Croissance ou déclin ? Les mécanismes du non-renouvellement des populations urbaines - article ; n°4 ; vol.1, pg 581-601
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Description

Histoire, économie et société - Année 1982 - Volume 1 - Numéro 4 - Pages 581-601
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Alfred Perrenoud
Croissance ou déclin ? Les mécanismes du non-renouvellement
des populations urbaines
In: Histoire, économie et société. 1982, 1e année, n°4. pp. 581-601.
Citer ce document / Cite this document :
Perrenoud Alfred. Croissance ou déclin ? Les mécanismes du non-renouvellement des populations urbaines. In: Histoire,
économie et société. 1982, 1e année, n°4. pp. 581-601.
doi : 10.3406/hes.1982.1307
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1982_num_1_4_1307CROISSANCE OU DÉCLIN ?
LES MÉCANISMES DU NON-RENOUVELLEMENT
DES POPULATIONS URBAINES*
par Alfred PERRENOUD
Département d'histoire économique
Université de Genève
Autant le régime démographique du monde rural ne cesse d'être précisé et nuancé,
non seulement dans ses caractéristiques générales, mais aussi et surtout dans ses diver
sités, autant le fonctionnement démographique des villes demeure, aujourd'hui encore,
extrêmement mal connu. Les études certes ne manquent pas qui s'efforcent d'établir
des bilans démographiques afin de dégager les rôles respectifs de l'accroissement natur
el et des migrations dans le développement urbain (1). Et toutes ou presque parvien
nent à la même conclusion : antérieurement à la révolution industrielle, les villes, inca
pables d'assurer leur expansion, voire le simple renouvellement de leur population, au
raient décliné sans apport migratoire.
Cette opinion, largement répandue, selon laquelle les villes préindustrielles auraient
donc toujours connu un excédent de mortalité, vient cependant d'être remise en ques
tion. Dans son article «Natural Decrease in Early Modern Cities : a Reconsideration»,
Allan Sharlin conteste l'interprétation habituellement donnée du déficit urbain (2).
Celui-ci ne résulterait pas des conditions intrinsèques de la mortalité et de la natalité
dans les villes mais découlerait directement de l'immigration. Sans immigration, les
villes de la modernité n'auraient pas connu de déclin, affirme Sharlin (p. 127) pour qui
l'excédent des décès sur les naissances tient aux comportements différenciés des popul
ations sédentaires et immigrantes. En étudiant séparément ces populations on s'aper
çoit que les résidents permanents — natifs et étrangers établis à demeure — présentent
un bilan naturel positif, alors que les migrants temporaires, qui ne peuvent se marier
selon les normes habituelles, accusent un très fort excédent de décès qui fait pencher la
balance. Le compte des naissances et des décès ne suffit donc pas pour déduire une
sorte de loi de la nature selon laquelle les villes pré-industrielles auraient immanquable
ment décliné sans apport migratoire, en raison du surplus de décès sur les naissances.
Il est bien sûr paradoxal d'imputer à la seule immigration le déclin naturel des villes.
Car c'est faire peu de cas de la spécificité des comportements démographiques urbains
* Texte présenté à la quatrième rencontre franco-suisse d'histoire économique et sociale, «Le pas
sage des économies traditionnelles européennes aux sociétés industrialisées», Genève, 14-15 mai 1982.
1. Voirie colloque franco-italien de démographie historique «Le fonctionnement démographique
de la ville», tenu à la Baume-les-Aix les 7-8 mai 1981 .
2. Past and Present, n° 7 9, May 1978, pp. 126-138. 582 Alfred PERRENOUD
et des facteurs sociaux. On ne peut non plus conclure à un croît naturel de la popula
tion sédentaire du seul fait que celle-ci présente un excédent de naissances, puisque cet
excédent peut tout aussi bien résulter de l'émigration. Le principal mérite de cette
thèse cependant est de montrer qu'il est indispensable de comparer les comportements
démographiques des sédentaires et des immigrants pour essayer d'en mesurer les inc
idences sur le dynamisme de la population.
