Commerces ambulants et insertion sociale à Surabaya, vers la fin du XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.37, pg 297-326
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Commerces ambulants et insertion sociale à Surabaya, vers la fin du XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.37, pg 297-326

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Description

Archipel - Année 1989 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 297-326
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Claudine Lombard-Salmon
Commerces ambulants et insertion sociale à Surabaya, vers la
fin du XIXe siècle
In: Archipel. Volume 37, 1989. pp. 297-326.
Citer ce document / Cite this document :
Lombard-Salmon Claudine. Commerces ambulants et insertion sociale à Surabaya, vers la fin du XIXe siècle. In: Archipel.
Volume 37, 1989. pp. 297-326.
doi : 10.3406/arch.1989.2577
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1989_num_37_1_2577Claudine SALMON
Commerces ambulants et insertion sociale
à Surabaya vers la fin du XIXe siècle
Les Européens qui séjournèrent en Chine à la fin du XIXe siècle n'ont
pas manqué d'être frappés par l'importance des petits marchands dans la
vie économique, et ceci à une époque où en Europe, on commençait à assis
ter à la disparition progressive de ceux-ci W. Il ne semble pas que les mar
chands ambulants des Indes néerlandaises aient autant attiré l'attention
des Occidentaux. Certes, les voyageurs leur consacrent parfois quelques
lignes dans leurs récits de voyage, tel le Comte de Beauvoir qui évoque
brièvement ceux qu'il entrevoit dans les rues de Batavia en 1866 (2); tel
encore M. de Molins qui, lors de sa visite à Surabaya au milieu du siècle
dernier, sait être réceptif à l'atmosphère de la rue. Il remarque les coolies
et les porteurs d'eau qui prennent du repos à l'ombre des arbres et «le va
et vient d'une foule bizarre, mélangée de Chinois, de Malais, d'habitants
de Madura, mais où domine l'élément javanais». Sensible aux couleurs, il
note encore: «tout au rebours de ce que j'ai vu à Batavia, les étoffes des
costumes sont ici très peu voyantes, le bleu foncé, le rouge brun, le noir
dominent». Il n'oublie pas les Arabes, mais les prend tous pour «des prê
tres» facilement reconnaissables, dit-il, à leur ample turban et à leur veste
de mousseline blanche et bien plus nombreux qu'à Batavia. Il est charmé
par les marchands ambulants qui viennent à son hôtel lui vendre mille curio
sités locales et de magnifiques oiseaux des Moluques. Enfin, il admire «les
intrépides cuisiniers ambulants» et n'hésite pas à aller visiter un grand mar
ché couvert qui semble bien correspondre au Pasar Pabean (3). Mais nous
sommes loin d'une description systématique, d'un réel tableau de la vie mar
chande telle qu'elle se pratiquait quotidiennement dans les rues de Surabaya. 1. Plan schématique de Surabaya à la fin du XIXe siècle Sreraoaja
2. Trafic sur le Kali Mas et dans la Willemskade, vu du Jembatan Merah, Sura
baya, début du siècle, d'après une carte postale.
3. Trafic dans une rue du quartier chinois de Surabaya, début du siècle, d'après
une carte postale. 300
Si donc, on persiste à s'intéresser à ce petit monde marchand, tel qu'il
pouvait évoluer dans la seconde moitié du XIXe siècle, il faut chercher ai
lleurs des renseignements. Un sondage dans le journal malais de Surabaya,
le Bintang Timor qui, le 15 juillet 1887, sera rebaptisé Bintang Soera-
baia (4), nous a permis de constater que sous la rubrique «nouvelles de la
ville» apparaissent pour certaines années en particulier, notamment de 1887
à 1894, une multitude de faits divers se rapportant aux marchands ambul
ants. On est tout à coup surpris de l'importance ainsi donnée aux incidents
de la rue. Ce n'est pas un monde ordonné qui se présente au lecteur, mais
au contraire des «flashes» sur les violences et les infractions qui se com
mettent dans les lieux publics. Il semble que le journal ait pour mission de
dénoncer les abus, les larcins, les malhonnêtetés diverses commises par la
gent de tout poil qui s'adonne au commerce sur la chaussée et les marchés,
ainsi que les méfaits dont elle est elle-même éventuellement victime. Le
but du journal est double: d'une part, mettre en garde les lecteurs, et donc
par voie de conséquence les acheteurs, contre les roueries des vendeurs,
