Antichrist et blasphémateur - article ; n°37 ; vol.18, pg 57-70
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Description

Médiévales - Année 1999 - Volume 18 - Numéro 37 - Pages 57-70
Bernard d'Angers (I. 12) fait par l'invective un « antichrist ». D'un vassal ardent à la défendre, il fait un « blasphémateur » pour que la vengeance divine soit plus expressive et plus méritée. De chroniques et d'hagiographies partiales et codées certains historiens font un « an mil » trop dramatique. Leurs illusions, encouragées par Michelet et par Duby, doivent céder la place à une histoire plus authentique.
Antichrist and Blasphemer - Bernard d'Angers (I. 12) uses the invective « antichrist » to designate a lord making a claim for property against Sainte-Foy of Conques. He terms « blasphemer » a vassal who staunchly defends the lord, thus making the divine vengence more expressive and deserved. Using sources such as biased and coded chronicles and hagiographies, some historians tend to render the year 1000 too dramatic. Their illusions, encouraged by Michelet and Duby, should henceforth give way to a more authentic history.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Dominique Barthelemy
Antichrist et blasphémateur
In: Médiévales, N°37, 1999. pp. 57-70.
Résumé
Bernard d'Angers (I. 12) fait par l'invective un « antichrist ». D'un vassal ardent à la défendre, il fait un « blasphémateur » pour
que la vengeance divine soit plus expressive et plus méritée. De chroniques et d'hagiographies partiales et codées certains
historiens font un « an mil » trop dramatique. Leurs illusions, encouragées par Michelet et par Duby, doivent céder la place à une
histoire plus authentique.
Abstract
Antichrist and Blasphemer - Bernard d'Angers (I. 12) uses the invective « antichrist » to designate a lord making a claim for
property against Sainte-Foy of Conques. He terms « blasphemer » a vassal who staunchly defends the lord, thus making the
divine vengence more expressive and deserved. Using sources such as biased and coded chronicles and hagiographies, some
historians tend to render the year 1000 too dramatic. Their illusions, encouraged by Michelet and Duby, should henceforth give
way to a more authentic history.
Citer ce document / Cite this document :
Barthelemy Dominique. Antichrist et blasphémateur. In: Médiévales, N°37, 1999. pp. 57-70.
doi : 10.3406/medi.1999.1463
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1999_num_18_37_1463Médiévales 37, automne 1999, pp. 57-70
Dominique BARTHÉLÉMY
ANTICHRIST ET BLASPHÉMATEUR
Sainte Foy de Conques tient les historiens sous son charme. Elle
les harcèle presque autant que les rêveurs et les rêveuses de l'an mil,
en leur demandant de verser un peu de matière grise au trésor de sa
bibliographie1... Et ainsi, la voilà parée de plusieurs théories rutilantes,
celles du culte indigène, du rite de dérision, de la protection contre la
révolution féodale, de la confrontation directe à l'hérésie ! Il faut dire
qu'elle a trouvé en Bernard d'Angers et en son continuateur de talen
tueux hagiographes ; leurs récits circonstanciés pallient un peu l'absence
d'autre source narrative dans le Midi, ils nous consolent de la sécheresse
qui sévit encore dans les cartulaires, jusqu'à la mi-xr siècle, au temps
du roi Robert2.
Bernard d'Angers n'aime pas la routine des guérisons médiocres.
Onze par nuit, sa plume ne pourrait pas suivre ! Il la réserve donc surtout
pour de l'inouï, du ludique, du terrible, du spectaculaire. Ce sont des
histoires d'yeux arrachés et retrouvés, de mulets ressuscites, ou de sai
sissants épisodes de la vie chevaleresque, telles les évasions par l'invo
cation et le conseil de la sainte de Conques, ou les accidents arrivés à
ses ennemis, que punit un Dieu vengeur. Ainsi la proportion entre les
diverses catégories de miracles de sainte Foy est-elle atypique, et son
culte peut paraître exceptionnel de ferveur, ou pionnier, ou encore carac
téristique d'un temps de violence où la société part dans tous les sens.
Attention cependant. Rien n'est absolument sans exemple ailleurs,
sinon peut-être le retour des yeux arrachés et, surtout, la manière dont
le premier hagiographe, Bernard d'Angers, se met en scène lui-même
et d'emblée. Il se présente comme un pur produit des écoles du Nord,
relate ses pèlerinages dans un Midi rustique, bruissant de ce qu'on appell
erait aujourd'hui des histoires marseillaises. Et pourtant, il va nous dire
1. Inventaire récent de ce trésor (sans compter les allusions d'ouvrages généraux),
dans l'édition critique de Luca Robertini, Liber Miraculorum sancte Fidis, Spolète, 1994
(Biblioteca di Medioevo Latino, 10), p. 439-451.
