Transformations canadiennes - article ; n°4 ; vol.31, pg 362-381
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Description

Politique étrangère - Année 1966 - Volume 31 - Numéro 4 - Pages 362-381
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Philippe Aubert de La Rue
Transformations canadiennes
In: Politique étrangère N°4 - 1966 - 31e année pp. 362-381.
Citer ce document / Cite this document :
Aubert de La Rue Philippe. Transformations canadiennes. In: Politique étrangère N°4 - 1966 - 31e année pp. 362-381.
doi : 10.3406/polit.1966.2210
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1966_num_31_4_2210TRANSFORMATIONS CANADIENNES
Le Canada (1) passe par une phase de transition qui mérite
d'être suivie en France avec attention. La constitution cana
dienne — dans son sens le plus large : l'ensemble des normes
et usages concernant l'agencement des forces politiques, la
répartition et la structure des pouvoirs étatiques — subit ac
tuellement des transformations profondes. Celles-ci touchent de
près — on le devine — la province du Québec qu'une coopéra
tion culturelle en plein essor, basée sur la communauté de
langue, d'origine et de culture, relie à la France. D'autre part,
le Canada dans son ensemble offre à la France d'intéressantes
possibilités dans le domaine des exportations, des investiss
ements, de la collaboration technique : dans le secteur écono
mique aussi, le Canada est un partenaire d'avenir.
L'affirmation résolue de l'individualité et de la vitalité qué-
becquoises, le dynamisme des Canadiens français ont boule
versé les rapports entre anglophones et francophones au
Canada. De plus, agissant comme un catalyseur, la question du
Québec a mûri ou mis en évidence des problèmes intérieurs et
extérieurs qui concernent tout le Canada, mais qui, sans le
séisme québecquois, ne se manifesteraient pas si crûment. Par
exemple les rapports complexes, inégaux et vitaux entre le
Canada et les Etats-Unis ont acquis une dimension supplément
aire depuis qu'il faut compter avec les « indépendantistes »
québecquois. Témoin en est l'enquête plus ou moins discrète que
des services américains ont menée récemment sur le séparatisme
(et ses conséquences) au Québec. Sur le plan intérieur, la posi
tion forte et même préférentielle que le Québec a conquise avec
habileté et ténacité depuis le démarrage de sa rénovation en
1960 a rendu manifeste l'orientation constitutionnelle présente CANADA 363
du Canada. Les centres de gravité administratifs, économiques
et politiques s'y déplacent toujours plus à partir du pouvoir
central (fédéral) vers les provinces. Cette évolution, dont le
Québec a frayé la voie, revêt d'ailleurs une importance qui
dépasse le cadre spécifiquement canadien. Elle reflète en effet
des problèmes généraux de gouvernement et d'organisation terri
toriale qui se posent à tout grand Etat transcontinental (surtout
s'il est plurinational) : URSS, Canada, USA, Chine, etc, et qui
relèvent de la science encore embryonnaire de l'Etat à large
étendue (macro-dimensionnel).
La position future du Québec, les relations intimes et déli
cates avec les Etats-Unis, l'avenir incertain des structures
fédérales — tels sont les problèmes, liés les uns aux autres, que
doit affronter le Canada. Deux particularités de la vie politique
canadienne, relevant l'une de la technique constitutionnelle,
l'autre de la psychologie collective, en rendent l'analyse sou
vent malaisée. Il faut s'y arrêter un instant, par souci de logi
que et pour mieux saisir le « climat » canadien.
Tout d'abord, le processus de transformation qui caractérise
le fédéralisme canadien — accroissement politique et fonction
nel des provinces inversement proportionnel à l'affaiblissement
et l'érosion des organismes centraux — est graduel. Il consiste
non en ruptures spectaculaires, mais en un glissement continu,
souvent imperceptible.
