L abeille et le taureau (ou la vie et la mort dans la Crète minoéenne) - article ; n°2 ; vol.194, pg 129-146
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L'abeille et le taureau (ou la vie et la mort dans la Crète minoéenne) - article ; n°2 ; vol.194, pg 129-146

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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1978 - Volume 194 - Numéro 2 - Pages 129-146
La force emblématique de certains symboles s'impose dans l'histoire des croyances. Ambivalents comme le sacré, ils ont cependant des connotations propres : l'abeille (malgré les tombes à tholos) s'inscrit du côté lumineux et le taureau (malgré sa force solaire) est nettement funèbre.
Le fameux plongeon crétois, à tort appelé « tauromachie », en est le plus bel exemple, car il ne signifie rien d'autre que la mort. Une série d'images parallèles, du saut de Sappho au « plongeur » de Paestum, nous en convainc. Enfin, les évocations d'un plongeon bouddhique et d'une anamnèse sub-aquatique chez le Guyanais W. Harris, entre autres, confirment la valeur anthropologique de ce thème.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre Somville
L'abeille et le taureau (ou la vie et la mort dans la Crète
minoéenne)
In: Revue de l'histoire des religions, tome 194 n°2, 1978. pp. 129-146.
Résumé
La force emblématique de certains symboles s'impose dans l'histoire des croyances. Ambivalents comme le sacré, ils ont
cependant des connotations propres : l'abeille (malgré les tombes à "tholos") s'inscrit du côté lumineux et le taureau (malgré sa
force solaire) est nettement funèbre.
Le fameux plongeon crétois, à tort appelé « tauromachie », en est le plus bel exemple, car il ne signifie rien d'autre que la mort.
Une série d'images parallèles, du saut de Sappho au « plongeur » de Paestum, nous en convainc. Enfin, les évocations d'un
plongeon bouddhique et d'une anamnèse sub-aquatique chez le Guyanais W. Harris, entre autres, confirment la valeur
anthropologique de ce thème.
Citer ce document / Cite this document :
Somville Pierre. L'abeille et le taureau (ou la vie et la mort dans la Crète minoéenne). In: Revue de l'histoire des religions, tome
194 n°2, 1978. pp. 129-146.
doi : 10.3406/rhr.1978.6759
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1978_num_194_2_6759ET LE TAUREAU L'ABEILLE
(ou la vie et la mort dans la Crète minoenne)
« Quand on dit de Persephone
qu'elle est comme le miel, c'est par
antiphrase... »
(Scolie à Théocrite, XV, 94.)
« Chevreau, je suis tombé dans
le lait. »
(Lamelle ďor de Thourioi.)
La force emblématique de certains symboles s'impose dans
Vhistoire des croyances. Ambivalents comme le sacré, ils ont
cependant des connotations propres : V abeille (malgré les lombes
à tholosj s'inscrit du côté lumineux et le taureau (malgré sa
force solaire) est nettement funèbre.
Le fameux plongeon crélois, à tort appelé « tauromachie »,
en est le plus bel exemple, car il ne signifie rien d'autre que la
mort. Une série ď images parallèles, du saut de Sappho au
« plongeur » de Psesium, nous en convainc. Enfin, les évocations
d'un plongeon bouddhique et d'une anamnèse sub-aquaiique chez
le Guyanais W. Harris, entre autres, confirment la valeur
anthropologique de ce thème.
Comme toute vision du monde archaïque, la religion en
Crète préhellénique devait être assujettie à la conception du
cycle de la naissance et de la mort, dont les extrémités se
rejoignent et où la phthora est une promesse de nouvelle
genesis1. Toutefois, même si ces aspects complémentaires sont
inséparables pour tout symbole religieux de quelque impor
tance, il est possible que l'une de ces deux valeurs de conno
tation occupe une position de dominante par rapport à l'autre.
1. Voir par exemple A. Motte, Prairies et jardins dans la Grèce antique (De
la Religion à la Philosophie), Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1973,
pp. 233 et sqq.
Revue de l'histoire des religions, n° 4/1978 Pierre Somville 130
C'est ce que nous verrons : l'abeille sera plus nettement lumi
neuse et tournée vers la vie que soumise à sa composante
sombre de sème funéraire. De même, la force virile et vitale
du taureau sera très nettement oblitérée par la fonction
mortuaire (précise) dont nous le verrons porteur.
Mais il faut régler d'abord une question de méthode :
conscient, surtout après M. P. Nilsson2, des survivances de
la religion minoenne dans la religion grecque, tout historien
des religions est souvent tenté soit de prêter plus qu'il n'est
convenable aux mystérieuses origines Cretoises, soit d'exercer
une hypercritique abusive et de refuser toute inference qui
ne soit étayée par suffisamment de faits précis — chose raris
sime ! Résolvons-nous donc à parler, à mi-chemin de ces
deux excès.
