D une symétrie à l autre : l influence de l Enfer de Marot sur le Tiers Livre de Rabelais - article ; n°1 ; vol.58, pg 23-41
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D'une symétrie à l'autre : l'influence de l'Enfer de Marot sur le Tiers Livre de Rabelais - article ; n°1 ; vol.58, pg 23-41

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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 2004 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 23-41
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Hozumi Orii
D'une symétrie à l'autre : l'influence de l'Enfer de Marot sur le
Tiers Livre de Rabelais
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°58, 2004. pp. 23-41.
Citer ce document / Cite this document :
Orii Hozumi. D'une symétrie à l'autre : l'influence de l'Enfer de Marot sur le Tiers Livre de Rabelais. In: Bulletin de l'Association
d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°58, 2004. pp. 23-41.
doi : 10.3406/rhren.2004.2610
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_2004_num_58_1_2610D'une symétrie à l'autre :
l'influence de YEnfer de Marot sur le Tiers Livre de Rabelais
La structure du Tiers Livre est-elle vraiment symétrique ? Bien que la
plupart des critiques conçoivent encore des doutes, le schéma proposé par
E. Duval permet de bien expliquer, nous semble-t-il, la disposition des
épisodes et le sens profond de l'épisode « central »1. Or nous avons montré
que YEnfer de Clément Marot a une symétrie parfaite2. On peut alors se
demander si Rabelais n'a pas écrit son troisième roman sous l'influence de
ce poème satirique. L'influence ne se limite sans doute pas à la simple
exploitation de la structure, on peut aussi estimer que Rabelais s'est
inspiré du contenu du poème. Par exemple, l'éloge des dettes par Panurge
ressemble curieusement à la théorie économique du Ministre d'Enfer ; de
même que Panurge parle du destin d'une âme enlevée par les diables,
Marot décrit le destin d'une âme convoquée devant le juge d'Enfer ; la
consultation de l'occultiste diabolique fait penser à l'interrogatoire du juge
diabolique ; l'éloge du Pantagruélion possède plusieurs points communs
avec celui de Marguerite. Il est donc possible que la composition du Tiers
Livre soit fondée sur celle de YEnfer3. Nous comparerons ces deux textes
afin de vérifier cette hypothèse.
La « consommation » de Panurge et le Pantagruélion incombustible
Le deuxième chapitre du Tiers Livre est intitulé « Comment
Panurge feut faict chastellain de Salmiguondin en Dipsodie, et mangeoit
son bled en herbe » et le dernier « Comment certaine espèce de
Nous reprenons ici l'essentiel d'un article écrit en japonais et paru en 2001 : « Le
Tiers Livre de Rabelais et YEnfer de Marot», Études de langue et littérature
françaises, 32, Société des études de langue et littérature françaises de l'Université
de Kyoto, p. 13-42. Nous citons le texte de Marot d'après les Œuvres poétiques, éd.
G. Defaux, Classiques Garnier, 2 vol., Paris, Bordas-Dunod, 1990 et 1993, et le texte
de Rabelais d'après Les Cinq Livres, éd. J. Céard, G. Defaux, M. Simonin, La
Pochothèque, Paris, Librairie Générale Française, 1994.
1. E. Duval, « Panurge, Perplexity and the Ironie Design of Rabelais's Tiers Livre »,
Renaissance Quarterly, 35, 1982, p. 381-400.
2. « La structure de YEnfer de Clément Marot », Réforme, Humanisme, Renaissance,
55, 2002, p. 7-24.
3. Voir le schéma de correspondance qui se trouve à la fin de cet article.
RHR58- Juin 2004 HOZUMI ORII 24
Pantagruélion ne peut estre par feu consommée ». Ils se font pendant,
chacun ayant trait à la consommation ou à la consumation d'une herbe.
Dans l'Enfer, le début du long discours explicatif du Ministre d'Enfer (v.
39-63) correspond à la fin de la longue apologie de Marot (v. 427-452).
Minos, juge des limbes, et le Christ, libérateur des limbes, sont en effet
disposés en deux endroits symétriques.
