Orientalisme soviétique et Extrême-Orient - article ; n°4 ; vol.13, pg 329-340
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Orientalisme soviétique et Extrême-Orient - article ; n°4 ; vol.13, pg 329-340

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Politique étrangère - Année 1948 - Volume 13 - Numéro 4 - Pages 329-340
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1948
Nombre de lectures 21
Langue Français

Extrait

Roger Portal
Orientalisme soviétique et Extrême-Orient
In: Politique étrangère N°4 - 1948 - 13e année pp. 329-340.
Citer ce document / Cite this document :
Portal Roger. Orientalisme soviétique et Extrême-Orient. In: Politique étrangère N°4 - 1948 - 13e année pp. 329-340.
doi : 10.3406/polit.1948.2847
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1948_num_13_4_2847L'ORIENTALISME SOVIÉTIQUE
ET L'EXTRÊME-ORIENT
Au sein des études historiques en Russie, l'orientalisme a une place très
importante et une place à part. Cette place, il la doit, d'une part, à la situa
tion dans le monde, d'autre part, aux structures sociales et politiques de
l'Union soviétique. L'orientalisme russe a donc des caractères très parti
culiers qui le distinguent nettement de l'orientalisme tel que le conçoivent
les savants d'Europe occidentale. Ce mot lui-même d'orientalisme éveille
dans l'esprit d'un Russe des réactions qui n'ont rien de commun avec celles
d'un Français.
L'orientalisme est l'« ensemble des connaissances qui concernent les
peuples de l'Orient ». Orient ici comprend aussi l'Extrême-Orient, c'est-
à-dire les peuples installés sur les côtes de la Méditerranée orientale
et au delà, en Asie antérieure, Asie centrale, Inde, Insulinde, Chine et
Japon.
Les peuples dont l'étude constitue l'orientalisme sont donc, pour la
plupart, les voisins de l'Union soviétique. Celle-ci a une frontière commune
avec la Corée, la Mandchourie, la Mongolie, le Turkestan chinois, l'Afghan
istan, l'Iran et la Turquie. Elle touche aux pays de l'Inde. C'est là un fait
d'importance. Les problèmes posés par l'histoire des peuples orientaux
empruntent aux yeux des Russes, à ce voisinage, à cette proximité, un
éclairage spécial. Ils font en effet vibrer une fibre nationale.
, Sans doute les rapports passés entre les Russes et les peuples frontaliers
du sud et de l'est ont un caractère colonial, et ce serait fausser la per
spective historique que de rapprocher, dans une comparaison hasardeuse,
les contacts qui se sont établis depuis trois siècles entre l'empire russe et
la Chine de ceux qui ont marqué le voisinage de la France et de l'All
emagne. Il n'en reste pas moins que l'étude des peuples orientaux
comporte, pour un Russe, un élément passionnel né de la proximité.
Il y a plus. Le domaine de l'orientalisme soviétique dépasse géographi-
quement l'Orient proprement dit et l'Extrême-Orient, extérieur à l'Union
22 ROGER PORTAL 330
soviétique ; il englobe, en effet, l'étude des peuples orientaux en dehors de
leur pays d'origine, et, en particulier, celle des peuples turc et mongol
dispersés en Europe orientale et en Sibérie. La population de l'Union
soviétique comprend pour un cinquième des nationalités non slaves (plus
de 150 dont la plupart, à vrai dire, ne sont représentées que par quelques
milliers d'individus) et où domine l'élément turc. De ces nationalités, les
unes sont installées aux marges de l'Empire, en bordure de ses frontières,
tels que les Arméniens, les peuples du Turkestan, les Bouriates-Mongols ;
mais il y a aussi des groupes plus ou moins compacts de peuples asiatiques
à l'intérieur du territoire de l'Union ; qu'il suffise de citer les Tatars de la
Volga, les Bachkirs de l'Oural et, plus dispersés et moins nombreux, les
Yakoutes du bassin de la Lena. Tous sont objets d'étude pour l'orienta
lisme soviétique, dont les préoccupations, par suite, touchent à la vie inté
rieure de l'Union et ne s'appliquent pas uniquement à des peuples étran
gers.
Enfin, de part et d'autre de la frontière soviétique, vivent des peuples
qui ont parfois même origine ethnique, civilisations et langues parentes,
dont les destins ont été mêlés dans les temps anciens et que seuls les migra
