Ny-Aalesund : un exemple de mutation sociale dans une commumunauté du Grand Nord - article ; n°3 ; vol.35, pg 335-342
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Description

Revue de géographie de Lyon - Année 1960 - Volume 35 - Numéro 3 - Pages 335-342
Ny-Aalesund est l'agglomération la plus septentrionale du monde Elle est située au N.W. du Spitsberg, sur le 79e degré de latitude nord, с 'est-à-dire à mi-distance entre le Pôle Nord et la Laponie. Seuls sont plus proches du Pôle quelques petits postes .météorologiques ou militaires du Groenland ou de l'Union Soviétique.
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Marc Côte
Ny-Aalesund : un exemple de mutation sociale dans une
commumunauté du Grand Nord
In: Revue de géographie de Lyon. Vol. 35 n°3, 1960. pp. 335-342.
Résumé
Ny-Aalesund est l'agglomération la plus septentrionale du monde Elle est située au N.W. du Spitsberg, sur le 79e degré de
latitude nord, с 'est-à-dire à mi-distance entre le Pôle Nord et la Laponie. Seuls sont plus proches du Pôle quelques petits postes
.météorologiques ou militaires du Groenland ou de l'Union Soviétique.
Citer ce document / Cite this document :
Côte Marc. Ny-Aalesund : un exemple de mutation sociale dans une commumunauté du Grand Nord. In: Revue de géographie
de Lyon. Vol. 35 n°3, 1960. pp. 335-342.
doi : 10.3406/geoca.1960.2409
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geoca_0035-113X_1960_num_35_3_2409NY-AALESUND
UN EXEMPLE DE MUTATION SOCIALE
DANS UNE COMMUNAUTE DU GRAND NORD
par M. Côte
Résumé. — Ny-Aalesund est l'agglomération la plus septentrionale du monde Elle est
située au N.W. du Spitsberg, sur le 79e degré de latitude nord, с 'est-à-dire à mi-distance
entre le Pôk Nord et la Laponie.
Seuls sont plus proches du Pôle quelques petits postes .météorologiques ou militaires du
Groenland ou de l'Union Soviétique.
Jusqu'à une époque toute récente, Ny-Aalesund est resté le type de l'ét
ablissement pionnier « primaire » sur les franges du monde humanisé.
De l'établissement en haut-Arctique, il avait tous les caractères.
C'était un établissement minier. Dans ces latitudes supérieures au 75e
parallèle, il ne peut être question de fonder des centres de défrichement,
faute de terre à cultiver, ou des « comptoirs » faute d'habitants avec qui
commercer. En fait, tous les points occupés dans le Haut-Arctique, qu'ils
soient américains, Scandinaves ou russes, sont des centres miniers ou mili
taires.
Ce fut le cas pour Ny-Aalesund, qui dut son existence à un gisement de
charbon: le Spitsberg a le privilège d'être un des rares pays de l'Arctique
à posséder des gisements de houille sur son territoire, et sa production est
exportée dans tous les ports arctiques de Norvège et d'Union Soviétique.
Le « Lyngen », reliant le Spitsberg à la Laponie, est encore un de ces
rares exemples de navires à vapeur du xixe siècle, où à longueur de journée
les soutiers alimentent la fournaise de leurs pelletées de charbon.
Autrefois le Spitsberg connut une activité toute différente, et très lucrative :
la pêche à la baleine. L'archipel fut le Pérou des chasseurs de baleines pen
dant tout le xvii6 siècle; les nombreuses vertèbres de baleines géantes con
servées sur ses plages en témoignent. Mais ces « pirates des mers » ont tot
alement dévasté les eaux boréales, et le Spitsberg a perdu par là une de ses
rares chances de ne pas être par la suite le siège d'une activité unique.
Cet établissement minier a toujours été précaire. L'arctique est parsemé de
ces villages-fantômes, de ces installations abandonnées, correspondant à des
tentatives avortées. En face même de Ny-Aalesund, la presqu'île de Bloms-
trand a été le siège il y a 50 ans d'un essai d'exploitation du marbre; en
moins d'un an la compagnie fit faillite, et les bâtiments subsistent depuis
lors, disponibles à qui voudrait en profiter. 336 M. CÔTE
NyAalesund n'a pas échappé à la règle commune. Commencée en 1901,
l'exploitation minière connut une vie très aléatoire: ses propriétaires firent
fortune dans les débuts, lorsqu'il n'y avait qu'à « cueillir » le charbon à
fleur de terre ; ils firent faillite plus tard lorsque les difficultés nécessitèrent
des spécialistes.
