Image du Christ, image de l empereur. L exemple du culte du Saint Sauveur sous Louis le pieux - article ; n°181 ; vol.68, pg 201-212
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Image du Christ, image de l'empereur. L'exemple du culte du Saint Sauveur sous Louis le pieux - article ; n°181 ; vol.68, pg 201-212

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue d'histoire de l'Église de France - Année 1982 - Volume 68 - Numéro 181 - Pages 201-212
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Philippe Le Maître
Image du Christ, image de l'empereur. L'exemple du culte du
Saint Sauveur sous Louis le pieux
In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 68. N°181, 1982. pp. 201-212.
Citer ce document / Cite this document :
Le Maître Philippe. Image du Christ, image de l'empereur. L'exemple du culte du Saint Sauveur sous Louis le pieux. In: Revue
d'histoire de l'Église de France. Tome 68. N°181, 1982. pp. 201-212.
doi : 10.3406/rhef.1982.1698
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1982_num_68_181_1698DU CHRIST, IMAGE DE L'EMPEREUR IMAGE
L'EXEMPLE DU CULTE DU SAINT SAUVEUR
SOUS LOUIS LE PIEUX
Cet exposé n'est pas une étude de christologie, ni une étude d'icono
graphie : il s'agit simplement de montrer pour un point particulier
et limité, celui du culte du Sauveur sous Louis le Pieux, comment des
circonstances politiques ont amené à une mise en valeur d'un aspect
de la personne du Christ et quelle a été la signification de ce culte.
Le point de départ de ce travail provient d'une interrogation devant
trois constatations :
1) L'extension remarquable du culte du saint Sauveur à l'époque
carolingienne, tout particulièrement dans la première moitié du
ixe siècle. Ce phénomène avait déjà été signalé et étudié par M. Carol
Heitz 1 qui en avait donné un certain nombre d'explications ;
2) Mais ces explications, pour intéressantes qu'elles soient, ne per
mettent pas de rendre compte de la deuxième constatation : pourquoi
l'empereur Louis le Pieux, et lui seul parmi les Carolingiens, avait-il
une dévotion toute particulière au Sauveur, dévotion qui s'exprime
de façon très claire dans le protocole de ses actes et dans ses fondations
d'églises. .
3) Or, troisième constatation, il ne s'agit pas simplement d'un trait
de la spiritualité personnelle de l'empereur. La référence au Sauveur
a une tonalité fortement politique durant tout son règne. Il est, par
exemple, caractéristique que ce soient les hommes les plus liés à Louis
\e Pieux qui s'en soient faits les propagandistes, qu'il s'agisse des milieux
réformateurs des années 814-19, ou des fidèles de Louis le Pieux et de
Judith à partir de 830 2.
La question est donc la suivante : pourquoi cette importance du
culte du saint Sauveur sous Louis le Pieux, comment s'inscrit-elle
dans l'évolution religieuse et politique carolingienne et quelle en est
la signification ?
1. Carol Heitz, Recherches sur les rapports entre architecture et liturgie à l'époque
carolingienne, Paris, 1963, p. 145-163.
2. Nous avons étudié en détail le cas très significatif du culte du Sauveur chez
Aldric du Mans : Ph. Le Maître, « L'œuvre d'Aldric du Mans et sa signification »,
dans Francia, 1980, p. 43-64.
R.H.É.P., t. LXVIII, 1982. 202 PH. LE MAITRE
II est tout d'abord nécessaire de rappeler ce que sont les conceptions
christologiques de l'époque carolingienne. Cette époque constitue, en
effet, une étape essentielle dans le développement de la spiritualité
christique. Celle-ci présente deux aspects différents, en apparence
contradictoires, mais qui furent pour les contemporains fortement
complémentaires. D'une part, selon la formule de M. Jacques Madaule 8,
la croyance en « un Christ cosmique et en la christification de l'univers »,
d'autre part une insistance nouvelle et grandissante sur les aspects
humains de la vie et des souffrances du Christ.
Le premier point découle, à notre avis, de l'emploi systématique
d'une exégèse allégorique. Si celle-ci est bien connue, on n'a sans doute
pas assez insisté sur le fait primordial qu'en ce temps le sens allégorique
ou spirituel concerne avant tout le Christ : « Reçois donc, » dit Raban
Maur à Louis le Germanique, « l'histoire des premiers rois et, avant toutes
choses, aime en celle-ci le sens spirituel qui conduit à la grâce du Christ 4. »
On en recherche systématiquement les préfigurations et les symboles,
non seulement dans l'Ancien Testament 6, mais aussi dans tout l'univers.
