Augustin d Hippone et l esclavage. Problèmes posés par les positions d un évêque de la Grande Eglise face à une réalité sociale dans l Afrique de l Antiquité tardive - article ; n°1 ; vol.11, pg 674-685
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Augustin d'Hippone et l'esclavage. Problèmes posés par les positions d'un évêque de la Grande Eglise face à une réalité sociale dans l'Afrique de l'Antiquité tardive - article ; n°1 ; vol.11, pg 674-685

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Dialogues d'histoire ancienne - Année 1985 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 674-685
Augustin d'Hippone témoigne lui-même de la situation de l'esclavage dans les provinces romaines de l'Afrique de son temps. Fruit de la guerre et donc du péché, il note que l'esclavage s'est toutefois intégré dans l'ordo naturalis de la société. Se heurtant à cet état de fait, l'évêque d'Hippone va opérer une transposition sémantique du terme historique de servus, esclave-marchandise, pour aboutir à des formules de sens métaphysique ou allégorique : servus peccati, le pécheur; servus Dei, le serviteur de Dieu. Le problème concret est ainsi sublimé et dilué en une dimension morale et religieuse.
ST AUGUSTINE OF HIPPO'S ATTITUDE TO SLAVERY. Problems caused by the stance of a bishop of the Great Church faced with social reality in Late Antiquity Africa.
St Augustine of Hippo bears witness in person to the state of slavery in the Roman provinces of the Africa of his time. Nevertheless, he notes that slavery, the fruit of war and consequently that of sin, had been integrated into the ordo naturalis of society. Since he disagreed with that attitude, the bishop of Hippo managed to bring about a semantic conversion of the historical term servus, a chattel-slave, so as to obtain new metaphorical or allegorical formulations such as servus peccati, sinner; servus Dei, servant of God. The basic problem which had arisen was thus replaced and diluted in a moral and religious context.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Monsieur François Decret
Augustin d'Hippone et l'esclavage. Problèmes posés par les
positions d'un évêque de la Grande Eglise face à une réalité
sociale dans l'Afrique de l'Antiquité tardive
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 11, 1985. pp. 674-685.
Résumé
Augustin d'Hippone témoigne lui-même de la situation de l'esclavage dans les provinces romaines de l'Afrique de son temps.
Fruit de la guerre et donc du péché, il note que l'esclavage s'est toutefois intégré dans l'"ordo naturalis" de la société. Se heurtant
à cet état de fait, l'évêque d'Hippone va opérer une transposition sémantique du terme historique de "servus", esclave-
marchandise, pour aboutir à des formules de sens métaphysique ou allégorique : "servus peccati", le pécheur; "servus Dei", le
serviteur de Dieu. Le problème concret est ainsi sublimé et dilué en une dimension morale et religieuse.
Abstract
ST AUGUSTINE OF HIPPO'S ATTITUDE TO SLAVERY. Problems caused by the stance of a bishop of the Great Church faced
with social reality in Late Antiquity Africa.
St Augustine of Hippo bears witness in person to the state of slavery in the Roman provinces of the Africa of his time.
Nevertheless, he notes that slavery, the fruit of war and consequently that of sin, had been integrated into the "ordo naturalis" of
society. Since he disagreed with that attitude, the bishop of Hippo managed to bring about a semantic conversion of the historical
term "servus", a chattel-slave, so as to obtain new metaphorical or allegorical formulations such as "servus peccati", sinner;
"servus Dei", servant of God. The basic problem which had arisen was thus replaced and diluted in a moral and religious context.
Citer ce document / Cite this document :
Decret François. Augustin d'Hippone et l'esclavage. Problèmes posés par les positions d'un évêque de la Grande Eglise face à
une réalité sociale dans l'Afrique de l'Antiquité tardive. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 11, 1985. pp. 674-685.
doi : 10.3406/dha.1985.1681
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1985_num_11_1_1681F. DECRET 674
François DECRET
AUGUSTIN D'HIPPONE ET L'ESCLAVAGE.
Problèmes posés par les positions d'un évêque de la Grande Église
face à une réalité sociale dans l'Afrique de l'Antiquité tardive.
Augustin d'Hippone témoigne lui-même de la situation de l'esclavage dans
les provinces romaines de l'Afrique de son temps. Fruit de la guerre et donc
du péché, il note que l'esclavage s'est toutefois intégré dans Yordo naturaîis
de la société. Se heurtant à cet état de fait, l'évêque d'Hippone va opérer
une transposition sémantique du terme historique de servus, esclave-mar
chandise, pour aboutir à des formules de sens métaphysique ou allégorique :
servus peccati, le pécheur; servus Dei, le serviteur de Dieu. Le problème
concret est ainsi sublimé et dilué en une dimension morale et religieuse.
François DECRET
ST AUGUSTINE OF HIPPO'S ATTITUDE TO SLAVERY.
Problems caused by the stance of a bishop of the Great Church
faced with social reality in Late Antiquity Africa.