L'histoire de la mine est jalonnée d'accidents, qui, à l'échelle locale, pren
nent figure de catastrophes. Sous le prétexte du gel permanent du sol, l'on a
négligé de boiser les galeries : en 1930 une très forte explosion détruisit la
mine et ensevelit de nombreux mineurs; la population, prise de panique,
abandonna sur-le-champ la ville et s'embarqua pour le Sud sur les charbonn
iers à quai x. La mine fut fermée, la ville resta abandonnée pendant 1 5 ans.
En 1945, la mine fut ouverte à nouveau, et l'agglomération se repeupla pro
gressivement. Mais en 1953 et 1954, deux explosions coup sur coup tuèrent
les quatre-cinquièmes des mineurs. Ny-Aalesund, une fois de plus fut au bord
de la disparition.
La courbe du nombre de travailleurs employés à la mine reflète de façon
éloquente ces vicissitudes : de 5 en 1909, l'effectif monte à 3C0 en 19..8, chiffre
jamais atteint depuis; il tombe à 15 pendant l'hiver 1925-26; remonte à
263 l'été suivant pour retomber à zéro lors de la fermeture 2. Depuis la
reprise de 1945, la courbe est aussi heurtée. De plus, à toute époque le
nombre des travailleurs en hiver est inférieur de .moitié à celui de l'été.
L'agglomération porte aujourd'hui encore les marques de cette précar
ité : à chaque pas on rencontre des morceaux de ferraille, des planches, des
caisses, voire des maisons abandonnées. Personne n'a pris la peine de les
faire disparaître. Dans ce pays où ne pousse pas un arbre, rien n'est plus
facile que de se construire une cabane avec des bois de récupération. Il
semble que chaque phase d'exploitation ait laissé là son empreinte.
N'ayant jamais fait l'objet d'une installation définitive, ce poste ne pou
vait être qu'un établissement rudimentaire. Les pièces essentielles de l'o
rganisme étant la mine, la centrale et le port, le reste était réduit au strict
minimum: de basses et longues maisons-dortoirs pour ouvriers, des rues à
peine tracées, des mares disséminées partout, donnaient à l'agglomération
un aspect de Far- West qui subsiste aujourd'hui encore. Tout l'infrastruc
ture urbaine était à l'image du service des eaux: un camion distribuait tous
les matins à chaque maison, un bloc de glace, que l'on faisait fondre sur le
poêle...
Ny-Aalesund était alors une agglomération sans vie propre, et où tout
devait venir de Norvège, depuis les briques jusqu'aux pommes de terre
et au lait. Aussi toute la vie des habitants était soumise aux aléas des lia
isons maritimes avec la Norvège, souvent irrégulières l'été, et impossibles de
novembre à mai à cause de la banquise: en 1926 les derniers bateaux de la
saison ne purent pour cette raison atteindre la mine, et cinquante-huit
hommes qui devaient rentrer en Norvège durent passer tout l'hiver à Ny-
Aalesund.
1. J. Romanovsky, Le Spitsberg et ht Sibérie du Nord. Payot, 1943.
2. A. Orwin, Geology of the Kings Bay Region, Norges Svalbard n° 57, Oslo, 1934. NY-AALESUND 337
Fig. I. — Carte des bourgs du S pit s ber g.
1, 2, 3 : bourgs soviétiques.
4, 5 : norvégiens.
1 : Barentzbourg ; 2 : Grumant ; 3 : Pyramyden ; 4 : Longyearbyen ; 5 : Ny-Aalesund. 338 м. côte
Aujourd'hui encore tout trafic est impossible l'hiver, et les stocks de
charbon s'accumulent près des chantiers en attendant les premiers char
bonniers du printemps. L'avion n'est pour les habitants que d'un .médiocre
secours, faute d'aérodrome: seul un avion apporte le courrier au mois de
mars, sans se poser au sol. Sept mois durant, Ny-Aalesund est un petit
poste totalement coupé du monde: la radio seule maintient un lien avec le
continent, et il devient plus habituel aux habitants d'envoyer un télégramme
par radio que d'écrire une lettre.
Il n'est pas étonnant qu'avec de telles conditions de vie, ce poste avancé
face au Pôle soit longtemps resté un établissement de célibataires. La major
ité des habitants était formée de mineurs, les autres étaient occupés à de
durs travaux liés à la mine. Instabilité de l'emploi, infrastructure sommaire,
longs hivers pendant lesquels pesaient sur les habitants le triple poids du
froid rigoureux, de la longue nuit polaire, et de l'isolement, tout dans ce
monde faisait qu'il n'y avait pas place pour des femmes et pour des familles.
D'ailleurs longtemps la compagnie interdit à ses employés d'amener leurs
femmes, à l'exception de celles des administrateurs. Ce n'est qu'à parti

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