Barthes et le vêtement - article ; n°1 ; vol.63, pg 81-100
21 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Barthes et le vêtement - article ; n°1 ; vol.63, pg 81-100

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
21 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Communications - Année 1996 - Volume 63 - Numéro 1 - Pages 81-100
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 72
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Olivier Burgelin
Barthes et le vêtement
In: Communications, 63, 1996. pp. 81-100.
Citer ce document / Cite this document :
Burgelin Olivier. Barthes et le vêtement. In: Communications, 63, 1996. pp. 81-100.
doi : 10.3406/comm.1996.1958
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1996_num_63_1_1958Olivier Burgelin
Barthes et le vêtement
L'auteur du Système de la Mode s'intéressait bien sûr au vêtement,
auquel il a consacré, outre cet ouvrage, une douzaine d'articles et d'entret
iens. Ces articles et ces entretiens formeront le corpus de. la présente
étude. Que le lecteur ne s'étonne pas de l'absence du Système de la Mode
de ce corpus : elle est due à trois raisons. Tout d'abord, le Système de la
Mode est un ouvrage de méthode difficile à intégrer à un ensemble, quel
qu'il soit. En second lieu, c'est un ouvrage important, qui mérite une
étude particulière. Enfin, j'ai déjà consacré une petite étude à cet ouvrage
(« Le double système de la mode », L'Arc, n° 56, 1974).
Dans un entretien datant de 1967, Roland Barthes parle, sur un mode
jubilatoire, de son intérêt pour le vêtement (et pour d'autres objets de
communication) :
le vêtement est l'un de ces objets de communication, comme la nourr
iture, les gestes, les comportements, la conversation, que j'ai toujours
eu une joie profonde à interroger parce que, d'une part, ils possèdent
une existence quotidienne et représentent pour moi une possibilité de
connaissance de moi-même au niveau le plus immédiat car je m'y invest
is dans ma vie propre, et parce que, d'autre part, ils possèdent une
existence intellectuelle et s'offrent à une analyse systématique par des
moyens formels (13*, p. 45).
Dans ce même entretien, Barthes, retraçant la genèse du Système de
la Mode, dit qu'après une première phase au cours de laquelle il crut
pouvoir faire l'analyse du vêtement réel, c'est-à-dire travailler sur le
vêtement tel qu'il est porté dans la société qui entoure l'analyste, il
s'aperçut qu'il ne pouvait mener à bien une telle investigation sans
travailler sur un modèle, au sens structural du terme. Donc, dans un
* Les chiffres entre parenthèses renvoient au corpus qui figure en fin d'article.
81 Olivier Burgelin
second temps, il s'intéressa au vêtement tel qu'il est décrit et analysé
dans les livres de mode. Puis, dans un troisième temps, il acquit la
conviction qu'il fallait séparer l'analyse des systèmes selon leur subs
tance propre : techniques de fabrication, image (photographie) et mots
écrits. C'est ainsi qu'il est passé de la mode réelle à la mode écrite. Il
en est venu à penser que les ensembles d'objets un peu complexes ne
signifient pas hors du langage lui-même. La mode n'existe qu'à travers
le discours qu'on tient sur la mode.
Manifestement, les articles 2, 3 et 4 du corpus, parus de 1957 à 1960,
relèvent de la deuxième préoccupation ; on peut leur adjoindre le premier
appendice au Système de la Mode (1967), qui rend compte du célèbre
ouvrage de Kroeber et Richardson : Three Centuries of Women 's Dress
Fashion (1940), appendice qui porte le n°8 dans notre corpus.
Le texte n° 5 (« Le bleu est à la mode cette année ») résume avant la
lettre la démarche qui sera celle du Système de la Mode, paru sept ans
plus tard, et prouve ainsi que la méthode adoptée dans cet ouvrage était
déjà au point en 1960.
Par ailleurs, Barthes a écrit trois articles traitant de trois problèmes
bien particuliers : « Les maladies du costume de théâtre » (1955), « Le
dandysme et la mode » (1962) et « Le match Chanel-Courrège » (1967)
(nos 1, 6 et 7 du corpus).
Restent les entretiens, qu'on peut qualifier, comme le faisait Roland
Barthes, de tâches de gestion de son œuvre.
Travail formel et affirmation éthique sur le monde.
Dans la première partie de son œuvre, on trouve deux préoccupations
constantes chez Barthes : la première relève d'une « affirmation éthique
sur le monde » ; la seconde est à la fois très simple à comprendre et difficile
à formuler, étant donné les connotations péjoratives de termes comme
forme, formel, et surtout formalisme. Car il s'agit bien de cela. D'où des
contradictions au niveau des mots, ou tout au moins des difficul
tés à maintenir une cohérence de l'expression chez le premier Barthes qui,
tout à la fois, veut faire un travail « formel » et dénonce l'écueil du
formalisme.
Dans la citation précédente (13, p. 45), Barthes classe le vêtement
parmi les « objets de communication » qui, d'une part, sont ce qu'il y a
de plus concret (ils « représentent pour moi une possibilité de connais
sance de moi-même au niveau le plus immédiat ») et, d'autre part,
« s'offrent à une analyse systématique par des moyens formels » . La réfé
rence à une sémiologie, conçue comme une extension de la théorie saus-
82 Barthes et le vêtement
surienne du signe linguistique, est évidente, d'autant qu'à cette date la
sémiologie n'est plus pour Barthes un simple projet, loin s'en faut. Et
qu'est-ce que le Système de la Mode, paru en 1967, sinon « une analyse
systématique par des moyens formels » ?
Qu'est-ce que cela signifie ? Barthes entend s'opposer à l'idée banale
que la mode est d'abord un contenu qui semble « naturel » :
Certaines personnes veulent faire dire aux sociologues que la mode des
cheveux longs pour les garçons est due aux Beatles ; c'est exact, mais il
serait faux de faire une caractérologie du jeune homme moderne à partir
de là et d'induire des traits caractériels de féminisation, de paresse à
partir de cheveux longs. Si les cheveux sont devenus longs, c'est parce
qu'ils étaient courts auparavant. Je résume ainsi et d'une façon un peu
brutale ma pensée parce que je suis partisan d'une interprétation for
maliste du phénomène de mode. [...] il n'y a pas de trait naturellement
féminin dans le vêtement ; il n'existe que des rotations, des tournages
réguliers de formes (10, p. 124).
Ainsi, onze ans après avoir rejeté expressément la notion de formalisme,
Barthes s'y réfère encore s'il en éprouve le besoin. Dans « Les maladies
du costume de théâtre », il écrivait en effet :
II faut ici prendre garde au formalisme : le signe est réussi quand il est
fonctionnel ; on ne peut en donner une définition abstraite ; tout dépend
du contenu réel du spectacle (1, p. 59).
Barthes est très conscient du fait qu'il a l'air de se contredire, mais il
refuse de s'y arrêter, pour deux raisons. La première est qu'il ne pouvait
pas continuer selon le type d'engagement défini dans les Mythologies, où
il sentait une sorte de facilité, celle qu'« apporte l'idée au sens de trouvaille
du contenu ». Il ressentait, au moment de se lancer dans le Système de
la Mode, le besoin d'« aller jusqu'au bout, avec une sorte de radicalisation,
d'un projet systématique, et systématiquement formaliste » (11, p. 67).
La seconde raison est qu'
on peut attaquer le monde, et l'aliénation idéologique de notre monde
quotidien, à bien des niveaux : Système de la Mode contient aussi une
affirmation éthique sur le monde, la même d'ailleurs que dans les
Mythologies, à savoir qu'il y a un mal, un mal social, idéologique,
attaché aux systèmes de signes qui ne s'avouent pas franchement comme
systèmes de signes. Au lieu de reconnaître que la culture est un système
immotivé de significations, la société bourgeoise donne toujours des
signes comme justifiés par la nature ou la raison (11, p. 67).
83 Olivier Burgelin
II y a encore un point à soulever à propos de l'objet réputé mince et
futile qu'est la Mode, comparée aux événements politiques ou aux faits
sociaux qui sont l'objet des Mythologies. Apparemment, Barthes ne
conteste pas la portée de l'objection, puisqu'il affirme avoir voulu faire
une démonstration méthodologique pour laquelle la futilité de l'objet était
un atout, faisant ressortir la méth

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents