La Somalie et les Nations Unies - article ; n°1 ; vol.38, pg 61-88
29 pages
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Description

Annuaire français de droit international - Année 1992 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 61-88
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

M. le Professeur Jean-Marc
Sorel
La Somalie et les Nations Unies
In: Annuaire français de droit international, volume 38, 1992. pp. 61-88.
Citer ce document / Cite this document :
Sorel Jean-Marc. La Somalie et les Nations Unies. In: Annuaire français de droit international, volume 38, 1992. pp. 61-88.
doi : 10.3406/afdi.1992.3064
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1992_num_38_1_3064ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
XXXVIII - 1992 - Editions du CNRS, Paris
LA SOMALIE ET LES NATIONS UNIES
Jean-Marc SOREL
Le 9 décembre 1992 au milieu de la nuit, mille huit cent soldats amér
icains commencent à débarquer sur la plage de Mogadiscio capitale de la
Somalie. C'est le début de l'opération «Rendre l'espoir» (Restore Hope), pre
mière véritable opération humanitaire décidée par l'ONU à l'intérieur d'un
Etat qui ne l'a pas sollicitée. Hormis un «embarras médiatique» (1), l'opé
ration se déroule dans le calme. Celle-ci représente à la fois un point d'
aboutissement et une étape dans le processus du règlement du conflit somalien
par l'ONU. Point d'aboutissement car la résolution 794 du Conseil de sécurité
du 3 décembre 1992 autorisant cette opération fut la sixième résolution de
cet organe sur la Somalie en 1992 (2) et, étape car l'action entreprise n'est
pas achevée et que nous devrions parvenir d'ici mai 1993 à un transfert
entre l'opération actuelle et une force entièrement contrôlée par l'ONU pour
aboutir à un règlement, que l'on souhaite global, de la crise somalienne
comme le prévoit la résolution 814 du 26 mars 1993. A cet égard, l'incertitude
s'impose car cet Etat représente un cas complexe de superposition de diff
érentes crises qui ont abouti au contexte actuel. C'est pourquoi, avant de nous
intéresser aux questions proprement juridiques, il nous paraît nécessaire de
brosser rapidement le cadre historique et sociologique dans lequel cette in
tervention se déroule.
La Somalie (3), pays de la Corne de l'Afrique, présente de nombreuses
particularités. En effet, il semblerait que la Somalie n'ait aucune «existence
évidente en tant qu'Etat alors que la Nation a au contraire une
existence extrêmement forte en tant que peuple» (4). Voilà posé le dilemme
essentiel sur lequel repose le conflit somalien. Alors qu'il existe une forte
cohérence linguistique et culturelle, l'Etat reste ce «produit d'importation»
dont le cadre unitaire n'a guère épousé la diversité de la structure réelle de
la population.
(*) Jean-Marc Sorel, Professeur à l'Université de Rennes I.
(1) Sans qu'il soit nécessaire de revenir sur ces faits connus, il faut rappeler que de nombreux
journalistes précédèrent l'arrivée des troupes à Mogadiscio et que la gène occasionnée par ce « dé
luge médiatique » fut amplement critiquée. Paradoxalement, dès le 20 décembre, la Somalie dis
paraît quasiment des supports d'information.
(2) Résolutions 733 (1992) du 23 janvier 1992, 746 (1992) du 17 mars 1992, 751 (1992) du
24 avril 1992, 767 (1992) du 27 juillet 1992 et 775 (1992) du 28 août 1992.
(3) D'une superficie de 638 000 km2 pour une population d'environ 7 millions d'habitants, la
Somalie est peuplée de nomades pour les deux tiers et la majorité de la population est de confession
musulmane sunnite.
(4) G. Prunier : « La dimension historique de la crise somalienne », Relations internationales
et stratégiques n°9, printemps 1993, p. 89. Voir aussi du même auteur : « La politique bafouée »,
Le Monde des débats, janvier p. 5. Beaucoup d'informations données ci-après proviennent
de ces sources. LA SOMALIE ET LES NATIONS UNIES 62
Peuple essentiellement nomade composé de petits groupes mobiles non
urbanisés, la structure découle du principe lignagner pyramidal avec au som
met six familles qui représentent des confédérations de clans elles-mêmes