La démarche allégorique n'est pas seulement à cette époque une techni
que d'exégèse scripturaire mais une attitude mentale applicable à
tout le réel. L'histoire sainte et le monde des choses sont des livres
codés, une forêt de signes dont le Christ constitue la clef de déchiffre
ment. Tout, depuis Adam et les quatre éléments, parle de Lui. Il est
le sens de tout, c'est-à-dire à la fois le but et la signification : « Toutes
choses sont ordonnées dans la Croix du Christ et en elles sanctifiées,
des quatre éléments, des quatre vicissitudes des temps, des quatre
plages du monde et des parties du jour » 6. Et tout parle de
Lui essentiellement en tant que Sauveur et Rédempteur, accroché à
la croix des « quatre horizons qui crucifient le monde » : « Tout est réca
pitulé dans la croix et renouvelé et amélioré par la croix du Christ » 7.
Cette perspective n'est pas nouvelle depuis Origène, mais d'une part,
il est certain qu'il y a un renouveau de l'origénisme au ixe siècle, et,
d'autre part, ce qui est nouveau c'est le systématisme avec lequel cette
méthode est employée. C'est un véritable cadre de pensée pour des
hommes comme Alcuin, Amalaire, Raban Maur ou Walafrid Strabon.
Ce systématisme tient sans doute aux caractéristiques de la société
carolingienne. À partir du vme siècle, la société tout entière est chré
tienne ou censée l'être. Il y a identification apparente entre « Cité de
Dieu » et « Cité des hommes ». Les formes laïques de l'état romain qui
ont subsisté jusqu'au vne siècle, ou les formes les plus clairement
païennes de la société germanique, tout cela disparaît. De plus, cette
3. Citée par C. Heitz, op. cit., p. 149.
4. In libr. Parai, P.L., t. CIX, col. 280 ; daté de 833-334.
5. Cf. en particulier les commentaires de Raban sur le Livre de Josué et sur
La Sagesse.
6. Raban Maur, De laud. S. Crucis, P.L., t. CVII, col. 177.
7. Ibid. .
IMAGE DU CHRIST, IMAGE DE L'EMPEREUR 203
Chrétienté est en expansion continue et paraît pouvoir un jour se
confondre avec le monde connu 8.
De médiateur entre deux mondes plus ou moins irréductibles l'un
à l'autre, ce qui est encore l'image du Christ chez saint Augustin, le
Christ devient le Sauveur de ce monde, d'un monde dont il est le véri
table chef, d'un monde qui est le reflet déformé de la Jérusalem d'en
haut, d'un monde en marche vers l'éternité. Pour parler de façon
caricaturale, il y a en quelque sorte inversion de la problématique
johanique des Fils de Lumière qui ne sont pas de ce monde. Ce sont
à présent, au contraire, les Fils de Ténèbre, païens, hérétiques ou
méchants, qui ne font plus partie de l'ordre de ce monde. Le monde
est passé au Christ. Il y a « christification de l'univers.
Les querelles trinitaires avec l'Orient et surtout la lutte contre l'héré
sie adoptianiste venue d'Espagne ont certainement joué leur rôle dans
cette valorisation du Sauveur. Les souverains et les théologiens caro
lingiens sont d'une extrême sensibilité à l'égard de tout ce qui pourrait
paraître susceptible de diminuer la fonction salvatrice du Christ.
C'est sans doute le sens profond de la querelle du Filioque. Parmi les
hommes qui intervinrent en première ligne contre l'hérésie répandue
en Aquitaine par Félix d'Urgel, nous trouvons Benoît d'Aniane, l'un
des conseillers les plus intimes de Louis d'Aquitaine, futur Louis le
Pieux. C'est pour lutter contre les adoptianistes que Benoît consacre,
en 782, la seconde église d'Aniane au Sauveur et qu'il dispose les trois
autels du chœur de façon à évoquer concrètement les trois personnes
de la Trinité et leur unicité de nature 9.
Le renouveau des études vétéro-testamentaires qui provient de la
tradition anglo-saxonne de Bède, relayée par Alcuin, et qui s'épanouit
à la fin du vme et au début du ixe siècle avec les disciples de celui-ci,
ne diminue pas, bien au contraire, l'importance du rôle du Christ dans
la pensée théologique. Outre la techniqu

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents