Haches de Yeleme, herminettes de Mumyeme - article ; n°2 ; vol.91, pg 95-113

Anne-Marie Pétrequin, Pierre Pétrequin

Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1990 - Volume 91 - Numéro 2 - Pages 95-113
Résumé.
Dans la zone centrale de l'Irian Jaya, partie occidentale et indonésienne de la Nouvelle-Guinée, on propose d'étudier la répartition actuelle des lames de pierre polie et de leurs emmanchements. À partir d'une situation reconnue, c'est-à-dire une frontière qui sépare nettement une aire de la hache et une aire de l'herminette, les auteurs présentent les principales carrières d'extraction (Yeleme, Tagi, Mumyeme), les méthodes de fabrication des lames de hache, leur mode de diffusion et leur intégration dans le contexte social et économique des Moni, Dani, Yali et Mek. Suivre les filières de diffusion permet d'expliciter des hypothèses sur le fonctionnement de la frontière entre haches et herminettes, puis de proposer un modèle écologique d'équilibre entre la longueur des lames de pierre et l'état du milieu naturel transformé par l'homme.
Summary.
The present-day distribution of polished stone blades and their hafts in the central zone of Irian Jaya, the western and Indonesian part of New Guinea, is studied. Starting from an established fact, a frontier clearly separating an axe area from an adze area, the authors describe the main quarries (Yeleme, Tagi, Mumyeme), the methods of manufacturing axe and adze blades, their mode of diffusion and their integration in the social and economic context of the Moni, Yali and Mek. By tracing diffusion routes, hypotheses are developed about the functioning of the axe-adze frontier, and an ecological model is proposed based on equilibrium between stone blade length and the state of the man- transformed environment.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: JOURNAL_DE_LA_SOCIETE_DES_OCEANISTES
• Publié le: 01 janvier 1990
• Nombre de lectures: 29
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Pierre Pétrequin
Anne-Marie Pétrequin
Haches de Yeleme, herminettes de Mumyeme
In: Journal de la Société des océanistes. 91, 1990-2. pp. 95-113.
Résumé
Résumé.
Dans la zone centrale de l'Irian Jaya, partie occidentale et indonésienne de la Nouvelle-Guinée, on propose d'étudier la
répartition actuelle des lames de pierre polie et de leurs emmanchements. À partir d'une situation reconnue, c'est-à-dire une
frontière qui sépare nettement une aire de la hache et une aire de l'herminette, les auteurs présentent les principales carrières
d'extraction (Yeleme, Tagi, Mumyeme), les méthodes de fabrication des lames de hache, leur mode de diffusion et leur
intégration dans le contexte social et économique des Moni, Dani, Yali et Mek. Suivre les filières de diffusion permet d'expliciter
des hypothèses sur le fonctionnement de la frontière entre haches et herminettes, puis de proposer un modèle écologique
d'équilibre entre la longueur des lames de pierre et l'état du milieu naturel transformé par l'homme.
Abstract
Summary.
The present-day distribution of polished stone blades and their hafts in the central zone of Irian Jaya, the western and Indonesian
part of New Guinea, is studied. Starting from an established fact, a frontier clearly separating an axe area from an adze area, the
authors describe the main quarries (Yeleme, Tagi, Mumyeme), the methods of manufacturing axe and adze blades, their mode of
diffusion and their integration in the social and economic context of the Moni, Yali and Mek. By tracing diffusion routes,
hypotheses are developed about the functioning of the axe-adze frontier, and an ecological model is proposed based on
equilibrium between stone blade length and the state of the man- transformed environment.
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Pétrequin Pierre, Pétrequin Anne-Marie. Haches de Yeleme, herminettes de Mumyeme. In: Journal de la Société des
océanistes. 91, 1990-2. pp. 95-113.
doi : 10.3406/jso.1990.2880
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1990_num_91_2_2880Haches de Yeleme, herminettes de Mumyeme
La répartition des lames de pierre polie
en Irian Jaya central (Indonésie)
par
Pierre PÉTREQUIN * et Anne-Marie PÉTREQUIN **
Le centre de l'Irian Jaya, où l'utilisation des tion sur le thème des techniques, de la culture,
outils en pierre polie s'est arrêtée très récem de l'économie et de l'écologie.
ment, entre 1960 et 1968, connaît une situation
sans égale en Nouvelle-Guinée, avec une fron
1. La hache, le ciseau et l'herminette. tière très tranchée qui voit, à l'ouest, le
domaine de la hache véritable et, à l'est, le
En reprenant l'idée de Le Roux (1948) de l'herminette à manche coudé.