Salmigondin / les faubourgs d'Enfer
Dès que Marot entre dans l'Enfer, il demande à son guide pourquoi on
entend tant de bruit. Ce dernier lui répond :
Sans croyre le rebours,
Saiche, qu'icy sont d'Enfer les fauxbourgs,
Où bien souvent s'eslieve ceste feste :
Laquelle sort plus rude, que tempeste,
De l'estomach de ces gens, que tu voys. (v. 39-43)
Quant à Panurge, il fait fondre trois ans de revenus de son domaine en
moins de quatorze jours, car il dépense son argent «en mille petitz
bancquetz et festins joyeulx ». On observe donc dans les deux textes les
thèmes du festin et de la consommation excessive. Pantagruel conseille
ensuite à son valet d'économiser. Le reste du deuxième chapitre est ainsi
entièrement consacré à l'économie domestique. Ce thème se trouve
également dans le discours du Ministre d'Enfer :
Là sans argent paouvreté n'a raison :
Là se destruict maincte bonne maison, (v. 55-56)
Enfin, malgré la remarque de Pantagruel, Panurge se justifie par des
arguments sophistiques, qui annoncent l'éloge paradoxal des dettes. Le
début du discours du Ministre d'Enfer suit le même schéma, car après la
description des faubourgs d'Enfer vient justement la théorie économique
paradoxale. En somme, il y a plusieurs thèmes communs entre l'adminis
tration de Panurge et celle de Minos : le festin, la consommation excessive
et la faillite de l'économie domestique.
Le Pantagruélion Asbeston / le Christ
Marot aurait pu être brûlé s'il avait été reconnu coupable, mais il
croyait fermement que le roi François le sauverait de l'Enfer comme le
Christ :
Car ta prison liberté luy seroit,
Et, comme CHRIST, les Ames poulseroit
Hors des Enfers, sans t'en laisser une Umbre. (v. 441-443)
En descendant aux enfers, le Christ est capable de libérer les âmes des
morts et de ressusciter comme un phénix. Dans le Tiers Livre, le tissu du
Pantagruélion Asbeston sert à préserver les cendres de la dépouille en les DE VENFER DE MAROT AU TIERS LIVRE DE RABELAIS 25
séparant des cendres du bûcher funéraire, car s'il est jeté dans le feu
dévorant, le Pantagruélion Asbeston y est plutôt rénové et purifié que
corrompu ou altéré. L'incombustibilité de cette herbe mystérieuse rappelle
donc l'immortalité du Christ. Par ailleurs, de même que Marot compare
François Ier avec le Christ, Rabelais compare la salamandre et le
Pantagruélion ; or le roi avait pour emblème une sortant des
flammes.
Les deux éloges
Les critiques pensent en général que l'éloge des dettes et celui du
Pantagruélion se font pendant. Or, dans l'Enfer, deux parties
symétriquement disposées semblent correspondre à ces deux éloges : l'une
est la théorie économique paradoxale du Ministre d'Enfer (v. 64-86) et
l'autre l'éloge de Marguerite (v. 407-426). Dans ces deux parties se
manifestent les thèmes du profit, du dommage et de la circulation entre la
terre et l'Enfer ou entre la terre et le Ciel.
L'éloge des dettes / la théorie économique de l'Enfer
L'éloge des dettes comporte trois parties : une longue introduction,
ensuite, Panurge parle de l'horreur d'un monde sans dettes, enfin il décrit
le charme d'un monde où tous sont débiteurs ou prêteurs. Parallèlement,
le Ministre d'Enfer précise d'abord que le profit des suppôts d'Enfer vient
de la discorde entre les hommes (v. 64-66). Puis il parle de l'ennui d'un
monde sans méchanceté : un monde en paix est anormal, fatalement,
quelqu'un doit commencer à nuire avant les autres; la monnaie commence
ainsi à circuler (v. 67-74). Enfin, il dit qu'il apprécie de nouveau le monde
actuel, qui est plein de méchanceté (v. 75-80). On observe le même
enchaînement dans les deux théories économiques paradoxales.
De plus, dans son deuxième argument, le Ministre d'Enfer analyse le
mécanisme économique régi par la méchanceté des hommes : « quelcun à
quelcque aultre mefface, / Avant que nul jamais proffict en face ». Et c'est
justement dans son deuxième argument que Panurge parle lui aussi de la
méchanceté :
Brief de cestuy monde seront bannies Foy, Espérance, Charité. [...] En lieu
d'elles succéderont Defiance, Mespris, Rancune, avecques la cohorte de tous
maulx, toutes maledictions, et toutes misères. [...] Les hommes seront loups es
hommes, (ch. 3, 93)
On trouve donc dans les deux textes le même thème, homo homini
lupus.
Après avoir exposé sa théorie économique, le Ministre d'Enfer dit qu'il
faut envoyer les malfaiteurs en Enfer (v. 81-86). Quant à Pantagruel, 26 HOZUMI ORII
aprè

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