Chateaubriand et l évolution de la critique thématique - article ; n°3 ; vol.75, pg 599-613
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Annales de Bretagne - Année 1968 - Volume 75 - Numéro 3 - Pages 599-613
15 pages

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Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 27
Langue Français

Extrait

Manuel de Diéguez
Chateaubriand et l'évolution de la critique thématique
In: Annales de Bretagne. Tome 75, numéro 3, 1968. Colloque Chateaubriand. pp. 599-613.
Citer ce document / Cite this document :
de Diéguez Manuel. Chateaubriand et l'évolution de la critique thématique. In: Annales de Bretagne. Tome 75, numéro 3, 1968.
Colloque Chateaubriand. pp. 599-613.
doi : 10.3406/abpo.1968.2489
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1968_num_75_3_2489CHATEAUBRIAND ET L'EVOLUTION POETIQUE
DE LA CRITIQUE THEMATIQUE
Communication de M. Manuel DE DIEGUEZ
La critique thématique évolue. Elle prend notamment
Chateaubriand pour témoin de son évolution. Mais Cha
teaubriand, en poète de l'histoire, a toujours regardé ses
juges bien en face. Il nous regarde ici. Et s'il nous oblige
à combattre pour lui dans l'arène de sa postérité poétique,
où se présente à nous le taurillon d'une critique thémati-
tique devenant progressivement poétique sous nos yeux,
c'est qu'il fait encore notre propre portrait au moment
même où nous faisons le sien, ce qui donne à toute la crit
ique le comique de deux peintres qui se placeraient face à
face, armés de leur chevalet, chacun se proposant de pein
dre son confrère. Mais chacun, au terme de l'épreuve, s'est
peint lui-même, la figure de l'autre lui ayant seulement
servi de miroir.
Pour sortir de là, la critique a enfanté un troisième spec
tateur, dont la mission expresse est de regarder à la fois
l'auteur et le critique. C'est ce que j'ai baptisé autrefois la
Critique de la Critique. Nous allons donc tenter d'observer
non pas seulement notre auteur, mais aussi ce qu'il fait de
ses propres juges, et quels portraits de poètes nous faisons
alors à notre tour de nous-mêmes, et à notre corps défen
dant, quand nous parlons de lui.
Car la critique, si elle est sage, peut parfaitement s'aper
cevoir qu'il y a un miroir placé sur le bureau même des
juges, où les juges se contemplent, sans le savoir, à lon
gueur de journée. Mais si elle regarde vraiment dans ce
miroir, une bonne surprise l'attend. Car le seul courage de
se voir grandit, et donne une objectivité surréelle, souvent
plus méditative que celle de l'auteur, objectivité peu infor- 600 COLLOQUE CHATEAUBRIAND
mative au niveau des choses quotidiennes, et nullement
notariale d'inspiration. Car une critique observatrice de
l'évolution poétique d'une école serait complète
ment aveugle si elle n'était éclairante de ce qu'est la poé
sie elle-même. Tentons donc de descendre d'une marche
dans le miroir, c'est-à-dire dans l'enfer de la ré-flexion, où,
comme Je dit le langage, notre confessionnel métaphysique,
nous nous réfléchissons.
Voici que la critique thématique, étudiant les thèmes de
Chateaubriand, se pose la question toute simple, mais
inquiétante : qu'est-ce qu'un thème ? Et de quel thème
peut-on dire qu'il ressortit à la critique thématique ?
Car enfin, nous voudrions savoir s'il exista jamais une
critique non thématique ? Et si oui, ce que pouvait donc
bien trouver à dire cette heureuse critique-là, qui ne trai
tait, soi-disant, d'aucun thème ?
En vérité, toute critique est thématique, par définition.
Qu'est-ce donc qu'étudier l'orgueil de Coriolan. l'honneur
chez Corneille, l'amour chez Racine, sinon faire de la th
ématique ? Mais alors, nous voici placés d'emblée sur une
échelle des thèmes, où il nous faudra décider à partir de
quel échelon il sera convenu que les thèmes traités ressor-
tiront à la critique dite thématique. Car si nous traitons du
thème : Chateaubriand et l'amour, sommes-nous dans le
même univers mental que lorsque nous traitons de l'amour
dans l'œuvre de Chateaubriand ? Quand la princesse Marie
Bonaparte étudie le complexe d'Œdipe chez Edgar Poe ;
quand le Dr Laforgue scrute le même complexe chez Baud