d'une cartographie des types d'emmanchement Cette situation avait déjà été notée par Le
(Fig. 1, en haut), on reconnaîtra quatre groupes Roux (1948), qui tentait de l'expliquer en
d'emmanchement dans la zone d'étude : termes d'écologie, associant la hache simple à
la forêt primaire et l'herminette à la forêt — la hache simple, ou une longue lame de
secondaire, aux paysages très anthropisés et à pierre symétrique est directement enchâssée
l'utilisation fréquente des pirogues. Depuis ce dans la mortaise d'un manche monoxyle. Cet
travail déjà ancien, l'étude des lames de hache instrument lourd ne permet guère certains
en pierre polie d'Irian Jaya a été négligée par travaux précis de travail du bois et, dans ce
les ethnologues et il faut attendre P. Swadling système technique, le ciseau en pierre est
(1983) pour que soient publiées les premières systématiquement associé à la hache. Son aire
localisations de carrières de pierre et un essai de répartition couvre l'ouest des Hautes Terres,
de répartition des lames correspondantes ; cet depuis Mulia jusqu'aux lacs Paniaï et l'essentiel
essai bibliographique rend approximativement des piedmonts et des Basses Terres au sud. Les
compte d'une autre opposition qui existe dans variations de cet outil portent sur l'essence
les Hautes Terres : à l'ouest, dominent les végétale utilisée pour le manche, ou sur la
lames de roches métamorphiques vertes à longueur ou le poids du manche qui, dans les
bleues avec glaucophane, tandis qu'à l'est les Hautes Terres, croît d'ouest en est (Fig. 2),
roches les plus fréquemment utilisées sont des avec des valeurs qui oscillent de 1 à 3 kg ;
basaltes et des andésites (Kooijman 1962, Ver- — la hache à pince et tête pivotante est
hofstad 1966). centrée sur le piedmont nord et les vallées du
Après cinq missions en Irian Jaya consacrées Rouffaer et du Tariku au nord-ouest. Plusieurs
aux lames de hache polies ', notre propos sera auteurs anglo-saxons attribuent cet outil à la
de préciser et de valider cette frontière des catégorie des herminettes, ce que nous réfutons
outillages de pierre au centre des Hautes parce qu'il s'agit, de toute évidence, d'une
Terres, entre un domaine occidental et un adaptation locale du principe de la hache
domaine oriental, et d'en chercher la simple ; la pince permet ici d'emmancher des
♦ ERA 12/CRA, Centre National de la Recherche Scientifique, Paris.
** Centre de Recherches Archéologiques de la Vallée de l'Ain.
1. Depuis 1985, l'aide de la Sous-Direction des Sciences Sociales et Humaines a été déterminante pour mener à bien
cinq missions ethnoarchéologiques en Irian Jaya, dans le cadre d'un programme de recherche de l'ERA 12/CRA et du
Centre de Recherches Archéologiques de la Vallée de l'Ain. SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES 96
Fig. 1. — En haut : répartition des types d'emmanchements, avec les haches véritables à l'ouest, les haches à pince et tête
pivotante au nord-ouest et les herminettes à manche coudé à l'est. Au centre, la vallée de la Baliem montre le
chevauchement de deux traditions différentes ; depuis le début du siècle, l'herminette tend à gagner vers l'ouest,
accompagnant la migration de populations de la Baliem nord.
En bas : le contrôle politique de la diffusion des lames de pierre de Yeleme, Kembe et Wang-Kob-Me s'affiche par
l'utilisation de très grandes haches à longue lame et à manche décoré (demi-cercle noir sur la carte). Le même
phénomène, mais plus discret, peut être observé dans les abords de Tagime (cercle à hachures verticales). HACHES ET HERMINETTES EN IRIAN JAYA 97
L 20 cm
1 IKAR1
LEIDEN 2467-1084
3 WULIA
PETREQUIN
Fig. 2. — Les haches de l'Irian Jaya central. On remarquera l'accroissement de la longueur et du poids du manche autant
que de la lame, d'ouest (n° 1) en est (n° 3).
lames moyennes ou petites ; la tête pivotante, que soient leur mode d'emmanchement et leur
technique issue de contacts avec la culture poids, sont toutes affectées au même genre de
Sentani de la côte nord, permet de cumuler les travaux, où l'abattage des arbres et du perchis
avantages techniques de la hache et de l'hermi- est prioritaire. Aucune relation — et il fallait
nette. Le poids de cette hache est généralement s'y attendre — ne peut être démontrée entre un
compris entre 1 et 3 kg ; mode d'emmanchement et :
— l'herminette à manche coudé est caracté — une technique spécifique ; les Dubele du
ristique des Hautes Terres orientales, avec la Rouffaer creusent leurs pirogues avec une
lame de pierre fixée par une vannerie sur le hache à tête pivotante, tandis que les Asmat tenon aminci d'un manche coudé. Le domaine utilisent le feu et une hache simple. Les Dani de l'herminette concerne les piedmonts du sud- de l'Ouest défrichent à la hache, tandis que les
est, les Hautes Terres et la vallée du Taritatu. populations des Hautes Terres orientales le Les variantes culturelles portent sur la forme et font à l'herminette ;
la longueur du talon (Fig. 3) et, dans la vallée — un milieu naturel particulier ; les Asmat
du Taritatu, sur des emmanchements à pince travaillent à la hache simple pour faire ce que partielle ou à bague de vannerie. Le poids de les groupes des Basses Terres nord font à la
l'herminette véritable se situe entre 0,3 et 1 kg ; hache à tête pivotante ; — l'herminette à manche coudé et la hache — un mode de faire-valoir agricole ; les
simple ne se retrouvent associées que dans mêmes types d'outils sont utilisés par des
la vallée de la Baliem. L'herminette y est la cultivateurs des bassi