Groma et Chorobate - article ; n°2 ; vol.94, pg 1003-1029

Adam Jean-Pierre

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1982 - Volume 94 - Numéro 2 - Pages 1003-1029
Jean-Pierre Adam, ~~Groma et chorobate. Exercices de topographie antique~~, p. 1003-1029. Une architecture, un urbanisme, une partition des terres aussi élaborées que l'étaient celles des Romains, n'ont pu exister qu'en fonction d'une connaissance développée de la topographie et des instruments permettant son application. Une étude pratique, effectuée sur le terrain avec les plus usuels de ces instruments, la ~~groma~~ et le ~~chorobate~~, était nécessaire pour se convaincre de la réelle efficacité des méthodes de l'~~agrimensor~~. Les textes antiques, celui de Vitruve et ceux réunis dans les ~~Gromatici veteres~~, mais tout autant les découvertes archéologiques, ont permis de reconstituer le matériel antique et de renouveler les principales opérations d'implantation et de levés, dont l'efficacité apparaît, avec quelque expérience, comme fort proche de celle obtenue avec les instruments modernes.
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: MELANGES_DE_L-ECOLE_FRANCAISE_DE_ROME
• Publié le: 01 janvier 1982
• Nombre de lectures: 582
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Jean-Pierre Adam
Groma et Chorobate
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 94, N°2. 1982. pp. 1003-1029.
Résumé
Jean-Pierre Adam, Groma et chorobate. Exercices de topographie antique, p. 1003-1029.
Une architecture, un urbanisme, une partition des terres aussi élaborées que l'étaient celles des Romains, n'ont pu exister qu'en
fonction d'une connaissance développée de la topographie et des instruments permettant son application. Une étude pratique,
effectuée sur le terrain avec les plus usuels de ces instruments, la groma et le chorobate, était nécessaire pour se convaincre de
la réelle efficacité des méthodes de l'agrimensor. Les textes antiques, celui de Vitruve et ceux réunis dans les Gromatici veteres,
mais tout autant les découvertes archéologiques, ont permis de reconstituer le matériel antique et de renouveler les principales
opérations d'implantation et de levés, dont l'efficacité apparaît, avec quelque expérience, comme fort proche de celle obtenue
avec les instruments modernes.
Citer ce document / Cite this document :
Adam Jean-Pierre. Groma et Chorobate. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 94, N°2. 1982. pp. 1003-1029.
doi : 10.3406/mefr.1982.1351
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1982_num_94_2_1351JEAN-PIERRE ADAM
GROMA ET CHOROBATE
EXERCICES DE TOPOGRAPHIE ANTIQUE
L'architecture, les travaux publics, les cadastres ruraux et urbains,
dès qu'ils apparaissent comme le résultat de techniques systématiques1,
ont tous comme préalable une opération topographique. Intermédiaire
indispensable entre le plan de l'architecte et la réalisation pratique, la
topographie conserve la même place dans l'opération inverse, consistant
à rétablir d'après ce qui existe, les plans d'un monument, ou d'un espace
naturel. Les trois opérations définissant cette discipline et conditionnant
les méthodes et les instruments, sont : l'établissement des directions, la
mesure des distances et l'estimation des hauteurs.
Si le géomètre égyptien nous est connu tout à la fois par les textes
administratifs et funéraires et par les représentations2, son confrère grec
ne nous est familier qu'à travers la littérature, à l'inverse du Romain pour
lequel, de nouveau, les sources abondent3.
Du géomètre grec, si nous n'avons aucune connaissance visuelle
directe, par l'image ou l'objet, nous sommes instruits de son haut niveau
technique, comme nous le sommes de la précision possible de ses instru
ments, par certaines trouvailles relevant d'activités parallèles, telle la
1 On pourrait définir cet aspect systématique, par opposition à celui des réali
sations spontanées et aléatoires, comme un usage des alignements et des angles
droits.
2 Le fonctionnaire du cadastre, Khei et son instrument, la corde à nœuds,
nouh (mot désignant aussi la mesure de 100 coudées) sont mentionnés dès l'Ancien
Empire, tandis que des représentations très explicites d'opérations d'arpentage,
(tombe de Menno) nous apportent de précieux renseignements sur l'exercice de la
profession de géomètre.
3 On peut rappeler qu'il en va de même pour les techniques de constructions ;
disciplines richement illustrées en Egypte et à Rome, tant pour le travail du tail
leur de pierre ou du sculpteur que pour les scènes de chantier ou les représentat
ions d'outils. Sur ces rubriques l'art grec demeure étrangement pudique.
MEFRA - 94 - 1982 - 2, p. 1003-1029. 1004 JEAN-PIERRE ADAM
machine d'Anticythère4 et ses remarquables assemblages mécaniques.