elaire, quand Sartre se penche sur l'aliénation du « pour
soi existentiel » chez l'auteur des Fleurs du Mal, sont-ils
bien placés dans le même univers critique que M. Vial étu
diant le temps dans les Mémoires d'Outre-Tombe, ou
Mme Durry, le mythe chez Nerval, ou J.P. Richard le pay
sage de Chateaubriand ?
Mais quand je dis, pour reprendre le titre du bel ouvrage
de Mme Durry, Gérard de Nerval et le mythe, quel est mon
thème ? Nerval lui-même voué à l'aliénation mythique ? Et
quel Nerval ? Le citoyen qui sombre dans la folie ? Ou bien CHATEAUBRIAND 1)01 COLLOQUE
mon thème est-il le mythe donnant sa profondeur et son
génie à la poétique de Nerval ? Mme Durry a su donner
son espace transcendantal à l'imaginaire, et c'est bien pour
quoi elle est entendue des poètes. Selon que nous prenons
la question par l'un ou l'autre bout, nous changeons de
planète, et, en vérité, ce n'est pas du tout le même thème
que nous, traiterons dans un cas et dans l'autre.
Mais n'est-ce pas un spectacle fascinant, et presque
incroyable, que celui d'une civilisation changeant de thè
mes fondamentaux sous nos yeux et qui s'en va observer
soudain chez ses écrivains du passé des thèmes qui ne rete
naient pas son attention jusqu'alors ? Car voici que nous
étudions attentivement le thème du tombeau, des ruines,
des momies, de la poussière, des ossements, du temps, et
toute l'orchestration du funèbre chez Chateaubriand. Alors
se pose une question originelle : ce changement dans la
direction même du regard signifie-t-il tout simplement que
nous allons situer ces thèmes insolites dans le cadre de
pensée de notre ancienne philosophie de la vie et de la
mort, pour autant que nous étions dotés d'une telle philo
sophie, peut-être tout inconsciente ? Ou bien, notre regard
sur ces problèmes ayant subrepticement changé au préalab
le, et sans que nous nous en fussions tout de suite aper
çus, notre thématique signifie-t-elle que nous allons enquêt
er ensuite du côté du tombeau chez ses plus prestigieux
témoins, afin de nous refaire une philosophie ? Ou encore,
loin de chercher confirmation de quelque nouvelle philoso
phie de la mort que nous aurions conquise antérieurement,
sommes-nous, au contraire, dans une ignorance plus épaisse
qu'autrefois au chapitre de la mort, et comme placés dans
le vide, cherchant alors des signes de la mort, dans la
beauté, pour en conquérir l'intelligence, et portés par l'e
spoir que le poète, redevenu le vates antique, en connaîtrait
les secrets ? Ah ! pour concernés, nous le sommes, car
enfin, Chateaubriand se met soudain à nous examiner sur
une face nouvelle et comme à partir des traces prédomi
nantes de la mort en nous. Il dit que le génie littéraire
« interpose la beauté entre notre néant et la majesté 602 COLLOQUE CHATEAUBRIAND
divine ». Mais Claudel le pense aussi. Alors faut-il mettre
l'accent sur Dieu, ou sur le néant, ou sur la beauté dans
cette phrase ? Pour le savoir, ce n'est pas seulement Cha
teaubriand, c'est le Sphinx littéraire que la thématique
interroge. Sinon elle ne serait pas une recherche, mais une
nouvelle nomenclature des sujets du bac.
Nous commençons donc à comprendre où Chateaubriand
se trouve placé et quelle question il nous pose, et comment
il nous regarde en retour à l'instant même où nous le
regardons. Or, nul écrivain plus engagé dans son siècle ;
nul animal plus politique que celui-là ; mais s'ingéniant à
porter son destin à l'échelle des nations et des mondes ; à
faire de tous ses déplacements des sillages dans la posté
rité ; expert à donner allure de fatalité au hasard des év
énements qui le ballotent ; allant jusqu'à la naïveté dans
l'élaboration des synchronismes signifiants, et ne portant
la littérature à la biographie que pour confondre à chaque
pas sa biographie avec celle de l'humanité de tous les
temps. A mesure, donc, que son siècle prend figure, il
y grave son ombre, mêlant le souffle de cette ombre à
l'écoulement du temps et des hommes.
Mais quelle est donc cette possibilité de l'esprit d'enfant
er sa propre mémoire ? De tisser la trame de nos jours
dans le tissu même des continen

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