'ailleurs, pour ce qui est de
l'Afrique, la croissance à la colonisation, et celle-ci « aux rapports inégaux
entre des sociétés économiquement inégales ». Cette assimilation a dérouté
ou choqué plusieurs commentateurs. Elle est en fait parfaitement logique,
pour autant que l'on donne à la notion de croissance une signification très
différente de celle de développement. Dans ce dernier cas, au contraire,
Frankel paraît assuré d'une possibilité de changements sociaux positifs et
de progrès économiques relativement rapides et importants. Il introduit,
dans ce cadre, un sens nouveau du coût social du changement : le supplément
de capital qu'il conviendrait d'apporter pour réduire au minimum les troubles
résultant du développement. « Quand il y a passage d'un type d'organisation
économique et sociale à une autre et d'un mode de vie à un autre, les individus
peuvent avoir besoin de " concours " spéciaux pour subvenir à leurs besoins
pendant la période de transition au cours de laquelle ils sont en train d'ac
quérir leur nouvelle structure sociale. Ces " concours " peuvent être consi
dérés comme un capital investi au même titre que les machines, les bâtiments
d'usine, etc.. » « Pour développer une économie arriérée, sans la bouleverser,
il faut investir, outre les capitaux nécessaires au développement économique
proprement dit, le supplément de capitaux qui permettrait de faire l'économie
des misères et des troubles qui accompagnent l'industrialisation. »
Plusieurs auteurs ont abordé le problème du coût social du progrès. Cer
tains d'entre eux, citant parfois une fraction de la pensée de Frankel, ont
insisté moins sur la nécessité de changements structurels, de l'abandon des
privilèges, que sur la notion de coût social en tant qu'inconvénient social,
perturbation, misère nouvelle. Ainsi, pour H. Janne1, dans une Notice rela
tive aux concepts de coût social, etc., « les coûts sociaux peuvent trouver leur
origine : dans un choix politico-économique contestable, dans une carence
(manque d'hygiène), dans une décision nécessaire (renouvellement d'outil
lage), ou dans une situation née de la force des choses et impossible à
reformer par une simple décision politique (structures sociales vicieuses) ».
Remarquons que Frankel ne considérait pas ces structures sociales comme
impossibles à réformer et qu'il faisait au contraire de leur transformation
la condition essentielle du développement.
Les effets catastrophiques d'une industrialisation (bidonvilles), les per
turbations provoquées dans les campagnes sont dénoncées en de nom
breux articles et ouvrages. Plusieurs sociologues se demandent si devant
de tels traumatismes sociaux, il est finalement souhaitable de transformer
l'économie du pays. Or ces phénomènes pathologiques sont considérés comme
la conséquence du progrès technique (cf. le nom même de l'organisme de
l'UNESCO : Bureau international de recherche sur les implications sociales du
1. In BIRISPT, Changements techniques économiques et sociaux, UNESCO, 1958, 335 p. OUVRAGES SUR LE SOUS-DÉVELOPPEMENT 389
progrès technique, BIRISPT). Cette notion est fort abstraite et le progrès
technique peut se manifester dans des conditions économiques et sociales
très différentes. Sa signification humaine dans le cadre d'une croissance de
type colonial, est très différente de celle qu'il peut avoir dans une politique
de véritable développement. Nombre de sociologues sont néanmoins incon
sciemment prisonniers du syllogisme suivant : le développement a pour base
l'industrialisation ; des industrialisations s'accompagnent de conséquences
détestables, donc le développement a des conséquences détestables.
Or en elle-même, le progrès technique en tant que tel,
extraits de leur contexte social, ne signifient pas grand-chose. L'exemple des
zones industrielles sud-africaines ou katangaises, qu'accompagnent la dis
location sociale et les bidonvilles, doit être essentiellement considéré comme
la preuve de la nocivité de la croissance du seul secteur moderne, caracté
ristique du sous-développement. Une politique de développement véritable
peut réaliser une industrialisation sans pour autant provoquer de tels méfaits
humains, et elle se donne justement pour but la résorption des désordres sociaux
provoqués par le Pour A. Sauvy1 «la question n'est
pas de savoir s'il convient de favoriser ou d'arrête

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