Ce «modèle de migration urbaine» proposé par Sharlin en alternative au «modèle
du déclin naturel des villes» est repris par A.M. van der Woude, qui le nuance toutef
ois et le relativise (3).
L'erreur pour van der Woude est d'ériger en loi ce qui peut n'être que contingent et
lié à des conditions particulières. Il en est ainsi des deux thèses en présence. Le modèle
tel qu'il est décrit s'applique peut-être dans certains cas et à certaines époques de st
agnation démographique et de faible croissance urbaine (fin 17ème et 18ème siècles),
mais il se peut qu'en des périodes de forte expansion, comme aux 16ème et 19ème
siècles, l'immigration, loin de freiner l'accroissement naturel des villes, ait au contraire
stimulé celui-ci. Le bilan démographique urbain n'est donc pas fatalement déficitaire
comme l'affirme la thèse classique. S'il en est ainsi aux 17ème et 18ème siècles, c'est
que les immigrants constituent alors une population flottante, instable, formée de
compagnons, d'ouvriers et surtout de domestiques dont le statut implique un célibat
prolongé. La présence de ces éléments non reproductifs, le déséquilibre des sexes défa
vorable aux femmes en surnombre, explique la faible vitalité des villes. A l'inverse, dans
une situation de croissance et d'expansion urbaine, l'immigration sera constituée d'une
majorité d'hommes jeunes, décidés à s'établir, qui vont faire pression sur le marché mat
rimonial. La forte demande va stimuler la nuptialité féminine, réduire le taux de célibat,
abaisser l'âge au mariage, ce qui ne manquera pas de se répercuter sur la natalité et la
fécondité. On arrive ainsi au paradoxe que les villes auraient pu, à certaines époques,
devenir les agents du dynamisme démographique.
Cette thèse remet en question bien des choses. Le modèle implique qu'il n'y a pas
de comportement démographique urbain généralisable. Que les indices démographi
ques selon la résidence urbaine ou rurale établis pour le 1 9ème siècle ne permettent pas
de définir une identité urbaine, caractérisée par une moindre fécondité, une faible nupt
ialité, une mortalité élevée, qui serait valable également en d'autres temps et en d'au
tres lieux.
En apparence, le modèle décrit par van der Woude semble concorder avec l'expé
rience historique des villes hollandaises au 16ème siècle. Mais pour s'en assurer, il faut
aller plus loin et approfondir les mécanismes démographiques du renouvellement ur
bain. Il importe en effet de définir dans quelle mesure c'est la condition sociale ouïe
milieu qui détermine la spécificité urbaine. De vérifier si le comportement des immigrés
s'aligne sur celui des autochtones ou si les nouveaux citadins demeurent imprégnés de
leurs traditions rurales et constituent des ilôts de résistance face à un modèle urbain
qui ne serait alors pas généralisable. Enfin il est nécessaire d'analyser les facteurs qui
doivent être imputés aux variations de comportements. Par exemple, si l'âge au mariage
3. «Population Developments in the Northern Netherlands (1500-1800) and the Validity of the
«Urban Graveyard Effect»», communication présentée au colloque sur «Le fonctionnement démog
raphique de la ville» (à paraître). OU DÉCLIN ? 583 CROISSANCE
s'élève, est-ce en raison d'une modification structurelle de la population, de conditions
économiques, d'un changement de mentalité ou éventuellement d'une baisse de la mort
alité des adultes retardant l'établissement des jeunes ?
Ces questions ne peuvent recevoir de réponse que dans le cadre monographique, et
à ce niveau d'analyse, la reconstitution des familles est une condition presque imperat
ive, en dépit de toutes les contraintes qu'elle implique à l'échelle urbaine. A vrai dire,
cette remise en question de la thèse classique du déclin naturel des villes montre à
l'évidence l'ignorance où nous sommes du fonctionnement démographique urbain.
Néanmoins, des éléments de réponse peuvent être donnés dès à présent. L'exemple
de Genève ayant été cité à plusieurs reprises dans ces études (4), il me paraît utile
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