Archéologie des vignobles antiques du sud de la Gaule - article ; n°1 ; vol.58, pg 45-68

Philippe Boissinot

Description

Gallia - Année 2001 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 45-68
Avec le développement de l'archéologie de sauvetage au-delà des sites d'habitat, il est de plus en plus fréquent de rencontrer des traces de plantations antiques et préromaines. Les morphologies et les distances observées dans le Midi autorisent des interprétations en termes de viticulture et invitent à une relecture des textes agronomiques. Dans les cas les plus favorables (étendue de la fouille, faible recouvrement sédimentaire et bon contraste des sédiments), il est possible de restituer l'organisation de quelques domaines viticoles.
With the development of rescue excavations outside urban sites, we now often find traces of pre-Roman vineyards. The morphologies and distances observed in the South allow interpretations on viticulture and a new reading of the agronomical texts. In the most favourable cases (extensive excavation, thin sedimentary covering and high contrasts of the deposits), we can make a restitution of some wineries organization.
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• Publié le: 01 janvier 2001
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Extrait

Philippe Boissinot
Archéologie des vignobles antiques du sud de la Gaule
In: Gallia. Tome 58, 2001. pp. 45-68.
Résumé
Avec le développement de l'archéologie de sauvetage au-delà des sites d'habitat, il est de plus en plus fréquent de rencontrer
des traces de plantations antiques et préromaines. Les morphologies et les distances observées dans le Midi autorisent des
interprétations en termes de viticulture et invitent à une relecture des textes agronomiques. Dans les cas les plus favorables
(étendue de la fouille, faible recouvrement sédimentaire et bon contraste des sédiments), il est possible de restituer l'organisation
de quelques domaines viticoles.
Abstract
With the development of rescue excavations outside urban sites, we now often find traces of pre-Roman vineyards. The
morphologies and distances observed in the South allow interpretations on viticulture and a new reading of the agronomical texts.
In the most favourable cases (extensive excavation, thin sedimentary covering and high contrasts of the deposits), we can make
a restitution of some wineries organization.
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Boissinot Philippe. Archéologie des vignobles antiques du sud de la Gaule. In: Gallia. Tome 58, 2001. pp. 45-68.
doi : 10.3406/galia.2001.3173
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/galia_0016-4119_2001_num_58_1_3173Archéologie des vignobles antiques
du sud de la gaule
Philippe Boissinot
Mots-clés. Protohistoire, époques grecque et romaine, parcellaires, plantations de vignes, traces de culture, défonçage agricole, échalas.
Key-words. Protohistory, Greek and Roman periods, field system, vineyards, traces of cultivation, land break up, vine-props.
Résumé. Avec le développement de l'archéologie de sauvetage au-delà des sites d'habitat, il est de plus en plus fréquent de rencontrer des
traces de plantations antiques et préromaines. Les morphologies et les distances observées dans le Midi autorisent des interprétations en
termes de viticulture et invitent à une relecture des textes agronomiques. Dans les cas les plus favorables (étendue de la fouille, faible
recouvrement sédimentaire et bon contraste des sédiments), il est possible de restituer l'organisation de quelques domaines viticoles.
Abstract. With the development of rescue excavations outside urban sites, we now often find traces ofpre-Roman vineyards. The
morphologies and distances observed in the South allow interpretations on viticulture and a new reading of the agronomical texts. In the
most favourable cases (extensive excavation, thin sedimentary covering and high contrasts of the deposits), we can make a restitution of
some wineries organization.
La totalité des traces de plantation de vignes découv est difficile de retrouver la généalogie des différentes
ertes à ce jour dans le Midi de la France a été façons culturales qui se sont succédé après les plantations.
appréhendée dans le cadre de l'archéologie préventive. Enfin, le temps nous a toujours manqué pour une étude
Dans aucun des cas, le terroir et la surface à fouiller fine des impacts d'instruments agricoles visibles au fond des
n'ont été déterminés à l'avance pour répondre à des tranchées ou des fosses de plantation, permettant une rest
questions historiques ou économiques ; le seul choix itution des outils employés et de la gestuelle associée.
possible fut celui de la méthode de fouille employée et de Le succès d'un décapage (à savoir, la mise en évidence