tions et le tracé de nouvelles frontières ont séparés. Cela est vrai, par exemple,
des peuples azerbaïdjanais et du nord de l'Iran, et, pour nous rappro
cher du domaine extrême-oriental, c'est aussi le cas des Bouriates-Mongols
et des peuples de Mongolie intérieure et extérieure.
L'orientalisme en U. R. S. S., par conséquent, étudie d'une part des
peuples soviétiques, d'autre part des peuples étrangers, mais voisins, et
dont un certain nombre peuvent être considérés comme des « peuples
frères ». Il en résulte que l'orientalisme n'a pas, pour les Russes, un aspect
étranger à leur civilisation propre. Il n'a pas un caractère d'exotisme : il
est un fait vivant, un fait national.
Sans doute, avant la Révolution de 1917, l'orientalisme russe n'avait pas
le caractère national qu'il a pris aujourd'hui. Vis-à-vis des diverses natio
nalités non slaves vivant dans les limites de l'Empire russe, le tsarisme
suivait, au début du XXe siècle, une politique dont le trait fondamental
était la tendance assimilatrice. A l'égard de certaines de ces nationalités
toutefois, celles dont la langue était écrite, chargée d'histoire, et dont la
culture était ancienne, mais avait évolué et s'était adaptée au monde
moderne, il y avait, de la part du gouvernement russe, comme une recon
naissance implicite d'existence, sinon d'égalité ; tel était le cas des Finland
ais, des Polonais, des Arméniens. Mais, pour la plupart des peuples asia
tiques qui nous intéressent ici, le problème se posait autrement, parce qu'il
s'agissait de peuples dont la langue était restée orale, ou bien confinée à des
textes religieux, et dont la culture gardait, en plein XXe siècle, ses carac- L'ORIENTALISME SOVIÉTIQUE 331
tères anciens. A leur égard, le gouvernement tsariste n'avait pas les mêmes
ménagements. Ces peuples, les orientalistes d'avant la révolution d'Octobre
les étudiaient non pas comme des entités nationales, dont les traits cultur
els, dans le présent, gardaient leur valeur pour l'avenir, mais bien comme
des nationalités déclinantes dont les caractères présents constituaient une
survivance destinée à 'disparaître. La question de leur existence était à
peine posée.
Aussi les orientalistes considéraient-ils avec quelque dédain la culture
actuelle des peuples orientaux ; ils étudiaient de préférence les langues
d'autrefois et attachaient peu d'importance à l'étude des langues et des
littératures contemporaines. En d'autres termes, l'orientalisme touchait
surtout à la philologie, à l'archéologie et au folklore.
Si l'orientalisme conservait un caractère actuel dans la mesure où les
civilisations étudiées étaient des survivances dont on pouvait suivre les
manifestations en plein XXe siècle, il n'en gardait pas moins un caractère
désintéressé, en quelque sorte désincarné et lointain.
Il ne peut plus en être de même aujourd'hui, en Union soviétique. En
effet, l'État soviétique a accordé, dans le cadre politique de la Fédération
qu'il constitue, l'autonomie culturelle à toutes les nationalités de l'Union,
en même temps qu'il affirmait le principe d'égalité de tous les citoyens,
quelles que fussent leurs origines ethniques. En conséquence, les barrières
sociales qui séparaient les peuples de l'Union soviétique ont été renversées,
mais, en outre, le nouveau régime politique et social a eu pour effet de
renforcer les caractères originaux des différentes nationalités, de pro
mouvoir les dialectes oraux devenus langues écrites, de créer des littératures
nouvelles et de rendre, par là même, plus aiguë la conscience nationale
de peuples menacés auparavant d'assimilation. Dès lors disparaît dans
l'orientalisme toute trace d'exotisme. L'orientalisme contemporain en
Union soviétique touche intimement à la vie nationale et présente de
l'Union, et cela d'autant plus qu'à la suite du développement culturel
des peuples asiatiques, jusque-là en retard, se forment de nouvelles équipes
d'orientalistes issus de ces pays mêmes.
A peine pourrait-on parler désormais d'orientalisme s'il s'agissait un
iquement d'étudier l'hi

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents