Bible et règle de foi - article ; n°1 ; vol.19, pg 75-82
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Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles - Année 1984 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 75-82
8 pages

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Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Jean-Michel Vienne
Bible et règle de foi
In: La Bible dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Actes du Colloque - Société d'études anglo-
américaines des 17e et 18e siècles, 1984. pp. 75-82.
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Vienne Jean-Michel. Bible et règle de foi. In: La Bible dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Actes du
Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles, 1984. pp. 75-82.
doi : 10.3406/xvii.1984.2217
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvii_0294-1953_1984_act_19_1_2217BIBLE ET REGLE DE FOI
J.M. VIENNE
«The Bible, I say, the Bible only is the Religion of Protestants.
Whatsoever else they believe besides it, and the plain, irrefragable,
indubitable consequences of it well may they hold it as a matter of
opinion: but as a matter of Faith and Religion, neither can they
with coherence to their own grounds believe it themselves, nor
require the belief of it of others... Propose me anything out of this
book, and require whether I believe it or no... I will subscribe
it with hand and heart, as knowing no demonstration can be stronger
than this : « God hath said so, therefore it is true.»
(William Chillingworth, The religion of Protestants, 1637, ch. VI)
La Bible est le point de ralliement des Anglicans dans leur lutte idéolo
gique contre trois adversaires: les catholiques romains d'abord, les enthousiastes
et les déistes (parfois confondus avec les sociniens, les spinozistes ou les athées)
ensuite. Car tous trois mettent en cause le monopole de la Bible; au profit de
la tradition écclésiale pour les premiers, de l'inspiration individuelle pour les
seconds, de la raison universelle pour les troisièmes. Et cette divergence fonda
mentale entre l'anglicanisme et les autres tient à des réponses différentes à la
question: la Bible est-elle suffisamment fiable pour servir de critère à l'adhé
sion de foi? La Bible est-elle «règle de foi»? C'est-à-dire «mesure selon laquelle
nous jugeons de l'assentiment à une vérité» en l'occurrence vérité de foi, c'est-à-
dire pour citer encore Tillotson1, un énoncé basé sur le témoignage et l'autorité
de Dieu — et qui a pour caractéristique l'évidence, l'intelligibilité et un degré
suffisant de certitude. L'insistance, dans cette définition, sur la certitude subjec
tive dit assez ce contre quoi il s'agit de se prémunir : le doute devant l'objectif
du texte que l'on nomme Bible. Et de fait, la réflexion sur la règle de foi peut
The Rule of Faith, 1676, Part I, sect. 1 ; et Part II, sect VII ; cf aussi les textes assemb
lés in More and Cross, Anglicanism, S.P.C.K. Londres, 1935, p. 89-96.
75 se dire en une série de dichotomies.
La première de ces dichotomies est celle de l'écrit et de l'oral. L'écrit est
depuis la Renaissance jugé déficient en ce qu'il ne traduit plus l'intention signi
fiante de Dieu. La langue hébraïque notamment n'est plus jugée comme l'expres
sion privilégiée de l'idée divine: alors que la Bible Polyglotte de Walton (que
possédait Locke2) présupposait encore la perfection de la langue hébraïque,
Richard Simon, dans son Histoire Critique du Vieux Testament* publiée en
1680 et possédée aussi par Locke, naturalise cette langue et la considère comme
égale aux autres : ses défauts propres, ajoutés aux défauts de transmission font
du texte biblique en hébreu un voile qui masque le message autant qu'il ne le
révèle4. C'est parce que le signifiant est masqué par le signifié que Rome et
l'enthousiasme souhaitent en revenir à l'oral, mode originaire d'expression de
la Parole divine. La Tradition ou l'inspiration sont authentiques parce qu'elles
jaillissent d'une source pure, non soumise aux aléas de l'objectivité comme le
texte. L'oral est l'expression première d'un vouloir-dire, que l'écrit a dénaturé
en le soumettant aux prises de tout un chacun. Au contraire, la Parole fondat
rice est retrouvée dans la parole de certains, ou dans la parole de chacun, parce
que l'intention croyante y parle de façon privilégiée. Le texte se perd dans le
monde, alors que la parole est toujours dite de l'intérieur.
