Chateaubriand et le paysage breton - article ; n°3 ; vol.75, pg 437-449
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Annales de Bretagne - Année 1968 - Volume 75 - Numéro 3 - Pages 437-449
13 pages

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Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Monsieur Moïse Le Yaouanc
Chateaubriand et le paysage breton
In: Annales de Bretagne. Tome 75, numéro 3, 1968. Colloque Chateaubriand. pp. 437-449.
Citer ce document / Cite this document :
Le Yaouanc Moïse. Chateaubriand et le paysage breton. In: Annales de Bretagne. Tome 75, numéro 3, 1968. Colloque
Chateaubriand. pp. 437-449.
doi : 10.3406/abpo.1968.2474
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1968_num_75_3_2474CHATEAUBRIAND ET LE PAYSAGE BRETON
Communication de M. M. LE YAOUANG
(Rennes-Lettres)
Le sujet est très vaste, malgré les apparences. Je veux
m'en tenir aux préliminaires. Je chercherai à définir les
modalités générales de l'intervention du paysage breton
dans l'œuvre de Chateaubriand. Comme une telle étude ne
peut éviter, chemin faisant, de mettre en évidence la loca
lisation des sites évoqués, elle doit conduire tout naturel
lement à préciser la place que l'écrivain a faite à la Breta
gne dans son œuvre.
Plus d'une fois il lui est arrivé de laisser ignorer que tel
aspect de la nature, peint par lui, était breton. De là, parmi
les modalités à répertorier, une première grande catégorie
avec ses genres et sous-genres.
Chateaubriand n'est-il pas allé quelquefois jusqu'à pré
senter la Bretagne sous un faux nom ? Il faut, semble-il,
répondre par l'affirmative. La célèbre romance que Lautrec
chante dans les Aventures du dernier Abencérage, et qui
avait commencé par être un poème isolé, successivement
nommé les Petits Emigrés et le Montagnard émigré (1).
prétend dire la nostalgie d'un homme éloigné de son
Auvergne natale :
Ma sœur, te souvient-il encore
Du château que baignait la Dore
Oh ! qui me rendra mon Hélène
Et ma montagne et le grand chêne.
Mais quand on fixe son attention sur d'autres vers :
Te souvient-il du lac tranquille
Qu'effleurait l'hirondelle agile,
Du vent qui courbait le roseau
Mobile
(...)
(1) Les Aventures (...), édit. de Mme Durry et P. Hazard. Champion,
1926, p. 101-103 (notes). 438 COLLOQUE CHATEAUBRIAND
l'on se convainc que dans son chant l'auteur a introduit
l'image de la terre paternelle et qu'il l'a mise après coup
sous le signe de l'Auvergne.
Plus fréquemment que sous un nom illusoire, le paysage
breton, chez Chateaubriand, se cache sous l'anonymat. Mais
ici une distinction doit être faite entre les tableaux qui ont
valeur de type et ceux qui sont présentés comme particul
iers.
Le Génie du christianisme, œuvre de doctrine, contient
des images du premier genre. Pour conférer à son argument
ation la portée la plus grande, l'auteur donne des exemples
de valeur générale, quasi scientifique. Est-il amené à faire
appel à des scènes naturelles de nos régions, il se garde
d'en préciser la localisation ; et pourtant le paysage qu'il
invoque, bien souvent est breton. Quelques exemples suffi
ront. Témoin le morceau sur les canards sauvages :
« Par un temps gris d'automne, lorsque la bise souffle
les champs, que les bois perdent leurs dernières feuil
les, une troupe de canards sauvages, tous rangés à la
file, traverse en silence un ciel mélancolique. S'ils
aperçoivent du haut de sairs quelque manoir gothique
environné d'étangs et de forêts... aussitôt que la vapeur
du soir enveloppe la vallée, le cou tendu et l'aile sif
flante, il s'abattent tout à coup sur les eaux qui reten
tissent » (2).
Chateaubriand ne dit pas en quelle région il a observé
cette scène. Mais le manoir gothique, les nappes d'eau, les
bois, et le souvenir de la page où l'auteur des Mémoires
d'outre-tombe parle de la passion avec laquelle il guettait
les canards sauvages au bord d'un étang à Combourg ne
laissent aucun doute sur la source du tableau. Et ailleurs,
toujours dans le Génie, ces oiseaux (ici corbeau, là cornelle)
qui perchent en hiver sur un chêne (3), de quel pays sont-
ils ? De Combourg assurément : ce sont ceux-là mêmes que
Chateaubriand a contemplés dans son enfance. De telles
(2) Première partie, livre 5e, chap. 7 (Œuvres complètes, édit.
