La déviation de la 4e Croisade vers Constantinople. Problème d histoire et de doctrine (troisième article) - article ; n°2 ; vol.146, pg 194-219
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La déviation de la 4e Croisade vers Constantinople. Problème d'histoire et de doctrine (troisième article) - article ; n°2 ; vol.146, pg 194-219

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Revue de l'histoire des religions - Année 1954 - Volume 146 - Numéro 2 - Pages 194-219
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

A. Frolow
La déviation de la 4e Croisade vers Constantinople. Problème
d'histoire et de doctrine (troisième article)
In: Revue de l'histoire des religions, tome 146 n°2, 1954. pp. 194-219.
Citer ce document / Cite this document :
Frolow A. La déviation de la 4e Croisade vers Constantinople. Problème d'histoire et de doctrine (troisième article). In: Revue
de l'histoire des religions, tome 146 n°2, 1954. pp. 194-219.
doi : 10.3406/rhr.1954.7017
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1954_num_146_2_7017déviation de la 4e Croisade La
vers Constantinople
Problème d'histoire et de doctrine
(Suite)1
CAUSES DOCTRINALES
Les croisés, qui étaient seulement des hommes, ne pou
vaient échapper aux influences de la conjoncture politique et
de l'ambition des grands. Leur entreprise demeurait cependant
dirigée au service d'une cause indépendante de ces circons
tances extérieures. S'il en avait été autrement, nous aurions
connu, dès le début du хше siècle, la dislocation d'un des plus
grands mouvements d'idées du Moyen Age. Ce n'est pas le cas,
et même après le désastre- de Nicopolis en 1396, un esprit
chevaleresque, comme le fut lé duc de Bourgogne Philippe le
Bon, pouvait encore caresser le projet du « saint voyage de
Turquie »2. La question se pose donc de savoir dans quelle
mesure et de quelle façon le détournement de l'expédition
franco-vénitienne s'inscrivait dans le programme permanent
de la Croisade.
Or, il se trouve qu'au regard de la théorie, il n'y a pas eu
de détournement à proprement parler. Sans doute, la libéra
tion du Saint-Sépulcre était l'objet des vœux les plus imméd
iats de ceux qui avaient pris la Croix. L'idée semble remonter
1) Cf. RHR, CXLV, p. 168-187; CXLVI, p. 67-89.
2) C. Marinesco, Philippe le Bon, duc de Bourgogne et la Croisade (Actes du
VIe Congrès international d'Études byzantines, I, Paris, 1950, p. 147 sq. ; Bulletin
des Études portugaises, XIII, 1949, p. 3 sq.). Pour les projets de croisades ponti
ficales élaborés au xve siècle, sous Pie II et Innocent VIII, voir A. Atiya, The
Crusade in the Later Middle Age, Londres, 1938, p. 226 sq. LA DÉVIATION DE LA QUATRIÈME CROISADE 195
au pontificat de Serge IV, qui avait élaboré le plan d'une
expédition destinée à restaurer le sanctuaire de la Résurrection
détruit vers 1010 par al Hâkim1. Le tombeau du Christ figurait
également dans les projets de Croisade de Grégoire VII2 et
il est possible qu'Urbain II y ait fait allusion à Clermont3,
tandis que, de son côté, Innocent III ne pouvait pas demeurer
indifférent à la profanation du plus insigne monument de la
Foi4. Pourtant un pareil dessein n'en excluait pas d'autres.
Les vœux des croisés se cristallisaient autour du Saint-
Sépulcre, mais depuis les poésies de la fin du xie siècle, ju
squ'aux épîtres pontificales et aux sermons de propagande en
faveur de la guerre sainte de la fin du xne siècle, la Croisade
était aussi la libération du Temple5, de la terre de la Nativité
où le Christ avait posé ses pieds6, de la terre des prophètes, des
miracles de l'Évangile et du mystère de la Rédemption7, de
toute la « province de Jérusalem »8.
Le projet était plus vaste encore. Les initiatives de Gré
goire VII- et d'Urbain II ont été déterminées, tout d'abord,
par le désastre de Mantzikert, qui rendait difficiles les pèle
rinages à travers l'Anatolie et menaçait l'ensemble de la chré-
1) Cf. pour ce projet Erdmann, Entstehung, p. 102 sq. et A. Giesztor, Ze
studiów nad geneze wypraw krzyzowich, Encyklika Sergiusza IV, 1009-1012
(Recherches sur l'origine des croisades, l'Encyclique de Serge IV), Varsovie, 1948.
2) Erdmann, Entstehung, p. 152. .
3) Viam s. Sepulcri incipile, Robert le Moine, Historia Hierosolimitana, I, 1,
RIIC, Hist, oc, III, p. 728. Cf. D. Munro, The Speech of Pope Urban II at Cle
rmont, 1095, Amer. Hist. Rev., XI, 1905, p. 240, avec la citation de passages paral
