Enonciation, perception et traduction - article ; n°73 ; vol.19, pg 74-97
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Description

Langages - Année 1984 - Volume 19 - Numéro 73 - Pages 74-97
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 774
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacqueline Guillemin-Flescher
Enonciation, perception et traduction
In: Langages, 19e année, n°73, 1984. pp. 74-97.
Citer ce document / Cite this document :
Guillemin-Flescher Jacqueline. Enonciation, perception et traduction. In: Langages, 19e année, n°73, 1984. pp. 74-97.
doi : 10.3406/lgge.1984.1166
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1984_num_19_73_1166Jacqueline GUILLEMIN-FLESCHER
Paris VII
ÉNONCIATION, PERCEPTION ET TRADUCTION*
I.
Toute relation exprimant la perception suppose
— un terme repère, qui coïncide avec l'origine de la perception ;
— un repéré, qui correspond au contexte ou à l'élément perçu ;
— un relateur qui établit une localisation entre ces deux termes.
Ainsi dans l'énoncé :
[1] Rieux vit sa femme debout en tailleur...
(A. Camus), La Peste, p. 16, Folio 1972)
le terme sa femme en tailleur est repéré par rapport au terme origine de la
perception Rieux, grâce au procès vit.
L'origine de la perception coïncide avec le terme de départ de la relation
predicative. Mais il n'en est pas toujours ainsi. L'origine peut ne pas être
explicitée. Elle sera alors liée au plan de renonciation dans une relation de
type perception représentée l ; ex :
[2] In they came to the drawing-room, in white frocks and blue sashes.
(V. Woolf, Jacob's Room, p. 32, Penguin 1965)
Lorsque d'autres indices le permettent, elle sera interprétable par rapport à
un terme origine contextualisé.
On constatera que le terme repéré dans la relation de perception est ici
terme repère dans la relation discursive. A cette différence près qu'il ne s'agit
ni de paroles, ni de pensées, nous avons ici une variante de la catégorie d'énon
cés couramment appelée « discours indirect libre ».
Si l'expression de la perception pose des problèmes à tous les niveaux
dans le passage de l'anglais vers le français, c'est lorsque la perception repré
sentée est mise en jeu qu'apparaissent les différences les plus frappantes 2.
• La première différence concerne le statut du terme qui coïncide avec l'or
igine de la perception. Une comparaison de l'exemple 1 avec nos exemples 2 et
* Je remercie Claude Chameyre, de l'Université Paris VII, d'avoir bien voulu relire
ce texte et me faire part de ses critiques et suggestions. Je remercie également Alain
Labau, de l'E.N.S. de Saint-Cloud, qui m'a autorisée à citer sa traduction de Cider
with Rosie.
1. Nous empruntons ce terme à A. Banfield (1982) qui consacre plusieurs pages
(pp. 200 à 209) au problème de la perception représentée. Ce problème a retenu
l'attention de nombreux critiques littéraires mais a été envisagé pour la première fois
d'un point de vue linguistique par S. Y. Kuroda (Cf. Kuroda, 1973, pp. 377-391).
2. Ces différences sont soulignées uniquement dans le but de mettre en lumière
des phénomènes linguistiques. Il n'est question ici ni de critiquer ni de justifier les tra
ductions.
74 montre clairement la différence entre perception explicitée et perception 3
représentée :
— dans [1], il y a prédication d'une propriété vit sa femme en tailleur sur
le terme Rieux sujet de l'énoncé ;
— dans [2], le terme origine de la perception n'est pas explicité ;
— dans [3] : « The knocking sounded again, at once discreet and
peremptory, while the doctor was descending the stairs... (W. Faulkner,
The Wild Palms, p. 5, Penguin 1961), la suite de l'énoncé indiquera que the
doctor peut être interprété comme terme origine de la perception.
Seuls les énoncés 2 et 3 sont compatibles avec la perception représentée d'une
part en raison de la valeur des formes verbales 3, d'autre part parce que,
dans l'un, le terme origine de la perception n'est pas marqué, et que dans
l'autre, le terme contextuel qui coïncide avec cette origine n'occupe pas la posi
tion initiale.
