Infortunes d un prince de Timor accueilli en France sous Louis XV - article ; n°1 ; vol.16, pg 91-133
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Description

Archipel - Année 1978 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 91-133
43 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Anne Lombard-Jourdan
Infortunes d'un prince de Timor accueilli en France sous Louis
XV
In: Archipel. Volume 16, 1978. pp. 91-133.
Citer ce document / Cite this document :
Lombard-Jourdan Anne. Infortunes d'un prince de Timor accueilli en France sous Louis XV. In: Archipel. Volume 16, 1978. pp.
91-133.
doi : 10.3406/arch.1978.1426
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1978_num_16_1_142691
INFORTUNES D'UN PRINCE DE TIMOR ACCUEILLI EN
FRANCE SOUS LOUIS XV
par Anne LOMBARD-JOURDAN
Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, de nombreux habitants des
terres d'outre-mer furent amenés en France — et surtout à Paris — à
l'occasion des navigations dans les contrées lointaines. Parmi ceux-ci une
place privilégiée doit être faite aux "fils de rois": jeunes otages, gages de
la fidélité paternelle, ils étaient élevés dans la religion chrétienne et selon
les moeurs occidentales, afin de devenir plus tard, lorsqu'ils seraient
appelés à régner, des collaborateurs plus souples et plus avertis, des
"amis". Parmi les enfants transplantés de cette façon on peut citer les
deux petits princes malgaches amenés à Paris par Etienne de Flacourt,
au XVIIe siècle, et dont l'un devint cornette des gardes du duc de Maza-
rin (1), ainsi que les deux princes de Makasar dont l'éducation fut con
fiée aux Pères Jésuites (2). Aniaba, prince assinien (actuelle Côte
0) Cf. notre article : '"Des malgaches à Paris sous Louis XIV : exotisme et mentalit
és en France au XVII» siècle", Archipel 9, pp. 79-90.
(2) Ces deux jeunes gens étaient les fils du prince Daén ma-Aleé, qui dut s'exiler
d'abord à Java, puis au Siam avec sa famille vers l'an 1664. S'étant compromis,
à cause de ses convictions religieuses, dans une conjuration dirigée contre le roi
de Siam, il fut tué dans un combat. Ses deux fils, alors adolescents, furent
amenés en France, où le roi Louis XIV, "non content de pourvoir généreusement
à leur subsistance prend encore le soin de les faire instruire de tout ce qu'ils
doivent savoir pour remplir dignement les obligations que leur impose la
grandeur des augustes noms qu'ils ont receu de Sa Majesté et de Msgr le
Dauphin, sur les sacrez fonds de Baptême" (Nicolas Gervaise, "Epître dédi-
catoire adressée au Père de la Chaise," en tête de sa Description historique
du Royaume de Macagar, Paris, 1688). Sur l'histoire de ces deux princes de
Makasar, voir l'article de Ch. Pelras, à paraître dans un prochain numéro
d'Archipel. 92
d'Ivoire) (3), amené à la Rochelle avec son cousin Banga, en mai 1688, par
un capitaine de la Compagnie de Guinée, fut baptisé à Paris par Bossuet
et reçut de Louis XIV le prénom de Louis (4). Les deux adolescents
africains furent élevés à l'européenne et, dès la fin de 1692, ils obtinrent
des charges d'officier dans le régiment du Roi. Aniaba profita huit ans
de la protection royale ; reconduit en Assinie (5) , au mois d'avril 1701,
avec l'espoir d'y recouvrer son trône, il fut, au cours de multiples péri
péties, résolument écarté du pouvoir et finit ses jours obscurément
comme conseiller du roi de Keta (actuel Ghana). Mentionnons encore
Aotourou Poutaveri (6), chef tahitien d'une trentaine d'années, qui sé
journa onze mois à Paris (avril 1769-mars 1770) ; il avait quitté volon
tairement son île pour suivre les Français, lors de l'expédition menée
par eux dans le Pacifique en 1768 :
"En supposant, écrit Bougainville, que notre patrie voulut profiter
de l'union d'un peuple puissant situé au milieu des plus belles
contrées de l'Univers, quel gage pour cimenter l'alliance que l'éter
nelle obligation dont nous allions enchaîner ce peuple en lui renvo
yant son concitoyen bien traité par nous et enrichi de connaissances
utiles qu'il leur porteroit".
Pourtant, les philosophes et les "amis des sauvages", que Paris compt
ait alors en grand nombre, s'employèrent à détromper l'opinion, pu
bliant des commentaires critiques où ils étaiblissaient que les modes de
vie des indigènes du Pacifique comme d'Amérique valaient bien les
nôtres (7).
(3) H. Diabate, avec la collaboration de G. Lambert, Aniaba. Un Assinien à la
cour de Louis XIV, Paris-Dakar (Coll. Grandes figures africaines), 1975, 92 p.
(4) L'habitude de donner le prénom du roi : Louis, aux jeunes catéchumènes venus
d'outre-mer était ancienne. Dès 1613, trois Tupinambas furent nommés par
Louis XIII, "tous trois de son nom, sçavoir : Loys premier, Loys second et
Loys troisième". A. Lombard-Jourdan, art. cit., p. 82.
(5) Banga, qui dépérissait dans une ville de garnison du Nord de la France, s'était
fait rapatrier dès 1694. Il devint interprète du roi d' Assinie.
(6) Voir infra p. 127. Notice sur ce personnage (c. 1738-1771) dans le
Dictionnaire de biographie mauricienne, fasc. 26, janvier 1964. Voir aussi M.
Ly-Tio-Fane, "Pierre Poivre et l'expansion française dans Tlndo-Pacifique",
Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient, t. LUI, 1967, pp. 253-511.
(7) Le Sauvage de Taïti aux Français avec un envoi au philosophe ami des sauvages,
attribué à Nicolas Bricaire de la Dixmerie, Londres-Paris, chez Lejay, 1770.
In-12, XXIV-149 p. (Bibl. nat., Li.3 36, microfiche m. 429), voir à la p. 137 ;
Le sauvage à Paris, s.ln.d. (Bibl. nat., Z Beugnot 1902 (7) ; et le Supplément...
■dû à Diderot. 93
A côté d'authentiques descendants de roitelets étrangers, les impo
steurs n'étaient pas rares qui, se parant d'un titre usurpé, cherchaient à
abuser de la crédulité et de la générosité publiques, tant la qualité de
"prince" avait — et a toujours — de prestige. "L'imposture et la piperie
sont aussi vieilles que le monde*', écrit un historien du XVIIe siècle ; et,
après avoir relevé les exemples fournis par l'Antiquité, il énumère
"les faux Henrys, les faux Friderics, faux Alphonses et faux Bau-
douins", puis raconte l'histoire du Calabrais qui essaya de se faire passer
pour Sébastien, roi de Portugal, dont la mort était pourtant notoire
(1578), et ne récolta que la prison et les galères (8). Les imposteurs
avaient plus de succès quand ils situaient leurs origines dans les pays
d'Orient ou d'Extrême-Orient. Zaga-Christ, prétendu fils du roi des
Abyssins, racontait qu'il avait dû prendre la fuite après une défaite où
son père avait perdu son trône ; il mourut à Paris en 1638. Mahomet
Bey, en 1650, se disait souverain de Trébizonde ; sa conversion à la
religion chrétienne lui interdisait de retourner dans ses Etats. Seif Aga,
à la même époque, se prétendait prince persan et contait comment il
avait été chassé de Kandahar au temps où le "Soft" de Perse en avait
fait la conquête sur le Mogol. D'autres encore de ces "fils de Rois" abu
saient de l'hospitalité des cours européennes : "On les a vus traités
effectivement en Princes et soutenus de la libéralité du gouvernement,
exil" jouir (9). paisiblement En plein XIXe du fruit siècle, de ne leur verra-t-on adresse pas et un se aventurier, consoler de le leur co-
morien Aboudou, fils d'un sultan détrôné d'Anjouan, débarquer à Aden
et réussir à duper les fonctionnaires britanniques ; son entretien et ses
divers voyages ne coûteront pas moins de six mille roupies au gouver
nement des Indes (10).
On pourrait allonger la liste de ces vrais princes ou imposteurs se
disant tels. Mais le cas du "Prince de Timor", dont nous nous proposons
de raconter ici les infortunes, est exceptionnel: il ne fut ni un jeune
otage ni un escroc. Fils véritable d'un des rois de cette île lointaine, il
fut victime de la cupidité de son indigne précepteur, qui le dépouilla de
ses richesses et l'abandonna dans le port de Lorient, en 1750 ; malgré
ses efforts persévérants et les appuis généreux qu'il trouva en France,
il ne réussit jamais, nous le verrons, à retourner dans son pays.
(8) Matthieu, Histoire de France, Paris, 1609, tome II, liv. IV, pp. 154-163.
(9) La Roy" liste qu'il de rédigea ces imposteurs pour le est Prince donnée de Timor par A. (p. Léthinois, 29). Voir dans infra la note "Requête 14. au
(r0) A. Bourde, &q

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