Contraception : les Français les premiers, mais pourquoi ? - article ; n°1 ; vol.44, pg 3-33
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Description

Communications - Année 1986 - Volume 44 - Numéro 1 - Pages 3-33
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean-Pierre Bardet
Jacques Dupâquier
Contraception : les Français les premiers, mais pourquoi ?
In: Communications, 44, 1986. pp. 3-33.
Citer ce document / Cite this document :
Bardet Jean-Pierre, Dupâquier Jacques. Contraception : les Français les premiers, mais pourquoi ?. In: Communications, 44,
1986. pp. 3-33.
doi : 10.3406/comm.1986.1652
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1986_num_44_1_1652Jean-Pierre Bardet et Jacques Dupâquier
Contraception :
les Français les premiers,
mais pourquoi?
Il ne s'agit pas ici des techniques contraceptives ni de la fausse
querelle de la « fécondité naturelle » : aussi loin qu'on remonte dans
le temps, on trouve trace de l'existence de procédés contraceptifs plus
ou moins efficaces, drogues de sorciers ou remèdes de bonne femme;
tout un Cahier de l'INED leur a été consacré en 1950. Ce n'est pas
dans cette voie que nous avons l'intention de nous engager.
Le problème est de savoir comment et pourquoi la contraception
a été massivement pratiquée en France au XIXe siècle, avec près de
cent ans d'avance sur les autres pays.
Les faits sont bien connus : en 1700, Louis XIV régnait sur
20 millions de sujets, soit approximativement 21 % de la population
de l'Europe (sans la Russie); en 1801, le Premier Consul dénombrait
40 millions de citoyens français dont 29,1 millions à l'intérieur des
limites actuelles de la France, dans une Europe de 146 millions d'ha
bitants; en 1914, le nombre des Français de naissance ou de natu
ralisation ayant leur résidence habituelle en métropole s'élevait à
38,5 millions; en y ajoutant les Alsaciens-Lorrains, alors sous domi
nation allemande, nous trouvons tout juste 41,5 millions de per
sonnes, tandis que la population de l'Europe (toujours sans la Russie)
était passée à 320 millions; la France n'occupait plus que le quatrième
rang pour l'importance de la population, derrière l'Allemagne
(68 millions), l'Empire austro-hongrois (51 millions) et le Royaume-
Uni (45 millions). En 1940 enfin, les Français n'étaient que 41 millions
et ne représentaient plus que 10,8 % de la population européenne.
En cent quarante ans, le poids démographique relatif de la France
s'était donc réduit de 46 %; si l'on reprend le calcul en y incluant
les territoires européens de la Russie, le recul est encore plus marqué :
la part de la population française chute de 15,6 % à 8 %, soit un
recul relatif de 49 % en moins d'un siècle et demi.
Ce phénomène est d'autant plus frappant que les Français n'ont
guère participé au grand mouvement d'émigration qui a entraîné
outre-mer plus de 40 millions d'Européens de 1800 à 1940. Les eflfec- Bardet et Jacques Dupâquier Jean-Pierre
tifs sont difficiles à calculer, d'autant plus qu'un certain nombre
d'émigrants ont pu revenir, mais, d'après H. Bunle, le flux annuel
des emigrants français n'aurait été que d'environ 10 000 dans la
première moitié du XIXe siècle, de 31 000 dans la seconde moitié et
probablement de 20 000 de 1900 à 1940. La France n'aurait donc
fourni approximativement que 6 à 7 % des expatriés européens, alors
que pendant la période considérée elle représentait un peu plus de
10 % de la population du continent. Elle a été incapable de créer des
colonies de peuplement, sauf en Algérie, mais, même là, la contri
bution des Italiens et des Espagnols a été décisive.
Sur les conséquences de cette situation, il est inutile d'épiloguer
longuement : du point de vue diplomatique et militaire, la France
n'avait plus en 1940, ni même dès 1914, les moyens de sa politique,
ce qui explique l'inquiétude d'une partie de l'opinion et la création
de la commission parlementaire de la Dépopulation, dont les travaux
sont présentés par Alain Becchia dans un article de ce recueil (voir
infra, p. 201 sq.). En outre la France était devenue un pays « vieux »,
expression déplaisante à entendre et qu'on a cherché à contester à
l'aide d'arguments spécieux, mais qui a un sens parfaitement clair :
la part des « 60 ans et plus », qui était seulement de 8,95 % en 1800,
était passée à 12,6% en 1900 et à 15% en 1940. Les effets écono
miques, sociaux et psychologiques de cette situation sont difficiles à
mesurer, mais ils ont certainement dépassé ce que suggère la compar
aison des chiffres bruts. ' . .