Or, on constate que, dans le passage de 1 anglais vers le français, la posi
tion de ce terme dans l'énoncé et le statut énonciatif qui en découle sont sans
cesse transformés. Ainsi la traduction proposée par M. Coindreau pour
l'exemple 3 est la suivante :
[3] Comme le docteur descendait, le coup retentit de nouveau, à la
fois discret et impérieux (M. Coindreau, p. 7, Gallimard 1952).
Dans l'énoncé anglais, le terme doctor apparaît dans la deuxième proposi
tion de l'énoncé, en français dans la première. Ъа différence qui en découle
concerne à la fois la relation entre terme repéré et terme coïncidant avec
l'origine de la perception, et le degré de détermination du terme origine. La
position tardive de ce terme neutralise la propriété conscience/cognition. La initiale privilégie au contraire cette propriété. Le procès renvoyant à
la perception sera, de ce fait, dans le premier cas, siège de la perception,
compatible avec la perception représentée ; dans le deuxième cas, origine cons
ciente de la perception explicitement déterminée.
La différence de positionnement quant au terme coïncidant avec l'origine
de la perception apparaît de façon quasi- systématique dans Cider with Rosie
de Laurie Lee et la traduction citée :
[4] Through the long summer ages of those first feiv days I enlarged my
world and mapped it in my mind...
(L. Lee, Cider with Rosie, p. 14, Penguin 1962)
[4'] Je mis à profit l'éternité estivale de ces premiers jours pour étendre
les limites de mon univers, en dresser une carte mentale...
(A. Labau, p. 10, non publié)
[5] Waking one morning in the white-washed bedroom, J opened my
eyes and found them blind.
(Lee, op. cit., p. 16)
[5'] Je me réveillai un matin dans la chambre aux murs blanchis à la
chaux, mais lorsque j'ouvris les yeux, je crus être aveugle.
(Labau, op. cit., p. 14)
3. Voir plus haut et notes 6 et 8. The June grass, amongst which I stood, was taller than I was, and I [6]
wept.
(Lee, op. cit., p. 9)
[6'] Bien que debout, je n'arrivais pas à la hauteur de l'herbe de ce mois
de Juin, et je me mis à pleurer.
(Labau, op. cit., p. 2)
En anglais, on constatera que le complément ou la proposition qui pré
cède le sujet correspondant à l'origine de la perception ne renvoie pas syst
ématiquement au terme « perçu » 4. Si la mise en valeur du ou des termes
repérés est une condition nécessaire à la perception représentée, ceux-ci peu
vent figurer dans des énoncés indépendants, lorsque la perception est mar
quée dans l'avant du texte (voir III). Dans les traductions françaises des
exemples 4, 5 et 6, le sujet Je figure en tête de la relation predicative et cons
titue simplement le terme de départ d'une assertion.
Bien que Cider with Rosie soit écrit à la première personne, il est intéres
sant de remarquer que les énoncés où le sujet / apparaît en position initiale
sont peu fréquents. Lorsqu'il apparaît comme terme de départ d'une rela
tion, il sera dans la majorité des cas suivi soit d'un verbe d'état, soit d'un
schéma de passivation, soit encore d'un auxiliaire modal. En d'autres mots,
il apparaît rarement comme terme origine d'un procès conscient ou volont
aire.
• Examinons à présent les cas où le terme repéré de la perception figure en
tête d'énoncé. Dans To the Lighthouse, ce terme correspondra souvent à la
localisation d'un élément désignant un animé humain :
[7] ...when, suddenly, in she came...
(V. Woolf, To the Lighthouse, p. 17, Penguin 1964)
[8] There he stood in the parlour...
(Ibid.)
[9] And, with her basket and her parasol, there she was again...
{Ibid., p. 12)
Ces trois énoncés suivent le même schéma en surface : adverbe de localisa
tion + sujet + verbe de posture, d'état ou de mouvement. La thématisation
du terme de localisation antéposé implique une appréciation dont le support
modal coïncide avec l'origine de la perception. Ce schéma syntaxique n'a pas
d'équivalent en français. Le sujet de l'énoncé ne peut pas en effet être pré
cédé, en français, d'un adverbe de localisation 5. Le statut modal de l'énoncé
en est forcément modifié. La modalité appréciative disparaît et nous sommes
en présence d'une asse

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