Où va l Algérie ? - article ; n°1 ; vol.10, pg 75-95
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Description

Politique étrangère - Année 1945 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 75-95
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1945
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert Montagne
Où va l'Algérie ?
In: Politique étrangère N°1 - 1945 - 10e année pp. 75-95.
Citer ce document / Cite this document :
Montagne Robert. Où va l'Algérie ?. In: Politique étrangère N°1 - 1945 - 10e année pp. 75-95.
doi : 10.3406/polit.1945.5549
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1945_num_10_1_5549" iCVtftffc
OU VA L'ALGÉRIE ?
L'Algérie française.
Au lendemain de la défaite de 1871, après une insurrection semb
lable, par ses causes du moins, à celle qui vient d'éclater dans les mêmes
lieux, le gouvernement de la République, qui se donnait pour tâche de réta
blir la France à son rang dans le monde eut l'audace de concevoir en Algérie
une œuvre dont la grandeur peut encore aujourd'hui nous étonner.
Autour des 300 000 Français déjà établis sur ce sol d'Afrique, près des cités
nouvelles qu'elle fondait alors sur le Tell et les Hauts-Plateaux, la France
imaginait d' « assimiler » les masses musulmanes, encore frémissantes des
souvenirs de la conquête militaire, et de les intégrer dans l'Etat, comme
Rome l'avait fait jadis. Le « Royaume arabe », cette rêverie de Napoléon III,
était pour toujours abandonnent l'on en revenait, dans un esprit plus géné
reux' peut-être qu'autrefois, à la conception de Bugeaud. Mais ce n'était
plus une armée et des colons qui devaient conquérir le sol — ense et ara-
tro — c'était le génie français qui devait s'emparer des âmes et « civiliser »
un pays attardé aux formes de vie de la plus haute antiquité ou du
moyen âge.
Les éléments de base de cette transformation devaient être, en dehors
des grandes villes dans lesquelles notre autorité s'exerçait déjà sans conteste
et que pénétrait notre influence, la commune rurale de plein exercice et la
commune mixte.
La commune mixte, qui succédait aux anciens bureaux militaires arabes,
condamnés désormais par la prépondérance civile, administrait un vaste
territoire de tribus partagé en petites circonscriptions, les douars, groupes
de dix à quinze villages en moyenne. Mais à l'intérieur du territoire de cette
commune mixte, peuplée presque exclusivement de musulmans, on devait
découper peu à peu, avec le progrès de la colonisation, de petites enclaves
au sein desquelles se développeraient des communes françaises dites de
plein exercice. Dans celles-ci, nos colons s'administraient selon la loi fran
çaise, rattachant en outre à leur municipe les douars les plus voisins, comme
pour lés faire participer plus directement à notre civilisation et les associer
peu à peu à notre vie. En même temps, la France offrait la pleine citoyenneté OU VA L'ALGÉRIE 76
aux musulmans qui accepteraient d'abandonner le code familial de l'Islam
et se placeraient sous notre loi civile.
Pour remplacer l'autorité militaire et agir plus directement sur les esprits»
la troisième République allait faire appel bien souvent à l'instituteur. C'est
à Jules Ferry que revient l'honneur d'avoir organisé ces premières missions
d'éducateurs formés avec soin en France, et envoyés comme des apôtres
dans les montagnes de Kabylie et sur les Hauts-Plateaux où ils réalisèrent
peu à peu, avec le sentiment le plus élevé de leur mission, ce qu'il est permis
d'appeler la deuxième conquête. En même temps, notre gouvernement
complétait, par ses actes, la disparition de l'Etat musulman déjà si avancée
depuis quarante ans. Un contrôle toujours plus étroit de la justice, l'attr
ibution en pays de coutume, aux magistrats français, du droit d'interpréter
les traditions locales, l'application de la législation foncière française aux
terrés indigènes, la disparition complète des fondations pieuses de l'Islam»
l'extrême vigilance apportée à la répression de tous les troubles suscités par
le fanatisme émanant des confréries religieuses et des prédicateurs de guerre
sainte, tout cela, avec le temps, assurait une sorte de francisation sommaire
de nos trois provinces d'Algérie, auxquelles on donna, dès lors, le nom sym
bolique de « départements ». L'entreprise était facilitée par le caractère
rural de l'Algérie, la faible importance relative des grands centres urbains
islamiques et le peu de relations de ce pays avec l'extérieur.