lèles de Guibert de Nogent et de Baudri de Dol. Add. Albert d'Aix, Liber chris-
tianae expeditionis, RHC, Hist, oc, IV, p. 274. Villey observe cependant qu'aucun
témoignage précis dans ce sens n'est antérieur à 1130 (La Croisade, p. 95).
4) Reg. Innoc, I, 336 ; Migne, PL, CCXIV, col. 308 (Sepulchrum Domini
profanatum ab impiis).
5) G. Dreves, Analecto hymnica XLV, Leipzig, 1904, II, p. 78, n° 96 [Tem
plům Dei acquirere ; vers 1906) ; Reg. Innoc, V, 26, Migne, PL, CCXIV, col. 977
(coinquinatio templi Domini).
6) Terra nativitatis Domini... in qua pedes Chrisli sleterunl (Reg. Innoc, I, 336
et 355, Migne, PL, CCXIV, col. 310, 311,. 330).
7) Gunther, III, éd. Riant, Exuviae, I, p. 62 ; Reg. Innoc, VIII, 126, Migne,
PL, CCXV, col. 700.
8) Hierosolymitana provincia, par exemple Reg. Innoc, I, 404, Migne, PL,
CCXIV, col. 380. Cf. la lettre d'Urbain II aux Bolonais, qui donne le mot de Jéru
salem comme sens à la Croisade (Comte Riant, Inventaire critique des lettres
historiques des croisades, Arch. Or. lai., I, 1881, p. 121, cité par Rousset, Les
origines, p. 57). REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 196
tienté orientale1. Au Concile de Plaisance, tenu en mars 1095,
sept mois seulement avant celui de Clermont, Urbain II a pu
proclamer l'urgence d'envoyer des secours à Constantinople,
sans envisager un seul instant que l'expédition eût pu avoir
un autre but2. Il n'a pas fallu longtemps, non plus, pour s'aper
cevoir que la Croisade était un « artifice de Dieu » qui ouvrait
l'accès de la Jérusalem céleste à ceux qui étaient tombés en
combattant pour celle d'ici-bas3. L'absolution des péchés et
la palme du martyre, que depuis le milieu du ixe siècle, et plus
particulièrement dans l'enthousiasme de la fin du xie siècle,
l'Église promettait à quiconque serait tué en défendant la Foi,
venaient appuyer un argument pareil4. On a su en tirer parti
dans les jours les plus sombres : l'échec des campagnes de
Conrad III et de Louis VII n'en était pas un, puisqu'il avait
permis de repeupler le royaume des cieux5 et de conquérir
l'autre Jérusalem6. Les prédicateurs de la 4e Croisade faisaient
1) Runciman, A History, I, p. 98 ; Charanis, comme ci-dessus fíHfí, GXLVI,
p. 81, n. 4 (influence byzantine sur les projets d'Urbain II). Au point de vue de doc
trine, la délivrance des Lieux Saints était seulement le but immédiat (Marschziel)
de la Croisade, l'objectif plus général (Kampfziel) étant la libération de l'Église
orientale du joug turc : Erdmann, Entslehung, p. 374 sq. ; Villey, La Croisade,
p. 83 ; Rousset, Les origines, p. 135. Add. aux exemples cités par ces auteurs,
la formule liberatio Orientalium ecclesiarum, dans la lettre d'Urbain II aux fidèles
de Flandre (Riant, Inventaire critique des lettres, p. 220), ainsi que la version du
sermon de Clermont donnée par Hugues de Fleury, où la pensée est exprimée
avec une netteté particulière : il faut marcher vers le Saint-Sépulcre afin que le
nom des chrétiens ne périsse pas en Orient, menacé à- la fois par les Turcs et par
les Pétchénègues (Modernorum regum Francorum actus, MGH, SS, IX, p. 392 sq.,
reproduit dans RHC, Hist, oc, V, p. 363).
2) Erdmann, Entstehung, p. 301 sq. Cf. Bertold de Constance, Chronicon,
s. a., 1094, MGH, SS, V, p. 465.
3) Cf. Villey, La Croisade, p. 147. Le projet de la pré-croisade pour la restaura
tion du Saint-Sépulcre élaboré par le pape Serge IV, comprenait déjà la conquête du
royaume des cieux, comme objectif spirituel connexe : Erdmann, Entstehung, p. 104.
4) Léon IV, Jean VIII et Grégoire VII se sont prononcés dans ce sens ; voir
Hatem, Les poèmes épiques, p. 36 sq. et Runciman, A History, I, p. 90. Suivant
Hugues de Fleury, qui écrivait en 1108, le Concile de Clermont aurait décidé
d'honorer du titre de martyrs les croisés tués par les Infidèles (MGH, SS, IX,
p. 392. Voir cependant Hatem, op. cit., ibid. : une simple absolution. Cf. Robert
le Moine, 1, 2, RHC, Hist, oc, III, p. 730). M. Canard a précisé les rapprochements
que l'on peut faire à ce point de vue avec la théorie du martyre indissolublement
liée au djihâd islamique (La guerre sainte, p. 612 sq.).
5) Geoffroi de Clairvaux, S. Bernardi vita prima, III, 4, Migne, PL,
CLXXXV, col. 309.
6) Ambroise, UEstoire de la guerre sainte, éd. G. Paris, Paris, 1897, pp. 329
et 4

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