L'évolution a été essentiellement pragmatique. Elle ne s'est
pas cristallisée jusqu'ici dans une modification formelle de la
constitution écrite, qu'on s'est même appliqué de tous côtés à
éviter pour ne pas déchaîner de tempêtes politiques. La venue
au pouvoir, en juin 1966, du nouveau gouvernement québec-
quois, présidé par M. Johnson, qui s'intéresse aussi aux ques
tions de principe, pourrait modifier cette approche, assez
prudente sur le plan théorique, des rapports entre le (gouver
nement) « fédéral » et les provinces. Quoiqu'il en soit, on n'a
pas encore recouru à des amendements constitutionnels, mais
on s'est contenté d'arrangements techniques, d'accords admin
istratifs discrets. La répartition des compétences et des res- 364 AUBERT DE LA RUE
sources fiscales entre le « fédéral » et les provinces, la nécessaire
coopération « fédérale-provinciale », l'adaptation des struc
tures gouvernementales, sont préparées et réalisées dans
d'innombrables pourparlers entre fonctionnaires fédéraux et pro
vinciaux. Ce procédé d'amendement constitutionnel continu et
à froid permet d'aborder et souvent de résoudre maintes diver
gences de vues entre Ottawa et les provinces en petit comité,
dans des réunions d'experts dont la portée échappe générale
ment au grand public ou aux parlementaires qui n'ont pas les
connaissances techniques nécessaires. Bien des conflits fédé
raux-provinciaux sont ainsi dépolitisés : ils ne détériorent pas
davantage le climat politique. Par contre la complication et
la fragmentation caractéristiques de l'organisation administrat
ive canadienne en sont aggravées. Il devient difficile de savoir
qui est compétent et pour quelle affaire. En outre, la consulta
tion et la coopération fédérale-provinciale s'étendent à des sec
teurs si nombreux et si vastes qu'on a peine à assurer sur le
plan fédéral l'unité de doctrine et d'action. Le danger est grand
que « la main droite ne sache pas ce que fait la main gau
che » (2). Cette tendance à la dispersion et même à la disloca
tion administrative ne favorise pas l'efficience des autorités
fédérales. Elle ne facilite pas non plus la tâche de l'observateur
qui ne peut guère faire le point de la situation constitutionnelle
(au sens large) du Canada, tant elle est confuse et mouvante.
Outre l'inconsistance constitutionnelle, une curieuse propen
sion au vague, assez répandue au Canada, vient renforcer les
incertitudes inhérentes à la complexité du pays. Si paradoxal
que cela paraisse chez un Nord-Américain, le Canadien, tant
francophone qu'anglophone, est féru d'introspection. Le Canada
a d'ailleurs d'excellents historiens et politologues — le Québec
en particulier — et des sociologues de renom. Mais le Canadien
hésite à pousser l'analyse de son existence collective jusqu'au
point où il devrait prendre conscience des nécessités fondament
ales de son pays et en accepter ou en rejeter résolument les
conséquences pratiques. Il recule devant l'interrogation dernière,
qui est le prélude de la décision. L'introspection canadienne
prend fin là où pourrait et devrait commencer l'action ; elle CANADA 365
s'effiloche souvent. Les Canadiens redoutent la clarté poli
tique, a constaté un de leurs historiens (3). Ils préfèrent le
clair-obscur de compromis parfois boiteux aux décisions claires
et « déchirantes ». Sans doute l'histoire, riche en accrocs, mais
pauvres en mythes créateurs d'énergie nationale, a-t-elle gâté le
Canada, qui n'a pas connu l'épreuve du feu, qui n'a pas passé
par une crise existentielle comparable à la guerre civile des
Etats-Unis. Les grands soulèvements et les grandes catastrophes
qui forgent l'unité d'une nation lui ont été épargnés. Il n'a d'ail
leurs pas encore le sentiment d'être une véritable nation compos
ée de deux ethnies réellement et volontairement unies. Il paraît
se contenter jusqu'ici d'une conception de l'Etat passive et pres
que végétative où la seule survivance (4) compte plus que
l'action volontaire sur le destin. Les Canadiens (anglophones)
semblent persuadés que, le temps passant, les choses finissent
par s'arranger. Flegme ou nonchalance ? De même qu'ils sont
enclins à considérer leurs ressources (leurs forêts, par exemple)

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