leurs contrefaçons, leur absence de patience dans les négociations, et de
l'autre, informer les autorités de la ville de tous les incidents survenus pour
qu'elles puissent se rendre sur place, faire cesser les abus et canaliser la
violence latente. Les informations de type économique n'apparaissent pour
ainsi dire qu'au second plan. Si on met à part quelques nouvelles dans les
quelles le journaliste fait la louange d'un individu, ou encore décrit de façon
positive la façon de travailler d'un petit marchand, n'hésitant pas à fournir
quelques détails concrets, d'une façon générale, c'est une vision très négat
ive qui se dégage de l'information.
Si donc on veut se servir de ce journal pour retracer un tableau de la
vie des marchands ambulants, il faut bien garder à l'esprit les distorsions
qu'il fait subir à la réalité et essayer, dans la mesure du possible, de comp
léter par quelques autres sources. Nous avons par exemple trouvé un inté
ressant portrait type du tukang klontong ou «marchand de camelotte» par
J.A. Uilkens, écrivain et journaliste qui de 1874 à 1888 dirigea le Soerabai-
jasch Handelsblad; ce texte donne de ceux-ci une vision extrêmement posi
tive (5). Nous verrons successivement les marchands ambulants dans leur
diversité, leur insertion dans la vie économique et leur rôle dans les cir
cuits d'argent, et enfin leurs rapports avec l'ensemble de la population.
1. Extrême diversité du commerce ambulant
II ne semble pas qu'il ait jamais été possible de recenser l'ensemble de
la population de Surabaya qui s'adonnait à des activités commerciales sans
point fixe. La rue est par définition le lieu privilégié où les nouveaux venus,
qu'il s'agisse de Javanais arrivant de leur campagne, de Madurais, de
Bawéanais, de Malais ou d'étrangers - Singkek chinois et arabes, pour 4. Cuisiniers ambulants à Surabaya, dessin de M. de Molins, reproduit d'après M.
de Molins, «Voyage à Java (1858-1861)», Le Tour du Monde, 1864, tome II, p. 249. 302
employer le vocabulaire de la presse de l'époque, ou encore, mais plus rare
ment, Indiens du Bengale, du Coromandel et du Malabar - viennent ten
ter leur chance (6). Bien qu'on observe une certaine tendance à la spéciali
sation professionnelle en fonction des groupes ethniques celles-ci est loin
d'être exclusive et on voit par exemple des Madurais et des Javanais prati
quer des métiers qui semblaient être l'apanage des Chinois. Les femmes
ne sont pas absentes, bien au contraire, et on compte un bon nombre de
Maduraises et de Javanaises, voire même de dames peranakan, s'adonnant
à certains types de commerce.
Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, le cadre urbain de Sura
baya a connu diverses transformations: construction d'un réseau d'égoûts
et recouvrement de certains canaux qui ont quelque peu assaini la vie des
quartiers indigènes, installation de l'éclairage au gaz qui a facilité grande
ment le commerce nocturne, mais en même temps accroissement du trafic
urbain (carrioles à chevaux, charrettes à bœuf, tram depuis 1881; puis à
partir de 1890 environ, introduction des premiers vélos et des premières
automobiles), augmentation continuelle de la population avec l'arrivée de
coolies «indigènes» (manolan) recrutés par les autorités pour mener à bien
la politique d'expansion des années 1880, mais aussi avec le gonflement
mal contrôlé des immigrants chinois (7). C'est donc dans une atmosphère
particulièrement fiévreuse qu'évolue la masse des petits marchands.
Nous envisagerons successivement les marchands d'alimentation, les
camelots, les récupérateurs, les marchands de service et les artisans.
Viande, fruits et légumes. C'est sans aucun doute le secteur qui regroupe
le plus de vendeurs et où on trouve aussi bien des Chinois que des Madur
ais, des Javanais et des Arabes, ces derniers étant toutefois en nombre
moindre. Les Javanais de la campagne apportent la volaille (voir illustra
tion n° 5) qui se vend soit au marché, soit dans la rue. Les Chinois friands
de porc ont leur propre abattoir qui se trouve dans le quartier de Kapa-
san (8), tandis que les Musulmans ont le leur Jalan Sasak. Les marchands
de viande sont nombreux à proximité de ces deux points. Les Singkek ara
bes, qui tiennent leurs étalages non loin de leur quartier, sont réputés pour
être durs en affaire et ne pas hé

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