Affaire du Père Saint-Ange, capucin, ou un épisode de la vie de Pascal. - article ; n°1 ; vol.4, pg 111-146
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Affaire du Père Saint-Ange, capucin, ou un épisode de la vie de Pascal. - article ; n°1 ; vol.4, pg 111-146

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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1843 - Volume 4 - Numéro 1 - Pages 111-146
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1843
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Victor Cousin
Affaire du Père Saint-Ange, capucin, ou un épisode de la vie de
Pascal.
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1843, tome 4. pp. 111-146.
Citer ce document / Cite this document :
Cousin Victor. Affaire du Père Saint-Ange, capucin, ou un épisode de la vie de Pascal. In: Bibliothèque de l'école des chartes.
1843, tome 4. pp. 111-146.
doi : 10.3406/bec.1843.451705
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1843_num_4_1_451705AFFAIRE
PÈRE SAINT-ANGE,
CAPUCIN,
ou
UN ÉPISODE DE LA VIE DE PASCAL.
Madame Perrier, dans la vie de son frère, nous apprend com
ment, à l'âge de vingt-quatre ans, Pascal, qui, jusqu'alors, avait
été exclusivement occupé de mathématiques et de physique ,
tourna ses pensées du côté de la religion ; et le Recueil de plu
sieurs pièces pour servir à l'histoire de Port-Royal ( Utrecht t
1740) fait connaître (p. 250) les détails de ce qu'on appelle la
première conversion de Pascal. C'est dans la ferveur de cette
conversion qu'il prit part à une affaire dont le Recueil d'Utrecht
ne dit pas un mot , et que madame Perrier raconte de la manière
suivante : « Dieu lui donna dès ce temps-là une occasion de faire
paroître le zèle qu'il avoit pour la religion. Il estoit alors à Rouen,
où mon père estoit employé pour le service du roi ; et il y avoit
aussi, en ce même temps, un homme qui enseignoit une nouvelle
philosophie qui attiroit tous les curieux. Mon frère , ayant été
pressé d'y aller par deux jeunes hommes de ses amis, y fut avec
eux ; mais ils furent hien surpris, dans l'entretien qu'ils eurent
avec cet homme, qu'en leur débitant les principes de sa philoso
phie il en tiroit des conséquences sur des points de foy, contraires
aux décisions de l'Eglise II prouvoit par ses raisonnements que
le corps de Jésus-Christ n'estoit pas formé du sang de la sainte
Yierge, mais d'une autre matière créée exprès, et plusieurs autres
choses semblables. Ils voulurent le contredire, mais il demeura
ferme dans ce sentiment. De sorte qu'ayant considéré entre eux le .