L'essentiel des opérations de topographie nous est décrit par Héron
d'Alexandrie5, surtout sous la forme de problèmes d'arpentage comp
lexes, tels que le percement d'un tunnel par ses deux extrémités ou le
calcul de la distance de deux points inaccessibles; les opérations élément
aires, comme l'alignement, étant considérées par lui comme non problé
matiques ou non perfectibles.
Pour réaliser les mesures mentionnées dans son traité, Héron évoque
l'utilisation d'appareils de goniometrie dont il donne la description com
me la dioptra 6, que, faute de posséder ou de connaître par représentation,
l'on ne peut que proposer sous forme de restitution graphique (fig. 1)
dans la version d'utilisation la plus courante, Héron propose pour cet
appareil des perfectionnements autorisant son utilisation en astronomie,
par l'adjonction d'un mécanisme à engrenage et d'un second disque verti
cal, le transformant en véritable théodolite démuni d'optique. On ignore
si les Grecs avaient imaginé d'appliquer le principe de la dioptra7, c'est-
à-dire une règle munie à chaque extrémité d'un repère de visée ou pinnul
e, au tracé direct sur un parchemin; Héron n'en fait aucune mention,
mais son objectif étant la recherche mathématique, appliquée à la topo
graphie et l'astronomie, ses notes ne font état que de visées angulaires.
Pour les opérations les plus simples, le matériel de l'arpenteur ne se
différenciait guère de celui demeuré en usage jusqu'au début de notre siè
cle en milieu rural; la règle graduée, ou Κανών, dont le nom est devenu
synonyme de mesure avec une valeur académique et dont on retrouve
l'usage, comme instrument de mesure et comme valeur, dans la canne et
la perche. Le cordeau ou στάθμη utilisé en alignement ou en mesure et
générateur de la chaîne d'arpenteur, l'équerre, γνώμων, citée par Aristo-
4 Derek de Solla Price, Gears from the Greeks, the Antikythera Mechanism, a
Calendar Computer from ca. 80 B.C., dans Science History Publications, 1975.
Découverte en 1902, dans une épave grecque du premier quart du Ier siècle av.
J.-C, cette machine de bronze, en provenance probable de Rhodes, présente un
assemblage d'engrenages de précision, susceptible d'avoir constitué une représen
tation animée des mouvements du soleil, de la lune et des étoiles ou groupes d'étoi
les du zodiaque. Actuellement visible au Musée national à Athènes.
5 Héron d'Alexandrie, De la dioptre et plus particulièrement chap. 6, 30 ; les
formules géométriques se trouvent dans son autre traité : Metrica. L'exégèse des
travaux de Héron se trouve dans : Heronis Alexandrini, Opera, éd. Teubner.
6 Héron, Opera, t. III, éd. Teubner, p. 193, fig. 836.
7 C'est le mot arabe alidade, traduction de δίοπτρα qui désigne l'instrument
moderne fonctionnant suivant le même principe. GROMA ET CHOROBATE 1005
phane comme instrument de rigueur usé avec excès par Meton8 et le cor
deau à deux piquets, le τόρνος, permettant de tracer au sol, cercles et arcs
de cercles9.
alidade pivotante
oeilleton de
nivellement
cercle gradué
fixe
lecture
de Tangle
niveau à plomb
Fig. 1 - Restitution du schéma de fonctionnement de la dioptra, par J.-P. Adam.
Enfin, si l'on évoque surtout les grandes réalisations des Romains,
essentiellement dans le domaine de l'adduction d'eau, on ne saurait
oublier que s'ils tirèrent parti des recherches faites par les Grecs avec une
efficacité rare, ces derniers n'en ont pas moins à leur actif quelques
applications spectaculaires, parmi lesquelles l'alimentation en eau de Per-
8 Aristophane, Les oiseaux, 993.1009 — cité par R. Martin, L'urbanisme dans
la Grèce antique, Paris, 1956, p. 16-17.
9 Ch. Mugler, article Arpentage, dans Dictionnaire archéologique des techni
ques, Paris, 1963, 1. 1, p. 87-88. JEAN-PIERRE ADAM 1006
game à travers un relief particulièrement accidenté10, ou le tunnel de
Samos, creusé par ses deux extrémités, sur les plans d'Eupalinos11.
L'agrimensor romain est connu surtout pour les ouvrages techniques
que sa corporation a laissés, ouvrages parmi lesquels figurent les frag
ments retrouvés du traité d'arpentage de Frontin. Ces textes réunis dans
un recueil intitulé gromatici veteres 12, nous précisent les méthodes prati
ques propres à la profession et le cadre administratif dans lequel elle évo
lue. Toutefois, pour cette exégèse des témoignages écrits, nous renvoyons
aux travaux d'érudits dont les analyses sont le complément indispensable,
voire préalable, à un travail de synthèse sur le terrain 13.
Par une bonne fortune