Forme et fonction du sacré chez les Paiwan de Formose - article ; n°1 ; vol.41, pg 153-168
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Forme et fonction du sacré chez les Paiwan de Formose - article ; n°1 ; vol.41, pg 153-168

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Archipel - Année 1991 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 153-168
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Chantal Zheng
Forme et fonction du sacré chez les Paiwan de Formose
In: Archipel. Volume 41, 1991. pp. 153-168.
Citer ce document / Cite this document :
Zheng Chantal. Forme et fonction du sacré chez les Paiwan de Formose. In: Archipel. Volume 41, 1991. pp. 153-168.
doi : 10.3406/arch.1991.2717
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1991_num_41_1_2717Chantai ZHENG
Forme et fonction du sacré chez les
Paiwan de Formose
Les populations autochtones de Formose, dont l'origine est encore incer
taine, ne constituent plus désormais que 4 ou 5% de la population de l'île. Elles
ont été repoussées au plus profond des montagnes, tandis que des peuples
étrangers (Portugais, Hollandais, Japonais et surtout Chinois) occupaient suc
cessivement le territoire. Certains groupes se sont éteints, d'autres ont
fusionné, d'autres encore ont subi peu à peu les effets de l'acculturation chi
noise. Entre 1896 et 1935, nombre de tentatives ont été faites pour classer
ces sociétés et débrouiller l'écheveau des langues et des coutumes, à l'issue
desquelles, une liste de dix groupes fut élaborée. Rassemblées sous le nom
de Gaoshan (Montagnards), les dix sociétés aborigènes de Taiwan constituent
une branche de la famille linguistique austronésienne et représentent l'une
des 55 minorités de la Chine.
Au cours des vingt dernières années, l'essor économique de l'île n'a pas
manqué de toucher les régions aborigènes dans leur ensemble. Comme les
autres groupes, les Paiwan désertent de nos jours massivement les villages
au profit des villes où ils ont de meilleures chances de développement. Chasse
et pêche qui jadis étaient le fondement de leur économie, ne constituent plus
qu'un passe-temps. Et s'ils sont encore majoritairement cultivateurs, les Pai
wan voient de plus en plus leurs jeunes générations se diriger vers les usines
et les chantiers des plaines chinoises. Dès lors, les villages de montagne sont
devenus des réserves protégées vieillissant doucement autour des centenai
res qui constituent actuellement l'essentiel de leur population.
Mais tandis que les conditions économiques et matérielles et l'hygiène de
ces régions s'améliorent, le progrès entraine de concert un processus de mutat
ion sociale, politique et économique irréversible. Déjà le paiwan, langue sans
écriture, qui a été supplanté par le japonais au cours de 50 ans de colonisat
ion, puis par le chinois, est de moins en moins pratiqué. Alors que grands-
parents et petits-enfants paiwan ne se comprennent déjà plus, les chercheurs
commencent seulement à s'interroger sur les pratiques antiques, la tradition
et la mémoire du groupe et l'on craint à terme les redoutables effets de
l'acculturation. 154
Pourtant, longtemps isolé, le groupe paiwan (*) (voir Fig.l), retranché dans
les montagnes du Sud de l'île, n'a véritablement commencé à subir l'influence
culturelle du voisin japonais ou chinois que depuis moins d'un siècle. Ceci expli
que qu'il présente encore intacts des éléments de son passé religieux qui nous
instruisent sur son système de représentations symboliques et sur sa concep
tion du sacré dont le substrat, animiste, subsiste encore de nos jours dans
le quotidien, résistant au processus de sinisation et de christianisation en cours.
Selon toute apparence, officiellement, les médecins et les dispensaires chi
nois ont désormais remplacé les guérisseurs d'antan et les prêtres chrétiens
privent chaque jour un peu plus les spécialistes traditionnels du sacré de leurs
prérogatives W. Mais les traditions sont encore trop fraîches pour que le peu
ple paiwan les ait complètement abandonnées ou même oubliées. Et s'il advient
qu'on les prie de conter leur art et leurs pratiques, magiciennes ou chamanes
paiwan extraient avec enthousiasme et émotion leur matériel soigneusement
rangé dans un tiroir, laissé inemployé disent-elles, depuis cinq, dix, ou même
quinze ans, mais singulièrement bien conservé, comme s'il n'avait jamais cessé
de servir. C'est alors qu'une partie de l'univers mental et du passé du groupe
nous est dévoilé.
On a souvent décrit dans les sociétés dites « primitives » ce que l'on nomme
les sorciers, magiciens, guérisseurs, medecine-men, prêtres, devins et chaman
es, qui sont des personnages auréolés d'un grand pouvoir et jouissant du res
pect des autres membres de la communauté. Ils appartiennent souvent à des
lignées, et parfois constituent à eux seuls une classe sociale. Pivot essentiel
des sociétés, ils sont les détenteurs des clefs de l'univers magico-religieux et
les intermédiaires suprêmes entre nature et surnature. Mais ces termes, dont
les champs sémantiques restent flous, recouvrent des réalités qui peuvent être
différentes. La notion même de chamane, comme le souligne Mircea Eliade,
est complexe et imprécise (3). S'il est magicien, guérisseur et même devin,
cet acteur du sacré est distinct des autres catégories en cela même qu'il capi
talise une autre activité : celle de psychopompe, qui ne se réalise que par une
expérience extatique. C'est pourquoi, sa présence n'est pas forcément attes
tée simultanément à celle des magiciens et autres spécialistes du sacré.
Chez les Paiwan, on constate qu'il existe aussi plusieurs classes de spécia
listes du sacré. Des enquêtes réalisées tant chez les Paiwan de l'Est que chez
les Paiwan de l'Ouest (4) ont fait ressortir deux catégories principales : celle
des prêtres : palakalai et celle des chamanes : kilavu <5). On va voir que, dans
le cadre de ces deux catégories, techniques et attributions présentent un cer
tain nombre de points communs. Toutefois, tandis que le palakalai a pour
charge principale les cultes publics, magiciennes et chamanes gèrent plutôt
les cultes privés (6). Alors que les premiers ont presque disparu, on rencont
re encore aisément des chamanes dans tous les villages; c'est pourquoi notre
étude met l'accent sur ces dernières, et ne traite pour ainsi dire des palakal
ai qu'en contrepoint.
Le Palakalai
Le prêtre palakalai est généralement de sexe masculin (7). Il occupe une
position essentielle, compte-tenu du fait qu'il représente la collectivité politi
que. Dans la hiérarchie, il intervient juste après le chef du village, rappelant :
Maolin
Sandimen Sandi« "i- Wutai
Beiye •
Pingdong w .. Majia •

