Sur une arme dont on ne sait que faire - article ; n°1 ; vol.42, pg 35-62
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Description

Politique étrangère - Année 1977 - Volume 42 - Numéro 1 - Pages 35-62
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Général Pierre Gallois
Sur une arme dont on ne sait que faire
In: Politique étrangère N°1 - 1977 - 42e année pp. 35-62.
Citer ce document / Cite this document :
Gallois Pierre. Sur une arme dont on ne sait que faire. In: Politique étrangère N°1 - 1977 - 42e année pp. 35-62.
doi : 10.3406/polit.1977.1693
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1977_num_42_1_1693SUR UNE ARME
DONT ON NE SAIT QUE FAIRE
par Pierre GALLOIS
Sur le rôle, les effets, les éventuelles conditions d'emploi des
armes nucléaires conçues pour être utilisées contre les forces armées
de l'adversaire, ses aérodromes, ses dépôts, ses concentrations, ses
voies de communication, personne n'est d'accord. Il y a pourtant
plus de vingt ans qu'on y réfléchit, à vrai dire depuis que les
ingénieurs commencèrent de les expérimenter.
En revanche, qu'elle soit américaine, soviétique, chinoise, britan
nique ou française, la composante stratégique de la vaste panoplie
des armes de destruction massive a maintenant une signification
politique et militaire qu'on ne discute plus guère. Ses objectifs
éventuels, ses effets destructeurs, les formidables conséquences qu'au
raient son utilisation, les altérations que lui apporte l'évolution de
la technique sont à peu près partout connus.
C'est ainsi, par exemple, qu'il est généralement admis qu'au lieu
de s'étendre sur des mois et des années, comme ce fut le cas des
bombardements du Japon et de l'Allemagne, l'action stratégique
serait fortement contractée dans le temps puisque, en quelques
heures, voire quelques minutes, des ravages bien plus considérables
pourraient être exercés. De même, on sait que face à cette brutale
avalanche de chocs, de chaleur et de radiations, il n'existe pas au
jourd'hui d'autre parade que la perspective de représailles égale
ment insupportables, les procédés usuels de la défense active s'avé-
rant sans effet. Que pareil usage d'un potentiel colossal de destruction
conduise à d'insupportables désastres, qu'il n'est plus guère conce
vable qu'un gouvernement y ait recours si son pays n'était pas,
auparavant, placé dans une situation absolument désespérée et que,
justement, c'est la perspective d'un tel réflexe qui décourage :
PIERRE GALLOIS 36
l'agression et interdit de pousser une puissance nucléaire au désespoir
le plus extrême, voilà qui, peu à peu, est passé de l'analyse des spé
cialistes au domaine public et que le plus grand nombre comprend.
Au contraire, la composante « tactique » du même armement
— jusqu'ici fort heureusement jamais employée — est l'objet de
très nombreuses controverses.
C'est que, pour la plupart de ceux qui cherchent à en comprendre
l'éventuelle signification, il s'agit de concilier l'inconciliable en
associant le système de forces classiques auquel ils sont accoutumés
avec le pouvoir de destruction de l'arme nouvelle. Ils s'efforcent,
en effet, de retenir à peu près les effectifs, les armes, les structures,
le commandement, le déploiement, l'entraînement et les méthodes
d'emploi éprouvées par des siècles de combats et d'exercices et de
faire en sorte que l'irruption des projectiles à grand pouvoir de
destruction dans cette panoplie familière n'en dérange pas — ou
très peu — l'ordonnance.
La maîtrise progressive des techniques correspondantes conduisit
à cette interprétation rassurante d'un phénomène qui est, en fait,
révolutionnaire. Au cours de l'année 1958, les Américains firent
exploser dans le désert du Nevada, à titre expérimental, des « char
ges » atomiques dont les énergies qu'elles dissipaient respectiv
ement étaient équivalentes à celles d'explosifs classiques, au T.N.T.,
pesant 40 à 90 tonnes. Leurs effets destructeurs — quoique très
supérieurs — paraissaient donc assez voisins de ceux qu'avaient eus
les grosses bombes de 10 à 11 tonnes que la R.A.F. lançait parfois
sur l'Allemagne. Il y avait donc continuité, ou presque, entre l'arme
classique la plus forte et le projectile nucléaire le moins puissant.