* * *
L'image de l'abeille se présente d'abord au niveau de la
réalité archéologique minoenne sous la forme de bijoux3. Le
plus célèbre d'entre eux est le pendentif trouvé dans la nécro
pole protopalatiale de Chrysolakkos près de Mallia4. Ce joyau
d'or représente deux abeilles héraldiques affrontées autour
d'un gâteau de miel5.
Un autre élément est architectural : c'est la structure
« en ruche » des célèbres tombes à tholos6.
Il est vrai que ces deux références ont une connotation
funéraire. Pourtant, les forces de la vie semblent plus nett
ement attachées aux évocations de l'abeille : singulière ou
2e édition, 2. The Minoan- 1950. Mycenaean Religion and its Survival in Greek Religion, Lund,
3. On en connaît aussi quelques représentations sur les sceaux du Minoen
ancien : v. notamment F. Matz, La Crète et la Grèce primitive, Paris, Albin
Michel, 1962, trad. J.-P. Simon, p. 58 (coll. « L'art dans le monde »).
4. Conservé au Musée archéologique d'Héraclion, salle VII, vitrine 101.
5. La tradition y voit deux abeilles porteuses d'une goutte de rosée, l'une
des sources du miel selon les Anciens.
6. Les plus anciennes semblent celles retrouvées, à l'Age du Bronze, dans la
plaine Cretoise de la Messara. Les plus célèbres, par contre, sont sans conteste les
splendides exemples mycéniens. L'abeille el le laureau 131
Fig. 1. — Le pendentif de Chysolakkos, d'après Matz (L = 4,7 cm)
plurielle, la fonction principale en fut, en tout cas, de
nourrir les enfances du jeune Zcus crétois. Virgile [Géorg., IV
149 sqq.), Callimaque [Hymne à Jupiter, 10) et Diodore (V, 70)
nous en témoignent. Quant à Lactance [Divin, instil., I, 22,
19-20), il nous apprend qu'un roi de Crète, Melisseus, eut
deux filles : Amalthée et Melissa, les deux nourrices, précisé
ment, du Jupiter crétois7.
Mais voyons-en d'autres apparitions encore : on se souvient
que d'après Pindare8 les prêtresses de Delphes, et notamment
7. Faut-il, dès lors, faire de cette Melissa une déesse Cretoise spécifique? La
prudence s'impose en une voie où s'illustrèrent pourtant brillamment des
savants comme E. Neustadt, dans le chapitre III de son De Jove cretico (Berlin,
1906) intitulé « De Melissa dea », qui nous emmène, après la Crète, à Ephèse, en
Ionie, à Corinthe et à Eleusis avec de convaincants arguments « continentaux ».
Plus récemment, M. Marconi, par son article « Melissa, Dea Cretese », paru dans
Athenaeum, 1940, pp. 164-168, nous emmène sur le même chemin.
8. Pyih., VI, 60. Voir encore pour d'autres témoignages A. Motte, op. cit.,
pp. 102-103. Pour les relations entre le nom des prêtres et la divinité, L. Bodson, 132 Pierre Somville
la Pythie, portaient le nom de Melissa, et qu'à Ephèse, au
temple d'Artémis, des prêtres étaient appelés Essènes et des
prêtresses MelissaP. Sans remonter jusqu'à d'anciennes zoolâ-
tries, relatives à un éventuel culte de l'abeille, notons seul
ement le caractère féminin tant de l'animal10 que des divinités
dans le sillage desquelles nous le voyons apparaître11. Le pro
blème se pose dès lors de voir si l'abeille, associée aussi,
comme nous l'avons vu, aux enfances du Zeus crétois, ne
serait pas un des avatars de cette Grande-Déesse, maîtresse
de la vie et de la mort, tant dans le Proche-Orient ancien et
les civilisations préhelléniques que dans la Grèce archaïque ?
Le rapport entre ce niveau de croyances, remontant à l'époque
néolithique, et une société agraire de type matriarcal a été,
depuis longtemps, mis en évidence12. Pourquoi, dès lors, ne pas
poser l'hypothèse que, dans un tel contexte, l'abeille ait pu
jouer un rôle symbolique de tout premier plan ?
La plupart du temps, nous sommes, hélas ! réduits à des
conjectures. Réduits aussi à des sources d'information tar
dives, comme il arrive également aux historiens des religions
qui cherchent, par exemple, à ramener au jour les mystères
d'Orphée ou de Dionysos13. Ce genre d'informations tardives
et même néoplatoniciennes sont parfois, cependant, de toute
première valeur. Ainsi, sans remonter aussi haut, la fable
d'Aristée que nous rapporte Virgile dans les Géorgiques risque
fort d'avoir conservé quelques traits archaïques très signi-
Recherche sur le personnel religieux portant des noms ďanimaux dans la Grèce
antiq

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