Des stratégies d opposition sous Louis XV : l affaire des Avocats, 1730-31 - article ; n°4 ; vol.9, pg 567-590
25 pages
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Des stratégies d'opposition sous Louis XV : l'affaire des Avocats, 1730-31 - article ; n°4 ; vol.9, pg 567-590

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Description

Histoire, économie et société - Année 1990 - Volume 9 - Numéro 4 - Pages 567-590
Abstract In the fall of 1730, the French crown attempted to suppress a printed legal brief, written by a Jansenist barrister, which appeared to challenge the theoretical foundations of the monarchy. The brief had claimed, among other things, that «laws are contracts between those who govern and those who are governed». Its condemnation unleashed a period of confrontation between the crown and Paris bar which culminated in a lengthy strike in 1731. The episode demonstrates the sharp limits on royal power in the eighteenth century, and the way in which relatively humble subjects could, using a repertory of carefully developed strategies, draw the ministry into a political morass from which it would eventually seek to emerge at any price. It also marks the emergence of a new professional group - the barristers - into the French political scene.
Résumé En automne 1730, la couronne chercha à supprimer un mémoire judiciaire, écrit par un avocat janséniste, qui paraissait mettre en cause les fondements théoriques de la monarchie. Le mémoire avança plusieurs propositions, et notamment que «les Loix sont de véritables conventions entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés». La condamnation royale du texte provoqua une confrontation entre la couronne et le barreau de Paris qui se termina par une grève longue en 1731. L'épisode révèle les limites du pouvoir politique de la monarchie, et la capacité d'un groupe de sujets relativement humbles, par l'emploi d'un éventail de stratégies sophistiquées, à entraîner le gouvernement dans un bourbier politique dont il chercherait bientôt à sortir à tout prix. Il souligne également l'essor des avocats dans la vie politique française.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

David A. Bell
Des stratégies d'opposition sous Louis XV : l'affaire des
Avocats, 1730-31
In: Histoire, économie et société. 1990, 9e année, n°4. pp. 567-590.
Résumé En automne 1730, la couronne chercha à supprimer un mémoire judiciaire, écrit par un avocat janséniste, qui paraissait
mettre en cause les fondements théoriques de la monarchie. Le avança plusieurs propositions, et notamment que «les
Loix sont de véritables conventions entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés». La condamnation royale du texte
provoqua une confrontation entre la couronne et le barreau de Paris qui se termina par une grève longue en 1731. L'épisode
révèle les limites du pouvoir politique de la monarchie, et la capacité d'un groupe de sujets relativement humbles, par l'emploi
d'un éventail de stratégies sophistiquées, à entraîner le gouvernement dans un bourbier politique dont il chercherait bientôt à
sortir à tout prix. Il souligne également l'essor des avocats dans la vie politique française.
Abstract In the fall of 1730, the French crown attempted to suppress a printed legal brief, written by a Jansenist barrister, which
appeared to challenge the theoretical foundations of the monarchy. The brief had claimed, among other things, that «laws are
contracts between those who govern and those who are governed». Its condemnation unleashed a period of confrontation
between the crown and Paris bar which culminated in a lengthy strike in 1731. The episode demonstrates the sharp limits on
royal power in the eighteenth century, and the way in which relatively humble subjects could, using a repertory of carefully
developed strategies, draw the ministry into a political morass from which it would eventually seek to emerge at any price. It also
marks the emergence of a new professional group - the barristers - into the French political scene.
Citer ce document / Cite this document :
A. Bell David. Des stratégies d'opposition sous Louis XV : l'affaire des Avocats, 1730-31. In: Histoire, économie et société.
1990, 9e année, n°4. pp. 567-590.
doi : 10.3406/hes.1990.1561
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1990_num_9_4_1561DES STRATEGIES D'OPPOSITION SOUS LOUIS XV
L'AFFAIRE DES AVOCATS, 1730-31*
par David A. BELL
Résumé
En automne 1730, la couronne chercha à supprimer un mémoire judiciaire, écrit par un avocat
janséniste, qui paraissait mettre en cause les fondements théoriques de la monarchie. Le mémoire
avança plusieurs propositions, et notamment que «les Loix sont de véritables conventions entre ceux
qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés». La condamnation royale du texte provoqua une
confrontation entre la couronne et le barreau de Paris qui se termina par une grève longue en 1731.
L'épisode révèle les limites du pouvoir politique de la monarchie, et la capacité d'un groupe de sujets
relativement humbles, par l'emploi d'un éventail de stratégies sophistiquées, à entraîner le
gouvernement dans un bourbier politique dont il chercherait bientôt à sortir à tout prix. Il souligne
également l'essor des avocats dans la vie politique française.
Abstract
In the fall of 1730, the French crown attempted to suppress a printed legal brief, written by a
Jansenist barrister, which appeared to challenge the theoretical foundations of the monarchy. The brief
had claimed, among other things, that «laws are contracts between those who govern and those who
are governed». Its condemnation unleashed a period of confrontation between the crown and Paris bar
which culminated in a lengthy strike in 1731. The episode demonstrates the sharp limits on royal
power in the eighteenth century, and the way in which relatively humble subjects could, using a
repertory of carefully developed strategies, draw the ministry into a political morass from which it
would eventually seek to emerge at any price. It also marks the emergence of a new professional
group - the barristers - into the French political scene.
Au mois d'octobre 1730, un petit pamphlet de sept pages parut à Paris, signé par
quarante avocats. A première vue, il n'avait rien de particulièrement attrayant pour des
lecteurs inavertis. Tant s'en faut. Son titre était, pour n'en citer que le début, Mémoire
pour les sieurs Samson Curé ďOlivet, Coiiet Curé de Darvoi, Gaucher Chanoine de
Jargeau, Diocèse d'Orléans, & autres Ecclésiastiques de différens Diocèses1. Ecrit
dans un style sec et juridique, il n'avait pour objet que de rappeller un élément bien
connu de la jurisprudence française : la compétence des parlements en matière d'abus
ecclésiastique2. Ce pamphlet paraissait donc être un exemple banal du genre nommé le
factum - c'est-à-dire, un mémoire publié dans le cadre d'un procès et destiné en pre
mier lieu aux juges3.
* Nous remercions Monsieur Joël Félix, qui a revu notre texte français. 568 HISTOIRE ECONOMIE ET SOCIETE
Cependant, ce factum particulier n'avait rien d'ordinaire, car au milieu des obser
vations sur le droit canon et des citations d'arrêts parlementaires, il avançait des
propos qui, dans la France de Louis XV, étaient séditieux, voire rebelles. Il affirmait
que, «Suivant les Constitutions du Royaume, les Parlemens sont le Sénat de la Nat
ion, pour rendre au nom du Roy qui en est le chef, la Justice à ses sujets»4. Et plus
loin que «Les Loix sont de véritables conventions entre ceux qui gouvernent & ceux
qui sont gouvernés»5. En outre, il constatait que le pouvoir de l'Eglise était purement
spirituel6. Face à un tel défi, le Conseil d'Etat ne tarda pas à qualifier ce mémoire de
«criminel», et le supprima le 30 octobre 1730. En outre, le conseil exigea que les qua
rante signataires rétractent ou désavouent l'œuvre dans un délai de quarante jours,
sous peine d'être suspendus de leurs fonctions7.
Cet arrêt a marqué le début de ce qu'on a appelé «l'affaire des avocats». C'est
une affaire qui, malgré le délai de quarante jours, a duré plus de quatorze mois, une
affaire qui, malgré cette origine obscure, a entraîné l'intervention du Parlement de Par
is et des plus importants prélats du royaume. C'était encore une affaire qui a sens
iblement réchauffé les disputes autour du jansénisme, dont les avocats parisiens allaient
devenir temporairement les principaux défenseurs laïcs8, surtout sur une affaire au
cours de laquelle la monarchie française, malgré des efforts considérables, allait
s'avérer incapable de contenir l'action d'une poignée d'individus apparemment peu
influents sur la scène politique. En fait, à travers «l'affaire des avocats», on peut voir
combien la monarchie de l'époque, malgré son autorité théoriquement absolue et ses
capacités administratives considérables, pouvait souffrir d'une remarquable faiblesse
politique. Dans le long combat que Louis XV et ses ministres menaient pour affermir
l'autorité de la couronne et mettre en place une gestion plus administrative que judi
ciaire, ils se heurtaient toujours à un obstacle que l'affaire des avocats met en relief: si
le monde judiciaire voulait résister obstinément aux actions soit du gouvernement soit
de l'église, le gouvernement n'avait finalement pour ressource qu'un coup de force
brutal et impopulaire, tel celui asséné par Maupeou en 1771. Si la couronne hésitait
devant cette échéance - et elle hésitait souvent, même quand l'opposition venait non
pas des magistrats, mais d'un groupe inférieur tel que les avocats - elle se rendait im
puissante. Pour ces raisons, l'affaire en dit long sur l'incapacité de la monarchie à
maîtriser l'échiquier politique tout au long du dix-huitième siècle. Elle met également
en évidence un groupe professionnel - les avocats - qui allaient, soixante ans plus tard,
dominer les assemblées révolutionnaires9.
Pourquoi «l'affaire des avocats» n'a-t-elle pas suscité plus d'intérêt de la part des
historiens ?10 La raison tient à ce que ses résultats immédiats étaient confus et ambi
gus. Une première lecture des sources imprimées donne même l'impression que
l'affaire n'a pas eu de grandes conséquences sur le plan politique. L'arrêt du Conseil
du 1er décembre 1731 qui marque la fin de celle-ci la présente sous l'angle d'un
simple malentendu11. Mais ce document - comme la plupart des pièces de l'affaire -
est tro

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