Puisque, aux effets de radioactivité près, les deux types de projectiles
étaient voisins, il était convenable qu'en cas dé nécessité, on passât
insensiblement de l'un à l'autre. Pourquoi, alors, changer une orga
nisation qui avait fait ses preuves avec l'explosif classique, si l'arme
nouvelle en était fort proche ?
Ainsi est née la légende d'un armement atomique de petite
puissance, lié à l'autre — au classique — par ses effets, Cet
armement constituerait en quelque sorte l'artillerie contemporaine
du champ de bataille tandis que les grosses bombes seraient celles
de la destruction de l' arrière-pays. Il y aurait toujours un « champ
de bataille». On y manœuvrerait ainsi qu'on le faisait depuis un ARME ATOMIQUE 37
demi-siècle. Sans doute les pertes seraient-elles plus élevées et fau
drait-il de plus nombreux bataillons ! La formule permettait d'as
similer l'atome sans avoir à rien changer — ou presque — à ce
à quoi on était habitué. Comme on en demeurait à une construction
purement intellectuelle, au maximum aux exercices sur le terrain,
on taxerait l'ennemi du même conformisme afin qu'avec lui aussi,
le « jeu » demeure possible. D'ailleurs, n'était-ce pas son intérêt que
s'en tenir aux principes traditionnels de la guerre ? N'était-il pas
plus à l'aise dans l'habituel ? Bref, il irait jusqu'à perdre plutôt que
d'adapter sa manière de conduire la guerre aux armes nouvelles.
Il y a plus d'une dizaine d'années déjà que pareil comportement
avait suscité les sarcasmes du général de Gaulle lorsque, au cours
de manœuvres, on faisait détoner de petites charges atomiques
factices, avec leur « champignon » bien connu, à bonne distance
des unités « bleues » qui, pouvaient ainsi progresser comme elles
l'avaient toujours fait. Le général Ailleret s'était montré tout aussi
sévère et il l'avait écrit, « les auteurs des thèmes (de manœuvres)
s'arrangeaient, en effet, assez systématiquement pour que l'influence
des armes atomiques ne se fasse sentir que dans une mesure suff
isamment faible pour que l'ordonnance habituelle de la bataille n'en
soit pas sérieusement modifiée » (1).
Rien n'y fit. Le conformisme était — et demeure — le plus fort.
C'est qu'il faut payer le prix d'une longue tradition. Depuis une
quinzaine d'années, depuis qu'il existe des armes nucléaires à courte
portée, les Français se sont illustrés par leur acharnement à pré
server le passé tout en envisageant l'usage des armes d'aujourd'hui.
Certains s'en rendirent compte qui, pour justifier un raisonnement
qu'ils savaient vide de sens, faisaient précéder leur démonstration
d'un certain nombre de conventions comme celle-ci, empruntée à une
revue militaire officielle de l'Armée de Terre : «... (on supposera)
avec optimisme que, pour d'incompréhensibles raisons morales ou
politiques, voire tout simplement par souci de conservation de
l'espèce, les belligérants garderaient en silos leurs missiles sol-sol
balistiques stratégiques (S.S.B.S.), se contentant de quelques armes
nucléaires tactiques pour redonner une jeunesse nouvelle au tradi
tionnel binôme feu-mouvement-». Ainsi tout un système militaire
se trouve fondé sur la plus fallacieuse des conventions : 1' « Ennemi »
(1) Revue de Défense nationale, décembre 1968. PIERRE GALLOIS 38
serait imbécile. Non seulement il prendrait l'initiative de recourir
à la guerre — puisqu'il est entendu une fois pour toutes que nous
sommes sur la défensive — mais il le ferait avec la ferme résolution
de perdre. Un seul souci l'animerait : « redonner une jeunesse nouv
elle au traditionnel binôme feu-mouvement ». Pour le faire, il se
contenterait d'user de quelques armes nucléaires tactiques — bien
qu'il en possède d'immenses stocks — afin que le parti opposé
— le nôtre en l'occurrence — conserve sans dommage son dé
ploiement traditionnel et qu'ainsi bien ancr&

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