2. Seul le règne du roi Robert est évoqué dans les chartes du temps de Bernard
d'Angers et de son continuateur, dans Gustave Desjardins éd., Cartulaire de l'abbaye
de Conques en Rouergue, Paris, 1879. D. BARTHÉLÉMY 58
d'y croire ! Son premier livre contient des développements un peu éton
nants, dans lesquels il avoue ses réticences sur la vénération des sta
tues-reliquaires, et où il insiste lourdement sur les raisons qu'on aurait
de douter des miracles extravagants de sainte Foy. Quel effet veut-il
produire ? Veut-il que ses lecteurs les plus subtils ne soient pas dupes
de sa propagande à l'adresse des autres ? Autant et plus que la vierge
de Conques, c'est peut-être Bernard qui se singularise. Son texte est un
peu hors normes - même si l'horizon du doute est toujours là, dans les
recueils de miracles. Il nous livre un témoignage rare et précieux, par
sa complexité, sur le culte des saints et sur, disons, la société féodale ;
et on peut et doit le recouper avec des éléments glanés assez loin de
part et d'autre de cet « an mil » dont à Conques, au demeurant, personne
ne parle.
Un vassal foudroyé
J'ai choisi une page d'apparence moins singulière que d'autres. La
vengeance divine frappe un ennemi de sainte Foy, c'est-à-dire des droits
de propriété du monastère de Conques. Cette vengeance appartient
depuis longtemps à l'univers mental ; elle paraissait déjà dans Grégoire
de Tours et, du moins, du IXe au xip siècle la vindicta est, à côté de la
sanitas, un des deux types de miracles les mieux caractérisés, un véri
table genre narratif pour lequel il faut avoir le tour de main, une figure
imposée dans tous les recueils qui se respectent. Bernard ne se dérobe
pas à l'exercice, lorsqu'en son premier voyage à Conques, en 1012, il
rédige sur des feuilles volantes des récits qui vont deux par deux. Ainsi
deux chutes de cheval, grand classique3, et voici maintenant, en binôme,
le ciel tombant sur la tête de vassaux excités pour la défense du droit
de leur seigneur - et ce, dans une Occitanie que des modernes ont dite
antiféodale... Le voisin de notre récit concerne Pallas, en Languedoc :
la foudre arrête l'impétueux Pons au moment où il s'élançait contre
ceux de Conques4, l'abbé et son escorte. Mais ici, la narration est brève,
centrée sur un propos de table à caractère blasphématoire, à défaut d'acte
effectif de guerre ; une grande partie de la place étant occupée par un
tumultueux exorde, qui nous révèle peut-être où et en quel sens l'aube
du XIe siècle a connu une « montée des violences » :
Voici encore un trait miraculeux de la vengeance divine, qui
était arrivé à une autre époque, avant mon voyage à Conques. Il
sera, pour les clercs et pour ceux qui sont employés au service
religieux dans la maison de Dieu, un stimulant de leur zèle dans
le culte divin ; il sera aussi un sujet d'effroi pour les violateurs
3. Robertini, op. cit., p. 94-98 (1.5, 1.6).
4. Ibid. p. 108-112 (1.12), traduit dans Michel Zjmmermann (dir.), Les Sociétés
méridionales vers l'an mil, Paris, 1992. ANTICHRIST ET BLASPHÉMATEUR 59
des biens de la sainte Église de Dieu, ou bien pour ceux qui ont
envahi injustement les possessions des saints, comme s'ils récla
maient un droit. À notre époque en effet, il en est un grand nombre
qui, méritant d'être appelés antichrists, ont l'audace, dans leur
aveugle cupidité, d'usurper les droits de l'Église, de ne témoigner
aucun respect aux ministres sacrés, de les accabler d'injures et de
mauvais traitements, et même de les mettre à mort. Nous avons
vu des chanoines, des moines, des abbés, déposés de leurs dignit
és, dépouillés de leurs biens et massacrés ; nous avons vu des
évêques, les uns proscrits, les autres chassés sans motif de leur
siège, d'autres mis à mort par le fer ou soumis au supplice atroce
du feu pour la défense des droits de l'Église. Et c'étaient des
Chrétiens qui commettaient ces forfaits, si toutefois on peut encore
donner le nom de chrétiens à des hommes qui attaquent la religion
dans sa constitution et se montrent en toutes circonstances les
ennemis de Jésus-Christ et de la vérité. Rassurés par l'impunité
dont ils ont joui jusqu'ici, ils n'ont aucune crainte de la vengeance
divine, ne l'appréhendent pas même pour l'avenir et refusent de
croire au jugement futur, parce que, malgré leurs forfaits, tout
leur réussit constamment, qu'ils voient tous leurs vœux comblés
et qu'ils poursuivent en sécurité le cours de leur existence. On ne
constate dans leur vie aucune atteinte de

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