112
danger qu'il y avoit de laisser la liberté d'instruire la jeunesse à un
homme qui avoit des sentiments erronés, ils résolurent de l'aver
tir premièrement, et puis de le dénoncer s'il résistoit à l'avis
qu'on lui donnoit. La chose arriva ainsi, car il méprisa cet avis ,
de sorte qu'ils crurent qu'il estoit de leur devoir de le dénoncer à
M. du Bellay, qui f ai soit pour lors les fonctions episcopates dans
le diocèse de Rouen, par commission de M. l'archevêque. M. du
Bellay envoya quérir cet homme , et , l'ayant interrogé , il fut
trompé par une confession de foy équivoque qu'il lui écrivit et
signa de sa main , faisant d'ailleurs peu de cas d'un avis de cette
importance, qui lui estoit donné par trois jeunes hommes. Ce
pendant, aussitôt qu'ils virent cette confession de foy , ils con
nurent ce défaut ; ce qui les obligea d'aller trouver à Gaillon
M. l'archevêque de Rouen , qui, ayant examiné toutes ces choses,
les trouva si importantes qu'il écrivit une patente à son conseil ,
et donna un ordre exprès à M. du Bellay de faire rétracter cet
homme sur tous les points dont il estoit accusé, et de ne rece
voir rien de lui que par la communication de ceux qui l'a voient
dénoncé. La chose fut exécutée ainsi , et il comparut dans le cons
eil de M. l'archevêque et renonça à tous ses sentiments. Et on
peut dire que ce fut sincèrement , car il n'a jamais témoigné de
fiel contre ceux qui lui avoient causé cette affaire , ce qui fait
croire qu'il estoit lui-même trompé par les fausses conclusions
qu'il tiroit de ses faux principes. Aussi estoit-il bien certain qu'on
n'avoit eu en cela aucun dessein de lui nuire, ni d'autre veue que de
le détromper par lui-même, et l'empêcher de séduire les jeunes
gens, qui n'eussent pas été capables de discerner le vrai ďavec
le faux dans des questions si subtiles. Ainsi cette affaire se ter
mina doucement. ..»
La Bibliothèque du roi possède deux manuscrits qui peuvent
nous servir à ajouter à ce récit de madame Perrier des détails
authentiques , qui tantôt le confirment , tantôt le rectifient et
toujours le développent. Le grand nom de Pascal jette sur ces dé
tails un intérêt qui nous enhardit à les publier.
Le premier de ces manuscrits est un in-folio, supplément
n°176, qui contient, avec une copie du manuscrit autographe
des Pensées, plusieurs pièces de Pascal ou relatives à Pascal. Le
second est le manuscrit de l'Oratoire n" 160, dont nous avons
donné ailleurs une description ( Des Pensées de Pascal , Paris , ,'
1842, p. 377).из
Ces manuscrits nous apprennent que le philosophe de Rouen
qui, en 1647, alarma l'orthodoxie de Pascal et de ses amis, et
qu'ils accusèrent devant M. l'archevêque, n'était pas un laïque, mais
un religieux de l'ordre des Capucins, dont le vrai nom était Jac
ques Forton , et qu'on appelait le frère Saint-Ange. Il n'enseignait
point une nouvelle philosophie ; seulement il avait certaines opi
nions théologiques qu'il communiqua à Pascal et à quelques-uns
de ses amis dans des entretiens particuliers et sur leur demande
expresse. On ne voit pas non plus que cette nouvelle philosophie
attirât tous les curieux, comme le dit madame Perrier. 11 y eut
en tout deux conférences, et la chose ne paraît pas être jamais
sortie du cercle de quelques personnes. 11 n'y avait donc pas beau
coup à craindre qu'ii séduisît les jeunes gens, et tout ce grand zèle
de Pascal et de ses jeunes amis paraît excessif. Voici d'abord la
relation complète de ce qui se passa dans les deux conférences, re
lation sur laquelle porte toute l'accusation , et qui est signée de
tous ceux qui assistèrent à ces conférences. C'est une sorte de
procès-verbal officiel, qui pourrait bien avoir été dressé par
Pascal lui-même , et qui porte au moins , entre autres signa
tures, celle de l'auteur des Provinciales. La relation est un peu
longue, mais nous n'avons pas cru pouvoir l'abréger.
Récit de deux conférences ou entretiens particuliers tenus les ven
dredi/ premier et mardy cinquième février, 1647.
Le vendredy premier jour de février 1647, le sieur de Saint-Ange,
accompagné d'un gentilhomme de ses amis, vint en la maison de M. de
Montflavier, conseiller du roy en son conseil d'État et privé, maître
des requêtes ordinaire de son hostel, pour veoir le sieur Dumesnil, son
fils, qui avoit souhaité le cognoistre , et qui lors estoit avec le sieur
Auzoult. Ledit sieur Dumesnil estant adverty de la venue dudit
de Saint-Ange en la compagnie d'un gentilhomme, les envoya prier
de monter en la salle en laquelle il les fut recepvoir avec ledit sieur
Auzoult. Après les premières civillités, dans lesquelles lesdits sieurs
Dumesnil et Auzoult tesmoignèrent au sieur de Saint-Ange le désir
qu'ils avoient de le cognoistre à cause du grand estime qu'ils avoient
ouy faire de luy, il se passa quelques discours indifférents. On discourut
après de la certitude des sciences et des principes de nos cognoissances
qui sont les effets lorsqu'ils nous mènent par le raisonnement à la со- 114
gnoissance des causes, à cause de leurs nécessaires dépendances d 'icelles.
A cela, le sieur de Saint-Ange dit qu'il ne falloit pas se persuader qu'il
y eût aucune connexion nécessaire des causes naturelles à leurs effets,
que n'y ayant que la Trinité qui fust nécessaire, tout le reste par sa
nature n'avoit aucun ordre nécessaire; que tout cela despendoit des
décrets de la volonté de Dieu ; donc que pour cognoistre les effets il
falloit cognoistre les descrets , ce qui ne se pouvoit faire qu'après la cog:
noissance de la Trinité et ensuitte des convenances selon lesquelles Dieu
a formé ses décrets; que par conséquent il falloit cognoistre la Trinité
devant que d'avoir les autres sciences , qu'elle estoit son antécédent
et que de cette cognoissance despendoit sa théologie et sa physique.
On luy demanda par quel moyen il cognoissoit la Trinité; il res-
pondit qu'il la démontroit par la raison. Cela surprist la compagnie, et
comme on luy proposoit quelques di

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