Cyberespace : le retour de la sociabilité ? - article ; n°1 ; vol.107, pg 21-32
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Communication et langages - Année 1996 - Volume 107 - Numéro 1 - Pages 21-32
Le réseau Internet n'est pas qu'une banque mondiale de données. L'est-il même au premier chef ? N'est-il pas d'abord un lieu de rencontre faisant émerger une nouvelle forme de sociabilité ? Voilà un forum comme un autre, où ce qu'on y cherche et ce qu'on y dit est moins important que le fait d'y être présent t de s'y exprimer. Le succès de ce nouveau lieu d'échange tient moins à sa technologie et à sa richesse en informations qu'à son empathie avec les valeurs les plus prisées du présent, l'égalité et la fraternité. Lilyane Deroche-Gurcel analyse subtilement le non-dit de l'ère des « cybernautes ».
12 pages

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Lilyane Deroche-Gurcel
Cyberespace : le retour de la sociabilité ?
In: Communication et langages. N°107, 1er trimestre 1996. pp. 21-32.
Résumé
Le réseau Internet n'est pas qu'une banque mondiale de données. L'est-il même au premier chef ? N'est-il pas d'abord un lieu de
rencontre faisant émerger une nouvelle forme de sociabilité ? Voilà un forum comme un autre, où ce qu'on y cherche et ce qu'on
y dit est moins important que le fait d'y être présent t de s'y exprimer. Le succès de ce nouveau lieu d'échange tient moins à sa
technologie et à sa richesse en informations qu'à son empathie avec les valeurs les plus prisées du présent, l'égalité et la
fraternité. Lilyane Deroche-Gurcel analyse subtilement le non-dit de l'ère des « cybernautes ».
Citer ce document / Cite this document :
Deroche-Gurcel Lilyane. Cyberespace : le retour de la sociabilité ?. In: Communication et langages. N°107, 1er trimestre 1996.
pp. 21-32.
doi : 10.3406/colan.1996.2652
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1996_num_107_1_2652Cyberespace :
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Le réseau Internet n'est pas qu'une banque mondiale de et de s'y exprimer. Le succès de ce nou
données. L'est-il même au premier chef ? veau lieu d'échange tient moins à sa tech
N'est-il pas d'abord un lieu de rencontre fa nologie et à sa richesse en informations
isant émerger une nouvelle forme de sociab qu'à son empathie avec les valeurs les plus
ilité ? Voilà un forum comme un autre, où prisées du présent, l'égalité et la fraternité.
ce qu'on y cherche et ce qu'on y dit est Lilyane Deroche-Gurcel analyse subtil
ement le non-dit de l'ère des « cybernautes ». moins important que le fait d'y être présent
Du xvie au xvme siècle, l'Europe et la France particulièrement ont
été le lieu où s'est progressivement affirmé et affiné un type de
communication entre les hommes qu'on désigne par le terme de
sociabilité. De Castiglione et Graciân au chevalier de Méré et à
La Rochefoucauld (liste non exhaustive), s'est progressivement
mis en place un protocole qui organise la conversation en
réseau, permettant à chacun des membres de la société d'y
trouver satisfaction sans que cet avantage soit jamais acquis au
détriment d'aucune autre personne de l'assemblée1. Au début
de notre siècle, des auteurs comme Tarde et Simmel ont étudié,
par-delà ses variations historiques, les constantes anthropolo
giques de la sociabilité.