subdivisées en sous clans, regroupements de lignages, familles etc.. (5). Il
n'est pas inutile de rappeler cette structuration complexe pour comprendre
les difficultés pratiques auxquelles furent confrontées les Nations Unies de
puis le début de la crise et encore de nos jours. Cette réalité a survécu au
passage de l'Etat en tant que forme d'organisation et, s'est renforcée lorsque
l'Etat a quasiment disparu en 1990. Comme le note G. Prunier : «A côté de
cette puissante réalité l'Etat n'a pas eu le temps de créer un champ de l
égitimité suffisant pour qu'une loyauté supra clanique puisse se développer
à son égard» (6).
La Somalie est donc avant tout un peuple dont la colonisation puis les
indépendances vont faire éclater l'unité. L'Italie, la France, la Grande Bre
tagne et l'Ethiopie vont s'intéresser à ce territoire, plus d'ailleurs pour sa
valeur stratégique que pour ses richesses intrinsèques qui sont quasiment
inexistantes. En 1946, Ernest Bevin propose la création d'un vaste Etat so-
malien qui n'aura de suite que dans l'imaginaire collectif du peuple de So
malie dans sa volonté de se réunir au-delà des frontières héritées de la
colonisation. En 1960, au moment de l'indépendance, le territoire du Nord
(ex Somaliland britannique) et ceux du Centre et du Sud (ex Somalia ita-
liana) proclament leur union et la nouvelle République de Somalie ne renonce
pas à récupérer les territoires adjacents où vivent des Somaliens, c'est à
dire : Djibouti au Nord, la province éthiopienne de l'Ogaden à l'Ouest et la
province du Nord Est du Kenya. Cette revendication sera symbolisée par le
refus de signer en 1963 la Charte de l'OUA prescrivant la reconnaissance
des frontières antérieures (7).
En 1969, un coup d'Etat militaire amène au pouvoir un ancien sous of
ficier de l'armée coloniale italienne, Syad Barré. Celui-ci tente de construire
un Etat fort en imposant, par exemple, l'alphabet latin au somali (qui est
à l'origine une langue orale non écrite) et en prônant globalement un «so
cialisme scientifique» proche de l'Union soviétique (parti unique, centralisat
ion, planification). La guerre contre l'Ethiopie en juillet 1977 pour tenter
de récupérer l'Ogaden sera un tournant. L'URSS décide de soutenir l'Ethiopie
et la Somalie se tourne alors vers le camp occidental et notamment vers les
Etats Unis qui ne répondent que faiblement aux demandes de soutien. Le
pays, qui cherche à diversifier ses liens, sombre progressivement dans l'
anarchie et le fossé se creuse entre deux confédérations de clans : les Darods
(au centre et au Sud) et les Issaqs au Nord qui vont entrer en rébellion
ouverte à partir de 1981. La déliquescence de l'Etat et des liens claniques
fera le reste. Les malversations se multiplient au plus haut niveau de l'Etat
et à la fin des années 80, l'autosuffisance alimentaire commence à ne plus
être assurée dans ce pays au climat semi désertique où il y a peu de cultures
et où l'élevage souffre de sécheresses successives. Cet Etat cumule alors de
tristes records (une espérance de vie de 47 ans et un taux de scolarisation
de 14%, par exemple).
A la chute de Syad Barré le 21 janvier 1991 succède un chaos croissant.
La notion même d'Etat peut être remise en cause puisqu'il n'y a pas, selon
(5) Les six principales familles de clans sont les Digil, Rahanweyn, Dir, Issaq, Hawiyé et
Darod, ces derniers représentant près de 50% de la population.
(6) Dans Relations internationales et stratégiques, op. cit. n°4, p. 92.
(7) L'étoile à cinq branches du drapeau somalien symbolise cette réalité. LA SOMALIE ET LES NATIONS UNIES 63
la définition traditionnelle, de gouvernement capable d'exercer une autorité
effective sur l'ensemble du territoire et de la population. Deux principaux
protagonistes apparaissent : le général Aïdid (du clan des Hawiyés), person
nage actif dans la chute du précédent régime, qui dirige le CSU (Congrès
de la Somalie Unifiée) et le président «par intérim» Ali Mahdi (du même
clan mais d'un sous clan différent) qui fut ainsi nommé à Djibouti en août
1991 lors d'une conférence sous l'égide de l'Italie et de l'Egypte, et qui dirige
l'ANS (l'All

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