Paroles de pèlerins - article ; n°3 ; vol.217, pg 489-502
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 2000 - Volume 217 - Numéro 3 - Pages 489-502
Le livre de pèlerinage peut être considéré comme un genre intermédiaire : ni traité de piété, ni simple parole du fidèle. Les auteurs y donnent à entendre et à voir ce qu'ils considèrent comme des comportements idéaux et pieux. Ces ouvrages sont donc des documents irremplaçables pour apprécier l'évolution de la prière proposée aux fidèles entre le début du XVIe siècle et la fin du XVIIIe, période pendant laquelle la prière par formules s'impose lentement.
Pilgrims' Words
The pilgrimage book can be considered as an intermediate genre since it is neither a piety treaty nor a plain worshipper's testimony. Authors present their own notion of ideal pious behaviour. These works are thus key documents when it comes to assessing the evolution of prayers as they were presented to the flock between the early 17th and late 18th century, during which period formulate prayers slowly became pre-eminent.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 33
Langue Français

Extrait

Philippe Martin
Paroles de pèlerins
In: Revue de l'histoire des religions, tome 217 n°3, 2000. pp. 489-502.
Résumé
Le livre de pèlerinage peut être considéré comme un genre intermédiaire : ni traité de piété, ni simple parole du fidèle. Les
auteurs y donnent à entendre et à voir ce qu'ils considèrent comme des comportements idéaux et pieux. Ces ouvrages sont donc
des documents irremplaçables pour apprécier l'évolution de la prière proposée aux fidèles entre le début du XVIe siècle et la fin
du XVIIIe, période pendant laquelle la prière par formules s'impose lentement.
Abstract
Pilgrims' Words
The pilgrimage book can be considered as an intermediate genre since it is neither a piety treaty nor a plain worshipper's
testimony. Authors present their own notion of ideal pious behaviour. These works are thus key documents when it comes to
assessing the evolution of prayers as they were presented to the flock between the early 17th and late 18th century, during which
period formulate prayers slowly became pre-eminent.
Citer ce document / Cite this document :
Martin Philippe. Paroles de pèlerins. In: Revue de l'histoire des religions, tome 217 n°3, 2000. pp. 489-502.
doi : 10.3406/rhr.2000.1043
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_2000_num_217_3_1043PHILIPPE MARTIN
Université de Nancy 2
Paroles de pèlerins
Le livre de pèlerinage peut être considéré comme un genre
intermédiaire : ni traité de piété, ni simple parole du fidèle. Les
auteurs y donnent à entendre et à voir ce qu'ils considèrent comme des
comportements idéaux et pieux. Ces ouvrages sont donc des
documents irremplaçables pour apprécier l'évolution de la prière
proposée aux fidèles entre le début du XVI f siècle et la fin du xvilf,
période pendant laquelle la prière par formules s'impose lentement.
Pilgrims' Words
The pilgrimage book can be considered as an intermediate genre
since it is neither a piety treaty nor a plain worshipper 's testimony.
Authors present their own notion of ideal pious behaviour. These
works are thus key documents when it comes to assessing the
evolution of prayers as they were presented to the flock between the
early 17th and late 18th century, during which period formulate
prayers slowly became pre-eminent.
Revue de l'histoire des religions, 217 - 3/2000, p. 489 à 502 Lucien Febvre estime que vers 1590-1620 la France
connaît une « révolution psychologique » avec la diffusion
massive de l'oraison mentale favorisée par l'école de spiritual
ité française1. Au début du xvne siècle, cette pratique semble
parfaitement acquise : livres de raison, mémoires ou statuts
de confréries montrent des fidèles qui prient quotidienne
ment2. Mais, malgré les efforts des tenants de la Réforme
catholique, en dehors du cercle d'une élite catholique, la
situation semble bien moins satisfaisante. De passage dans
les Vosges en 1647, deux missionnaires jésuites notent que les
habitants « ont des prières qu'on peut appeler diaboli
ques [...] ces gens se servaient de trois mots grecs que l'on
trouve dans Homère [...] de sentences ridicules par lesquelles
ils prétendaient guérir les maladies des hommes et des bes
tiaux [...] l'usage qu'ils en faisaient était si ancien et si fr
équent qu'ils s'imaginaient qu'ils ne faisaient non seulement
aucun mal, au contraire ils croyaient bien faire »3. Pour
rénover cette prière jugée défaillante, le livre est largement