Jiayi
Fig. 1. La région de Pingdong au sud de l'île. Fief Paiwan. 156
à cet égard le maître-prêtre batak de Sumatra, le datu, qui protège le village,
peut provoquer la pluie ou la faire cesser et contrôler les événements atmos
phériques (8). Chaque village paiwan possède un palakalai. Le mode d'élec
tion est similaire à celui de la chamane. Il est d'ordre divin. Le palakalai est
choisi par les tsmas : esprits (9). Il ne peut lui-même transmettre ses pouvoirs.
Et à sa mort, ce sont les tsmas qui choisissent son successeur. L'une des fonc
tions du palakalai, et qui constitue son originalité, concerne la météorologie.
Pour exercer son pouvoir sur les éléments, il a recours au limuao : le « rond
et dur qui ne parle pas ». Il s'agit d'une pierre d'une courbe parfaite, d'une
vingtaine de centimètres de diamètre, lisse et sans aspérité. Ne dévoilant ni
commencement ni fin, d'une simplicité brute et pure, elle traduit par son
arrondi l'uniformité et l'indifférentiation. Elle pourrait être mise en rapport
avec la pierre primordiale ou l'oeuf du soleil dont font état les nombreux
mythes d'origine paiwan (10\ La pierre magique limuao C11) est gardée à
l'arrière de l'habitation, dans une cache aménagée dans le mur du fond. Le
palakalai ne l'en extrait que s'il est amené à intervenir sur les événements
physiques : typhons, sécheresse, etc. Et le limuao, la pierre ronde, est l'arme
phallique. Nulle femme paiwan ne peut toucher cette sous peine d'encour
ir de graves malheurs. Elle apparaît comme un symbole de fécondité, dont
l'efficacité pourrait s'avérer nulle si elle était confrontée à une autre source
de fécondité.
Mais il existe une correspondance au limuao, qui agit comm

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents