Égalité démocratique et inégalités sociales. Le débat à Athènes au IVème siècle - article ; n°2 ; vol.2, pg 195-206
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Description

Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1987 - Volume 2 - Numéro 2 - Pages 195-206
Égalité démocratique et inégalités sociales (pp. 165-176 & 195-206)
La démocratie athénienne était fondée sur Yisonomie, l'égalité par et devant la loi. Au IVème siècle cependant, l'aggravation des inégalités sociales amène hommes politiques et théoriciens à s'interroger sur l'égalité. Deux discours de Démosthène, le Contre Leptine et le Contre Midias résument le débat qui divisait les hommes politiques: les inégalités de fortune et la pratique des «honneurs» étaient-elles nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie, ou faussaient-elles au contraire le jeu des institutions? Une réponse affirmative à cette dernière question n'entraînait pas cependant une quelconque revendication sociale: seule l'égalité devant la loi devait être respectée. Les théoriciens en revanche ne méconnaissaient pas la gravité des inégalités sociales, et certains, comme Platon, allaient jusqu'à envisager des solutions radicales, concernant en particulier la répartition de la terre. Mais, Platon comme Aristote contestaient en revanche l'égalité «arithmétique» qui gommait les inégalités «naturelles», lui préférant l'égalité «géométrique», proportionnelle au mérite pour ce qui était des responsabilités politiques, seule la cité idéale formée de «semblables» pouvant accepter l'égalité absolue entre tous les membres de la communauté civique.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Claude Mossé
Égalité démocratique et inégalités sociales. Le débat à Athènes
au IVème siècle
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 2, n°2, 1987. pp. 195-206.
Résumé
Égalité démocratique et inégalités sociales (pp. 165-176 & 195-206)
La démocratie athénienne était fondée sur Yisonomie, l'égalité par et devant la loi. Au IVème siècle cependant, l'aggravation des
inégalités sociales amène hommes politiques et théoriciens à s'interroger sur l'égalité. Deux discours de Démosthène, le Contre
Leptine et le Contre Midias résument le débat qui divisait les hommes politiques: les inégalités de fortune et la pratique des
«honneurs» étaient-elles nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie, ou faussaient-elles au contraire le jeu des
institutions? Une réponse affirmative à cette dernière question n'entraînait pas cependant une quelconque revendication sociale:
seule l'égalité devant la loi devait être respectée. Les théoriciens en revanche ne méconnaissaient pas la gravité des inégalités
sociales, et certains, comme Platon, allaient jusqu'à envisager des solutions radicales, concernant en particulier la répartition de
la terre. Mais, Platon Aristote contestaient en revanche l'égalité «arithmétique» qui gommait les inégalités «naturelles»,
lui préférant l'égalité «géométrique», proportionnelle au mérite pour ce qui était des responsabilités politiques, seule la cité idéale
formée de «semblables» pouvant accepter l'égalité absolue entre tous les membres de la communauté civique.
Citer ce document / Cite this document :
Mossé Claude. Égalité démocratique et inégalités sociales. Le débat à Athènes au IVème siècle. In: Mètis. Anthropologie des
mondes grecs anciens. Volume 2, n°2, 1987. pp. 195-206.
doi : 10.3406/metis.1987.890
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1987_num_2_2_890ÉGALITÉ DÉMOCRATIQUE ET INÉGALITÉS SOCIALES
LE DÉBAT A ATHÈNES AU IVème SIÈCLE
Dans la première partie de ce travail*, on s'est efforcé de dégager la
manière dont était posé le problème de l'égalité dans le discours politique
à Athènes au IVème siècle. Politiquement, l'égalité est le fondement
même du régime. Mais elle s'accommode d'une certaine forme d'inégalité
qu'introduit la pratique des honneurs, reconnaissance du mérite des
citoyens, indépendamment de leur naissance ou de leur fortune1. Au
IVème siècle, toutefois, ce qui, à travers l'Oraison funèbre de Périclès,
apparaissait comme la loi même de la démocratie a désormais besoin
d'être justifié, dans la mesure où ces honneurs sont contestés. Le Contre
Leptine de Démosthène et le Contre Midias du même Démosthène four
nissent à cet égard les éléments du débat, le premier réaffirmant contre
Leptine et ses amis la nécessité de ces privilèges liés au mérite et aux bienf
aits, le second au contraire les contestant comme minant l'égalité démoc
ratique. Mais à l'inégalité que crée la pratique des honneurs s'ajoute
l'inégalité grandissante des fortunes. Et là encore, à ceux qui la justifient
au nom des bienfaits que les riches offrent à la cité s'opposent ceux qui la
critiquent dans la mesure où, par le biais de la corruption, elle sape l'égal
ité politique en faussant le fonctionnement des institutions. Néanmoins,
l'affirmation des méfaits causés par la concentration des richesses aux
mains de quelques uns ne débouche pas sur une quelconque revendication
sociale. Seule l'application stricte de la loi est réclamée, pour rétablir l'iso-
nomie, fondement de la démocratie.
* Voir, Métis, H, 1, 1987, pp. 165-176.
1. Sur les honneurs, en particulier les honneurs épulaires, voir maintenant la thèse de
Pauline Schmitt-Pantel, La cité au banquet. Histoire des repas publics dans les cités grec
ques, ex. dact., Lyon, 1987. CLAUDE MOSSÉ 196
Mais si le problème posé par l'inégalité croissante des fortunes ne se tra
duit dans le discours politique par aucune revendication égalitaire, il sem
ble en revanche occuper une place importante dans la réflexion théorique.
Un rapide relevé des occurences d'1'σος et de ses dérivés en témoigne. Il
vaut donc la peine de regarder de plus près comment les théoriciens du
IVème siècle -en l'occurrence, Platon et Aristote- ont posé le problème
de l'égalité.
Platon nous retiendra d' abord, à travers trois de ses dialogues, le Gorg
ias, la République et les Lois. On connaît le thème du Gorgias: l'utilité de
la rhétorique comme préparation à l'exercice de la vie politique , l'occasion
d'un tel débat étant la venue à Athènes du célèbre rhéteur sicilien. C'est la
remarque de Socrate affirmant que l'homme politique ne saurait se passer
de la connaissance de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas qui va provo
quer l'intervention fracassante de Calliclès et la célèbre diatribe contre la
fausse égalité démocratique. Derrière le personnage de Calliclès, salué
par Socrate comme étant «l'amoureux du démos», se profile le double
visage du sophiste et du démagogue2. Mais ce démagogue n'en méprise pas
moins la foule ignorante qu'il flatte pour mieux la berner. Et c'est le
sophiste qui parle lorsqu'il affirme que l'égalité démocratique n'est en fait
que la loi des faibles qui forment la majorité (οί ασθενείς άνθρωποι και οί
πολλοί) et font régner la terreur parmi les meilleurs, ceux qui ont la puis
sance et la richesse, et auxquels on démontre qu'il est honteux (αισχρόν)
et injuste (άδικο v) de s'élever au dessus des autres. Dans tout ce dévelop
pement (481 sqq.), Calliclès oppose la loi démocratique qui repose sur το
ϊσον εχειν présenté comme l'expression du juste (τό δίκαιον) au droit
naturel (τό δίκαιον φύσει) qui implique au contraire que les plus forts aient
davantage que les autres (τό πλέον εχειν). A Socrate qui lui demande ce
qu'il entend par τό πλέον εχειν, Calliclès finit par répondre qu'il s'agit
d'abord du pouvoir politique, c'est-à-dire de Γάρχή et de la participation
aux affaires de la cité (484 a; 490 ab).
La réfutation de Socrate va consister à se placer sur le terrain même de
son interlocuteur. S'il est juste que selon la nature les plus forts aient plus
que les autres, et si d'autre part on admet que le grand nombre (οί πολλοί)
est par nature plus fort que l'homme seul, alors il est normal que ce grand
2. On s'est beaucoup interrogé pour savoir si Calliclès était un personnage réel ou une
création de Platon. Il importe peu, car les propos que lui prête le philosophe et qui se
retrouvent chez Thrasymaque (cf. infrà), qui, lui, est un personnage réel, expriment
l'opinion de tout un courant de la sophistique. Cf. sur ce point en dernier lieu le livre de
G. Kerferd, The Sophistic Movement, Cambridge, 1981, pp. 111 sqq. ÉGALITÉ DÉMOCRATIQUE ET INÉGALITÉS SOCIALES 197
nombre impose sa loi à la cité, une loi qui affirme que le juste se confond
avec l'égalité (δίκαιον είναι το ϊσον εχειν). Calliclès est pris à son propre
piège, puisque les critères sur lesquels il fonde la supériorité des plus forts
aboutissent à justifier la démocratie égalitaire3. Il est évident que pour
Socrate, ce sont les critères qui sont faux, et c'est à la recherche des quali
tés qui fondent le droit à accéder à Γ αρχή qu'il invite ses interlocuteurs,
abandonnant le problème de l'égalité qui ne réapparaîtra qu'à la fin du dia
logue sous la forme de cette γεωμετρική ΐσότης, cette égalité géométrique
sur laquelle repose l'ordre du monde, et qui s'oppose à la πλεονεξία reven
diquée par Calliclès (508a). A ceux qui comme Calliclès affirment que
l'égalité n'est qu'une convention imposée par la loi des plus faibles et qui
prônent le respect des inégalités naturelles, Platon n'oppose pas l&

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