St Augustine of Hippo bears witness in person to the state of slavery in the
Roman provinces of the Africa of his time. Nevertheless, he notes that
slavery, the fruit of war and consequently that of sin, had been integrated
into the ordo naturalis of society. Since he disagreed with that attitude,
the bishop of Hippo managed to bring about a semantic conversion of the
historical term servus, a chattel-slave, so as to obtain new metaphorical or
allegorical formulations such as servus peccati, sinner; servus Dei, servant
of God. The basic problem which had arisen was thus replaced and diluted
in a moral and religious context.
MOTS-CLEFS : esclavage, ordo naturalis, servus, servus peccati, servus Dei DHA 11 1985 675-685
AUGUSTIN D'HIPPONE ET L'ESCLAVAGE
Problèmes posés par les positions d'un évêque de la Grande Eglise
face à une réalité sociale dans l'Afrique de l'Antiquité tardive
François DECRET
Université des Antilles-Guyane
I - L'ESCLAVAGE DANS LES PROVINCES ROMAINES DE L'AFRIQUE
ANTIQUE
Les historiens du monde romain sont unanimes pour souligner que le
nombre des esclaves et le rôle qu'ils tenaient dans l'économie en Italie et dans
les provinces sont allés décroissant dès la fin des guerres de conquête, principales
pourvoyeuses de main-d'œuvre servile, qui avaient marqué les deux derniers
siècles de la République — et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les grandes ré
voltes d'esclaves ont éclaté entre les années 135 et 70.
Cette situation et l'évolution qui s'en est suivie ne se manifestent pas
toutefois également dans toutes les parties de l'Empire. Concernant la question
fort controversée de l'esclavage en Afrique romaine, les thèses sont loin d'être
concordantes. St. Gsell, le meilleur maître dans ce domaine de l'Afrique antique,
écrivait que «rien n'autorise à croire que les esclaves aient été rares et chers dans
l'Afrique romaine», les véritables problèmes étant, selon lui, de savoir «quelle
était la proportion numérique de ces esclaves par rapport aux travailleurs libres ;
quelle était, parmi eux, la proportion des esclaves travaillant en commun et ceux
qui avaient reçu des tenures, héréditaires en fait ; dans quelle mesure les esclaves
ruraux étaient affranchis et entraient dans la classe des colons» (1).
D'autres travaux tendent à établir que, si les familiae rusticae étaient r
elativement importantes en Afrique dans les deux premiers siècles de l'Empire,
elles furent ensuite progressivement remplacées par des ouvriers agricoles de
condition libre — la petite exploitation, qui s'était alors développée, se prêtant
mal à l'utilisation d'escouades d'esclaves ruraux (2). En effet, malgré la rareté
des sources littéraires ou épigraphiques sur ce sujet, il semble bien que, dans les 676 F. DECRET
campagnes de la Berbérie sous administration romaine, «les esclaves ne consti
tuèrent jamais, loin de là, la grande masse des travailleurs de la terre» (3). Les
essais statistiques qui ont été tentés donnent des résultats s'inscrivant à l'inté
rieur d'une fourchette étroite : 8 % d'habitants de condition servile pour la po
pulation de Volubilis (4) et 2 1 ,4 % pour l'antique cité de Siagu, dans la presqu'île
du Cap Bon (5).
D convient évidemment de tenir compte de la disparité de cette popula
tion servile entre les centres urbains - où elle constituait les familiae urba-
nae (6) — et les zones rurales. Certes, c'est en Proconsulaire et en Numidie
où, depuis Néron (7), avaient été découpés les grands latifundia impériaux et
où se développèrent ceux de l'aristocratie sénatoriale et de la bourgeoisie cita
dine, que les regroupements d'esclaves furent les plus importants. On ne doit
pas perdre de vue qu'en Afrique — comme en Sicile et dans bien d'autres pro
vinces -, des équipes d'esclaves étaient employées, sur des terrains peu pro
pices aux emblavures, comme bergers chargés de soigner et de surveiller le
cheptel de leur maître (8). La main-d'œuvre servile était aussi recherchée pour
les propriétés situées dans les steppes méridionales des provinces, là où les
terroirs, ne bénéficiant pas d'une pluviosité suffisante, n'avaient pu être répartis
en petites tenures et se trouvaient, dès l'époque de Carthage, réservés à de
vastes olivettes (9).
Ces brèves observations sont simplement destinées à souligner que, si
l'esclavage dans les provinces africaines du Bas-Empire représente sans doute un
élément social de moindre importance que dans d'autres régions du monde
romain, il joua néanmoins un rôle historique réel, qui apparaît en particulier
dans les crises qui agitèrent ces provinces du Ille au Ve siècle (ainsi dans la
«révolution» de 238 et dans le mouvement des Circoncellions, aux IVe et
Ve siècles). On ne saurait parler ici d'esclavage résiduel. Bien des régisseurs
de domaines — villici —, disposant librement de leur pécule, ou des gérants
— actores — , chargés des questions administratives et financières

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