Nous nous proposons ici de mettre brièvement à l'épreuve des
nouvelles données à la fois technologiques et culturelles des
années 1990, le modèle de la sociabilité édifié par Simmel. Plus
précisément, en nous référant aux quelques éléments connus sur
la mise en place des autoroutes de l'information et du réseau
Internet qui en constitue une première ébauche, nous essaierons
1. Parmi la grande diversité des références possibles, citons ce propos de J. de La
Bruyère, De la société et de la conversation, XXXII ; « // me semble que l'esprit de poli
tesse est une certaine attention à faire que, par nos paroles et par nos manières, les
autres soient contents de nous et d'eux-mêmes. » 22 Communication
de voir dans quelle proportion le modèle classique de la sociabilité
réussit à perdurer à l'époque de l'informatique omniprésente, de
distinguer si l'on détecte des phénomènes de rupture, et si d'aven
ture l'utilisation de l'informatique par les individus accomplit la
sociabilité en la mettant à l'abri des éléments qui, dans le modèle
classique, en suggèrent la précarité. Une de nos hypothèses tient
dans cette idée que l'usage d'Internet et la vogue des « forums »
qui en constituent un aspect significatif satisfait à un requisit fo
ndamental de la sociabilité que Simmel, à la suite des auteurs clas
siques, exprime en ces termes : « Chacun devrait obtenir autant
de satisfaction de ce besoin (de sociabilité) qu'il est possible de
concilier avec celle de tous les autres (. . .) La joie de l'individu part
iculier est absolument liée au fait que les autres soient également
à leur aise. Dans ce cas, personne ne saurait éprouver de satis
faction au prix de sentiments entièrement contraires à ceux de
l'autre.2 » Si l'on se reporte au mode de fonctionnement des
« forums » sur Internet, on observe l'efficacité de ce que les initiés
appellent la « Netiquette » : il s'agit d'un ensemble de règles de
bonne conduite destiné à assurer le respect mutuel des interve
nants. Souvent, l'intervention d'un médiateur permet de ne pas
sombrer dans la violence verbale ou les excès divers qui auraient
rapidement raison de l'urbanité de l'échange.
RÉSEAUX ET COMMUNAUTÉS
Si le modèle simmélien constitue le fonds dans lequel nous allons
largement puiser, la méthode que nous adoptons s'inspire explic
itement de Weber. En effet, il ne s'agit pas pour nous de donner à
entendre qu'un réseau, comme Internet, s'assimile expressément
à un réseau de sociabilité - comme ses utilisateurs, nous serons
bien inspirés de ne pas méconnaître la fonction dont il se prévaut :
K un moyen de communication d'informations multimédia reposant
S sur la numérisation des données et l'interactivité, associant son
w image et texte ; cependant la sociabilité, comme type idéal pur,
H sera le prisme à travers lequel certains comportements des
g1 « cybernautes » révéleront des aspects significatifs de leur sens3,
«s
■s
§ 2. G. Simmel, Sociologie et épistémologie, « La Sociabilité, étude de sociologie pure »,
"■S pp. 127, 128, P.U.F., 1981.
■y 3. Notre démarche est à entendre dans la perspective énoncée par Weber dans Écono-
§ mie et société : « Que l'objet de son étude soit rationnel ou irrationnel, la sociologie
£ s'éloigne de la réalité et rend service à la connaissance en ce sens que, en indiquant le
§ degré de l'approximation d'un événement historique [ici Internet] relativement à un ou
O plusieurs concepts [ici la sociabilité], elle permet d'intégrer cet événement. » Cyberespace : le retour de la sociabilité ? 23
L'écart de la sociabilité, comme type idéal par rapport à la réalité
d'Internet, impose le projet non pas de donner une photographie de
ce réseau, une duplication de sa réalité, mais de proposer à son
sujet des éléments de compréhension du sens qu'il revêt pour ses
acteurs. Nous considérons ici la sociabilité comme un type idéal au
sens précis que confère Weber à ce terme. Les contresens à ce
sujet sont assez nombreux pour justifier une précision nécessaire
que nous empruntons à F. Chazel4 : « On court (...) le risque
d'interpréter en termes absolus le type idéal si on le coupe de
l'arrière-plan historique par rapport auquel il a été construit et for
mulé. Comme l'implique en effet la méthodologie wébérienne, le
seul mode d'utilisation pertinent du type idéal est la méthode des
écarts, consistant à apprécier le degré de parenté de la réalité
observée par rapport au type idéal qui sert en quelque sorte d'éta
lon de mesure. » II s'agit bien pour nous d'esquisser une analyse
socio-historique qui tâche d'évaluer l'écart « i-e » : la distance et la
proximité qu'on peut observer entre la sociabilité comme type
idéal, et le protocole Internet comme réalité historiquement située.
Ces quelques considérations de méthode une fois posées, reve
nons à la réalité historique empirique : qu'il y ait collusion mani
feste entre le phénomène Internet et la sociabilité, c'est ce que
donne à entendre un célèbre chercheur du MIT5, lui-même
grand utilisateur de ce réseau, en disant que « la véritable valeur
d'un réseau réside moins dans l'information qu'il transporte que
dans

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