Londres, au contraire, en revient au texte, non pasqu'ilsoitsansdéfaut;même
s'il donne prise à la déformation, demeure en lui la trace palpable du vouloir dire
initial ; l'oral au contraire est soumis aux passions, individuelles ou institutionnelles,
à l'enthousiasme ou au dogmatisme4. Il manque à l'oraldenepouvoirdonner prise à
l'analyse; son défaut est de rendre immédiat le rapport du signifiant au signifié; de
l'immuniser ainsi contre toute dissection critique. L'immédiateté de l'oral évacue
l'œuvre de la raison alors que, pourtant, la raison est l'image de Dieu en l'homme.
Cette opposition de l'écrit et de l'oral n'empêche pourtant pas un accord
entre tous sur la deuxième opposition, celle du fondamental et de l'historique;
l'historique est toujours déprécié par rapport au naturel. Mais deux formes
différentes de rapport demeurent: le fondamental (ou le naturel) peut dans être tellement perverti qu'il n'est plus nécessaire de l'y chercher:
c'est la position des déistes pour qui l'intérêt du «Priestcraft» déforme à ce
2 Londres, 1655-1657; cf. HARRISSON et LASLETT, The Library of John Locke,
Oxford, 1975, n° 325.
3 I, ch. 14,15; lll,ch. 21.
4 Ce que résume ce texte: «A doctrine is neither more nor less the Word of God for
being written or unwritten; that is but accidental and extrinsecal to it, for it was first
unwritten and then the same thing was written ; only when it was written, it was better
conserved, and surer transmitted, and not easily altered, and more fitted to be a rule...
Whereas concerning other things which were not written, we have no certain records,
no evident proof, no sufficent conviction; and therefore it is not capable of being
owned as the rule of faith or life, because we do not know it to be the Word of God.»
(Jeremy TAYLOR, A dissuasive from Popery, part II, I, chap. 2).
76 la nature que l'écrit historique ne peut plus être la traduction de l'oral point
originel. Par contre Stillingfleet, Tillotson, plus généralement l'anglicanisme
latitudinaire de la fin du XVI le, défendent la suffisance de la transmission
historique: les Fundamentals sont, par garantie divine, assurés; l'histoire est
lieu d'humanité: passions humaines, mais aussi raison humaine: il n'y a pas
d'autre révélation de Dieu que dans l'histoire humaine, et c'est à l'homme de
tirer le bon grain de l'ivraie, sans autre aide que sa propre nature (de même,
c'est en observant le donné et non en spéculant sur nos idées que l'on dégage la
loi naturelle, c'est en observant langage et coutumes que l'on peut approcher
la loi morale).
Contre l'oral naturel, le choix est donc fait pour le texte historique; mais
pour discriminer entre les textes historiques, il est nécessaire de développer
une grammaire de l'assentiment: contre la conviction subjective, il s'agit d'éla
borer une théorie de la certitude morale reposant sur des critères. De fait, à la
position sur la règle de foi est associée en milieu anglican une réflexion sur la
logique du probable, et la chose est significative. L'écrit historique, et la Bible
est l'un parmi d'autres, relève de la même méthode critique que le monde
physique: il s'agit de dépasser la conviction immédiate et irréfléchie pour se
donner des raisons d'opiner: à la suite de Grotius, les raisons de croire sont
calquées sur les sources du savoir probable: une tradition logique s'élabore
qui traite parallèlement du savoir scientifique et de l'adhésion de foi : natural
isation de la religion plus fondamentale que celles des déistes.
Référence au texte, donc, mais sans la rigueur qu'engendre ailleurs le
soupçon; puisque Dieu garantit l'essentiel, la référence à l'histoire sert à confort
er la foi plus qu'à critiquer le texte5 : la fonction critique joue plus sur le
passé de l'élaboration du texte; le choix opéré dans les trois oppositions qui
structurent la question de la règle de foi peut ainsi rendre compte des règles
de lectures communes dans le milieu dont nous parlons ici: on trouve chez
Boy le,

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