On aurait tort de chercher dans ce simple rappel des faits des
motivations chauvines ou l'expression d'une volonté nataliste : le
changement des équilibres démographiques a contribué puissamment
à la déstabilisation de l'Europe et ainsi pesé lourdement sur les
destinées individuelles. Enfin, le remplacement progressif du français
par l'anglais comme langue internationale a eu et aura des consé
quences difficiles à mesurer, mais certaines, sur la création littéraire
et la vie culturelle en général.
* * *
Voici donc un premier problème à résoudre : pourquoi ce recul
relatif de la population française? Ou, plus exactement, à quel facteur
est-il dû? A une mortalité plus forte que celle du reste de l'Europe,
à une nuptialité ou à une fécondité plus faible?
La réponse n'est pas difficile : c'est le recul de la fécondité, non
les variations spécifiques de la mortalité, qui explique pour l'essentiel
l'aventure solitaire de la population française au XIXe siècle.
Depuis la fin du XVIIIe siècle, la mortalité n'a pas cessé de reculer :
le taux général était de 30 %o en 1800, de 24 %o en 1850, de 20 %o Contraception : les Français les premiers, mais pourquoi?
en 1900 et de 15,3 %o en 1939. Objectera-t-on que le taux est un
mauvais instrument de mesure? On répliquera que rallongement de
l'espérance de vie à la naissance, c'est-à-dire de la durée de vie
moyenne, confirme entièrement le sens de l'évolution des taux :
32,3 ans vers 1800, 40,1 ans au milieu du XIXe siècle, 47 ans à la fin,
58,8 ans 1940. C'est même seulement le recul de la mortalité
qui explique, avec le solde migratoire positif, la croissance absolue
de la population française de 1800 à 1940. En effet, le nombre des
naissances, qui dépassait en moyenne le million au début du XIXe siècle,
était tombé à 620 000 vers 1900; mais 620 000 naissances avec une
espérance de vie de 58,8 ans produisent en tendance une population
plus importante qu'un million avec une espérance de vie de 32,3 ans.
On a fait observer avec justesse que le recul de la mortalité française
avait été lent et tardif par rapport à celui observé dans les pays de
l'Europe du Nord, mais le retard a été plus marqué encore en All
emagne et en Italie, ce qui n'a pas empêché ces pays de croître. En
fait la France se situe dans le mouvement du recul de la mortalité
dans une honnête moyenne : si vers 1850 l'espérance de vie des
Suédois est déjà de 43 ans et celle des Anglais de 40,9 ans, elle est
encore inférieure à 35 ans en Allemagne et en Italie; en 1900, toujours
en tête, les Suédois peuvent espérer vivre 54 ans et les Anglais 48,2 ans,
mais, avec respectivement 44,4 ans et 43,8 ans, les Allemands et les
Italiens n'ont toujours pas rattrapé les Français.
De même, la mortalité infantile reste partout à un niveau élevé
jusqu'à la révolution pastorienne : vers 1875, pour 1 000 nouveau-
nés, il en meurt, avant le premier anniversaire, 172 en France, 149 en
Angleterre, 130 en Suède, mais 250 (probablement) en Allemagne et
209 en Italie. A la veille de la Première Guerre mondiale, le recul
des décès infantiles est spectaculaire : le quotient est tombé à 84,5 %o
en Suède (une réduction de 35 % en une quarantaine d'années), à
127,5 %o en Angleterre (- 14 %), à 132 %o en France (- 23 %), à
186,5 %o en Allemagne (- 25 %) et à 159,5 %o en Italie (- 24 %). On
ne peut pas vraiment parler de singularité française dans le domaine
de la mortalité.
Un recul de la nuptialité est-il susceptible d'expliquer l'effondr
ement des naissances en France? On sait que le mariage tardif a pu
être qualifié par Pierre Chaunu d'« arme contraceptive de l'Europe

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