Pourra t, XIV, p. 162). Cf. aussi, immédiatement après, la peinture de
la poule d'eau, dans les fossés du château.
(3) lbid., p. 165 et 197. COLLOQUE CHATEAUBRIAND 439
interventions de la nature armoricaine peuvent se découvrir
çà et là dans le Génie. Mais pour la plupart (et c'est le cas
pour celles qui viennent d'être citées) elles sont groupées
dans un même livre, le Ve de la première partie. Rien de
plus normal puisque ce livre, l'un des plus beaux du Génie,
entreprend de prouver l'existence de Dieu « par les merv
eilles de la nature ». Et il était dans l'ordre que pour trou
ver des images probantes l'écrivain fît appel à sa Bretagne,
ce pays d'une « incomparable beauté », comme il a écrit
un jour.
Dans un roman tel que René, qu'il a présenté comme
une illustration du Génie, il a eu besoin aussi d'introduire
des paysages, des tableaux de la nature. Mais ils ne devaient
plus être typiques, intervenir à titre d'exemples. Servant de
cadre à la vie de René, ils devaient avoir une individualité
absolue en principe. Chateaubriand, qui ne voulait pas
déclarer trop audacieusement sa parenté avec son héros, n'a
nulle part dans ce livre prononcé le nom de la Bretagne.
Mais il a introduit des images et des sites de sa province au
moins de deux façons.
Tous ceux qui, connaissant un peu sa vie et son œuvre,
ont lu les pages où René raconte ses séjours, à l'automne,
dans le château paternel « situé au milieu des forêts, près
d'un lac, dans une province reculée » (4), ont sans peine
reconnu là Combourg et son paysage, même s'ils ont été
gênés, un peu plus loin, par la « longue avenue de sapins ».
Il est certain qu'en parlant d'une « province reculée », Cha
teaubriand incitait le lecteur à tourner son esprit vers la
Bretagne. Voilà donc dans René une présence à peine voilée
du pays d'enfance de l'auteur, et qui se renforce de deux
tableaux annexes : d'abord, celui de l'abbaye au milieu des
eaux et des bois, proche de la demeure où René a vécu
quelque temps après la mort de son père (5), ensuite celui
du monastère où Amélie s'est retirée et qui est situé au
bord de la mer, dans une ville comme Brest, ou plutôt
(4) René, édit Weil (Textes littéraires français), 1947, p. 7.
(5) Ibid., p. 22. 440 COLLOQUE CHATEAUBRIAND
Saint- Malo (6). Mais la Bretagne est présente autrement.
Désespérant de trouver le bonheur dans la vie citadine,
René un jour se décide à un exil champêtre et va s'enfer
mer dans une chaumière. Sur la province où il se retire,
nulle indication de nom. Nulle indication de situation non
plus, qui incite à penser à la Bretagne. Au contraire :
comme l'auteur ne signale pas que René retourne dans son
pays natal, l'on est plutôt tenté de croire qu'il va ailleurs.
Mais que l'on écoute René disant avec quel ravissement il
entrait dans le mois des tempêtes :
« Le jour je m'égarais sur de grandes bruyères te
rminées par des forêts. Qu'il fallait peu de chose à ma
rêverie !... la mousse qui tremblait au souffle du nord
sur le tronc d'un chêne, une roche écartée, un étang
désert où le jonc flétri murmurait ! Le clocher soli
taire s'élevant au loin dans la vallée a souvent attiré
mes regards ; souvent j'ai suivi des yeux les oiseaux
de passage qui volaient au-dessus de ma tête ! » (6).
Un chêne, le vent d'automne, une roche, un étang soli
taire, une vallée, des oiseaux de passage, autant d'éléments
du paysage dont le groupement suffît pour qu'un lecteur
se souvenant des Mémoires d'outre-tombe salue ici des ima
ges du pays armoricain. Ainsi la Bretagne intervient, je ne
dis pas deux fois dans René, mais de deux manières : sa
présence est tantôt dissimulée, tantôt à peine déguisée, pres
que révélée.
Parmi les interventions expressément déclarées du
paysage breton dans l'œuvre de Chate

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