l'horizon à décaper, suivant des contraintes de temps et de traces et de dispositifs sur une grande étendue)
d'espace assez strictes. dépend du contraste entre les sédiments remués par les
Dans nombre d'opérations, le contexte général des anciens agriculteurs et ceux restés vierges de toute
fouilles d'urgence n'a guère permis d'exploiter la totalité exploitation, soit un contexte géomorphologique
des faits agraires entrevus dès le décapage : à quelques indépendant et antérieur aux façons culturales que nous
exceptions près, on ignore la disposition d'éventuels devons analyser (Boissinot, 1997 ; Boissinot, Brochier,
échalas associés aux plantations, qui ne peuvent être révélés 1997). Ce contexte doit être préalablement explicité par
qu'à la suite d'une fouille fine. En outre, parce que les l'archéologue, avant que les traces agraires, considérées
décapages archéologiques sont généralement menés très comme des anomalies, soient mises en évidence. Dans
bas, là où les contrastes de sédiment sont les mieux le Midi, la période qui nous intéresse ici, qui s'étend
marqués, on connaît mal la surface d'exploitation ancienne de la fin de l'âge du Fer à l'Antiquité tardive, a livré
des vignobles, dans le cas favorable où elle est encore par des indices souvent inscrits dans de tels contextes
tiellement conservée ; en l'absence de ce point de repère, il favorables, les fosses de plantation au remplissage
Gallia, 58, 2001, p. 1-260 © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2001 :
46 Jean-Pierre Brun, Fanette Laubenheimer et al.
cadre de l'opération TGV-Méditerranée 103 et à plus clair venant profondément inciser les premiers sols
bruns de l'Holocène (Boissinot, à paraître). On ne peut La Quintarié (Clermont-l'Hérault, Hérault) sur le tracé
en dire autant des vestiges postérieurs (médiévaux et de l'autoroute A 75 104, toutes deux concernant des
modernes), généralement noyés dans des formations surfaces dépassant les 20 ha appréhendées dans leur
sédimentaires peu contrastées, qui ont souvent fait les contexte géoarchéologique. À côté de l'approche
frais des exploitations agricoles intensives des deux extensive des terroirs viticoles, plusieurs fouilles plus
derniers siècles 101. réduites ont livré des résultats intéressants : dans la
Une fois mises en évidence sur de grandes surfaces, périphérie de Nîmes préromaine et romaine, les traces
que faire de ces anomalies du sol aux contours si de cultures ont depuis longtemps déjà attiré l'attention
géométriques ? Des considérations sur la disposition, les des archéologues 105. Proches de la ville ou recouverts à
espacements et l'énergie mobilisée pour les creuse un moment donné par l'expansion urbaine, les vestiges
ments 102 permettent d'écarter les productions agricoles de champs y sont particulièrement bien conservés et
annuelles et orientent rapidement vers l'arboriculture. remarquablement datés (exemple du Florian, cf. Monteil
Les preuves paléobotaniques de la plantation de la vigne et al, 1999). Enfin, aux abords de l'agglomération de
dans ces fosses et fossés existent désormais, mais ne sont Lattes, de nouvelles découvertes permettent désormais
pas à ce jour publiées ; nous nous contenterons donc ici de visualiser les vignobles que l'on soupçonnait à partir
des fortes présomptions formulées dès les premières d'autres données (Buxo i Capdevila, 1992 ; Py dir., 1992 ;
découvertes de Saint-Jean-du-Désert, Lunel-Viel et Nîmes Puertas, 1998).
au début des années 1990 (Fiches, 1996). À ce jour, Nous nous livrerons dans ce qui suit à un va-et-vient
incessant avec les textes des Agronomes 106 de l'Antiquité, aucun élément contradictoire n'est venu remettre
en cause les caractères généraux de ces interpréta non pour illustrer sur le terrain les propos des anciens,
tions initiales. Maintenant que quelques exemples mais pour envisager toute la complexité de l'interpréta
tion des traces ou éclaircir certains passages obscurs des démonstratifs sont publiés (Vidal, Petitot, 1992 ; Favory
et al, 1993; Boissinot, 1995a; Monteil et al, 1999), écrits canoniques. Chaque fois que cela sera possible, on
les découvertes de plantation antiques et proto envisagera les observations sous l'angle technologique
historiques se multiplient, parfois en association avec des chaînes opératoires (Amouretti, 1988).
des structures liées à la vinification. Aux premiers Les exemples choisis pour illustrer notre propos se
décapages exigus, souvent limités à quelques tranchées placent essentiellement dans le Midi de la France
permettant d'observer la morphologie des creusements (Narbonnaise), où la recherche sur les parcellaires et les
et leurs espacements, succède maintenant une approche paysages ruraux est depuis longtemps bien développée,
spatiale des domaines antiques, int&