utilisé, en particulier les manuels de pèlerinages qui touchent
un vaste public.
La prière est une particularité du discours écrit passé à
travers un filtre avant l'impression. Les manuscrits, procès-
verbaux de miracles ou inventaires réalisés par les gestion
naires des sanctuaires, n'évoquent quasiment jamais la prière.
Dans de rares cas, ils se contentent de signaler que les pèle
rins « implorent Dieu », qu'ils le « prient » ou qu'ils
1. Lucien Febvre, «Aspects méconnus d'un renouveau religieux en
France entre 1590 et 1620 », Annales, économies, sociétés, civilisations, 1958,
p. 639-650. Sur le contexte général, voir Yves Krumenacker, L'école fran
çaise de spiritualité, Paris, 1998.
2. Voir les exemples donnés par exemple dans Marc Venard, Histoire
du christianisme, t. 8, Le temps des confessions (1530-1620), Éd. Desclée,
1992, p. 1000-1002.
3. Bibl. mun. Nancy manuscrit 931(40), Histoire de l'Université et du
collège de Pont-à-Mousson. PAROLES DE PÈLERINS 491
« l'invoquent »4. La prière telle qu'elle nous est restituée dans
les livres de pèlerinage n'est donc pas une réalité populaire.
Il s'agit de la vision idéalisée que les auteurs ont de cette
activité. Ils tentent d'adapter ce que disent les maîtres de
l'oraison en donnant à voir et à entendre des Lorrains
idéaux.
S'ABANDONNER À LA PRIÈRE
Au xviie siècle, huit sanctuaires donnent naissance à une
littérature abondante : Notre-Dame du Val de Galilée à Saint-
Dié, Notre-Dame de Bon-Secours à Nancy, Notre-Dame de
Bonne-Nouvelle à Nancy, Saint Livier à Vic-sur-Seille, Notre-
Dame de Sion, Notre-Dame de Benoîte-Vaux,
d'Avioth et Saint-Nicolas-de-Port. Ils nous offrent 671 récits
de miracles dont 342 ont été imprimés. Les auteurs rédigent
rarement des pages théoriques sur la prière, ils préfèrent la
mentionner lors de la description des miracles. Ici, le récit vise
à l'acculturation par l'exemple édifiant5. Seuls 23 % des récits
de miracles recensés entre 1600 et 1670 accordent une place
explicite à la prière, chiffre qui monte à 45 % si on ne
s'intéresse qu'aux seules histoires publiées ; encore y a-t-il de
fortes différences d'un sanctuaire à l'autre. À Sion, 61 % des
récits la signalent, mais pour Vic-sur-Seille cette proportion
tombe à 33 %.
Dans tous les manuels, les récits comportant la mention de
la prière sont privilégiés, car ils sont l'occasion de décrire
l'orant idéal. Ils indiquent rarement le recours à des intermé-
4. Odile Maisse, Le miracle en Lorraine. Les exemples de Saint-Nicolas-
de-Port et de Notre-Dame de Bon-Secours, Mém. maîtrise, Nancy 2, dactyl.,
1985, p. 106-116.
5. Cela a été bien observé ailleurs par Albrecht Burkardt, « Entre pro
pagande et raréfaction : les miracles de Notre-Dame des Ardilliers (1594-
3e 1713)», cahier Saumur de Fontevraud, capitale p. européenne 143. du protestantisme, colloque de 1991, 492 PHILIPPE MARTIN
diaires, ce qui ne correspond pourtant pas à une réalité du
fait pèlerin puisque de nombreux documents attestent leur
existence6. En refusant de mentionner cette pratique, tout à
fait licite, nos auteurs ont un but : faire de la prière un acte
personnel. Il est indispensable qu'elle soit effectuée par le
fidèle lui-même. Un quart des miraculés se sont adressés à
Dieu ou à la Vierge dans leur domicile ou sur le lieu de
l'accident. Seuls 7 % s'arrêtent sur la route qui les mène vers
le pèlerinage pour prier. En fait, un lieu de prière s'impose : le
sanctuaire dans 68 % des cas.
Se développe alors un discours complexe qui s'articule
autour de deux pôles : la parole peu compréhensible de celui
qui crie, maudit son sort et continue à souffrir ; celle pieuse et
respectueuse de l'orant qui obtient l'aide de Dieu. Le cas le
plus flagrant est celui des possédés qui poussent des cris
déchirants, toujours qualifiés d'inhumains7. Quand il s'agit de
maux physiques avérés, le passage d'un état à l'autre se fait
lentement, mais il est la garantie du miracle. Nicolas Julet
présente les quatre temps de la parole en présentant le cas
d'Antoine Lancelot, boulanger d'Offrocourt. Atteint, en 1629,
d'une paralysie douloureuse du côté gauche, il « poussait des
cris si terribles que chacun compatissait à sa misère ». Puis,
un homme pieux lui parle de Notre-Dame de Bon-Secours ce
qui calme ses douleurs. Il retrouve alors l'usage normal de sa
langue et s'écrie : « Oui, oui, je me voue de tout mon cœur à
elle, et promets de l'aller visiter dans sa chapelle. » La pensée
de Dieu a donc rétabli un discours

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