A partir de 1900, il semble bien que les résistances internes aient à peu
près disparu, et la guerre de 1914 devait, par le témoignage qu'elle nons
donna de l'entière fidélité des musulmans, couronner cette œuvre auda
cieuse. On sait qu'après la victoire, sur l'initiative de M. Jonnart, alors
gouverneur général de l'Algérie^ des droits politiques, encore restreints .
d'ailleurs, devaient être conférés aux musulmans d'Algérie. On a trop dit,
ces derniers temps surtout dans la presse métropolitaine, qu'en Algérie les
Français avaient tous les droits, et que les musulmans n'avaient que les
devoirs (1), pour qu'il ne soit point nécessaire de rappeler ici l'importance
du progrès politique accompli à la fin de la première guerre mondiale.
Dans toutes les communes de plein exercice, les musulmans désignaient,
dès lors, par élection, un tiers des conseillers municipaux. II en allait de
même dans les assemblées départementales. Dans les communes mixtes,
l'administrateur était, lui aussi, assisté d'une assemblée municipale formée
(]) Notons que les musulmans d'Algérie, qui n'ont pas les mêmes droits politiques que les
« Européens », sont appelés à contribuer au service militaire dans une bien moindre proportion et
avec de nombreuses exceptions. Ils bénéficient en outre dans le domaine religieux — pour la
rétribution du culte et la liberté de fondation d'écoles libres — d'avantages et de tolérances que
n'accordent point nos lois laïques. VA L'ALGÉRIE 77 OU
de colons français et des caïds et présidents d'assemblée de chacun des
douars. Enfin, dans les Délégations Financières, sorte de petit parlement
autonome d'Algérie, aux attributions limitées, il est vrai, des musulmans
élus constituant les délégations arabe ou kabyle, prenaient une place plus
grande que par le passé à l'élaboration du budget.
Il est incontestable que l'erreur de beaucoup de Français, en Algérie
surtout, est d'avoir pensé que les progrès réalisés en 1919 devaient suffire
pour une longue période à apaiser la soif de revendication des musulmans.
C'était faire trop bon marché des résultats de l'œuvre éducative de la
France qui formait de nouvelles élites, éveillait les esprits et donnait à tous
ceux que nous élevions près de nous le désir légitime de prendre une part
plus grande à la gestion des affaires publiques. On peut dire assurément que
les troubles que connaît aujourd'hui l'Algérie sont en partie dus au conser
vatisme invétéré des Français en matière d'évolution coloniale et aux réac
tions qu'il provoque. Presque tout le monde reconnaît aujourd'hui que
Î930, année dû centenaire de l'Algérie, fut aussi celle d'une erreur d'omiss
ion. Il eût été facile, dans la paix et la puissance dont nous jouissions alors,
d'accorder généreusement des droits politiques plus étendus.
En 1 936, le projet Blum-Viollette proposait d'accorder aux élites musul
manes une place dans le collège électoral français sans leur imposer de
renoncer à leur statut musulman, auquel elles restent fidèles par scrupule
religieux. Sous cette forme ou autrement, il eût sans doute aussi été possible
à ce moment de faire un pas sérieux en avant. Mais les maires français des
communes de plein exercice d'Algérie, entourées des douars rattachés à
leurs municipes, redoutèrent d'être mis en minorité un jour par leurs admin
istrés musulmans, encore trop peu préparés à diriger les affaires publiques.
D'autre part, les masses indigènes, qui sentaient l'opposition des colons au
projet, concevaient sans aucun doute cette première concession comme l

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