J.-J. Rousseau et la Révolution française : une esthétique de la politique (1792-1799). - article ; n°1 ; vol.291, pg 124-135
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

J.-J. Rousseau et la Révolution française : une esthétique de la politique (1792-1799). - article ; n°1 ; vol.291, pg 124-135

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1993 - Volume 291 - Numéro 1 - Pages 124-135
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 55
Langue Français

Extrait

Nathalie-Barbara Robisco
J.-J. Rousseau et la Révolution française : une esthétique de la
politique (1792-1799).
In: Annales historiques de la Révolution française. N°291, 1993. pp. 124-135.
Citer ce document / Cite this document :
Robisco Nathalie-Barbara. J.-J. Rousseau et la Révolution française : une esthétique de la politique (1792-1799). In: Annales
historiques de la Révolution française. N°291, 1993. pp. 124-135.
doi : 10.3406/ahrf.1993.1552
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1993_num_291_1_1552NATHALIE-BARBARA ROBISCO
JEAN-JACQUES ROUSSEAU ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE :
UNE ESTHÉTIQUE DE LA POLITIQUE (1792-1799)
Présentation de thèse de doctorat (philosohie)
soutenue à Toulouse-Le Mirail, le 25 mai 1992
Président : Georges Fournier
Rapporteurs : Louis Sala-Molins, Lucien Jerphagnon
Rousseau, la Révolution française : deux siècles d'historiographie ont
contribué à constituer un discours où domine le plus souvent la perspective
de l'influence, voire de la responsabilité. Le centenaire de la Révolution
a été l'occasion de nombreuses études en ce sens ; a contrario, le bicente
naire semble avoir davantage mis en évidence d'autres penseurs des
Lumières, plus particulièrement ceux du droit naturel. La thèse de M. Roger
Barny, soutenue en 1977, reste le travail le plus conséquent sur Rousseau
et la Révolution, et le premier point sur lequel nous souhaitons insister
est une divergence méthodologique, par rapport au travail de M. Barny
et aux études qui l'ont précédé.
Nous n'avons pas abordé les rapports des hommes de 1789 à Rousseau
en termes d'influence, de responsabilité, ni — comme le fait M. Barny —
en d'idéologie, faisant de Rousseau et de sa pensée des instruments
entre les mains d'une classe qui s'empare du pouvoir, et de 1789 le moment
d'une révolution bourgeoise. Dans ce cadre, 1789 ne prend sens que comparé
à 1917, et Rousseau est un penseur « dépassé » par Marx.
Le but de cette étude est en revanche de remonter au moment où
s'élabore le premier discours sur Rousseau et la Révolution — celui que
les révolutionnaires eux-mêmes énoncent sur Rousseau. Il ne s'agit pas
de prononcer à ce sujet un quelconque jugement, sur la validité ou la légi
timité de ce discours, mais de montrer comment il naît et ce qu'il devient SOUTENANCES DE THÈSES 125
aux grandes étapes de la Révolution, plus particulièrement de la procla
mation de la République au coup d'État du 18 brumaire.
Le problème se définit dès lors comme celui de la lecture que font
de Rousseau les révolutionnaires : quels textes, quelles éditions, mais aussi
selon quels critères?
Le premier élément de réponse montre bien ce qui sépare notre propre
lecture de Rousseau de celle des révolutionnaires : le texte qui s'impose
dès 1789, c'est la seconde partie des Confessions, publiée à cette date à
Genève — seule la première partie, publiée à Neuchâtel en 1782 était connue.
Cette publication s'accompagne d'un véritable choc pour les premiers
lecteurs, et le premier travail des révolutionnaires sera de reconstruire, par-
delà le choc et le scandale, une figure positive de Rousseau. L'enjeu est
de taille en effet : les hommes de 1789 ont trouvé chez Rousseau une pensée
de la Révolution et de la liberté où ils ont puisé une légitimité à leur action,
mais Rousseau lui-même vient étaler au grand jour tous les défauts dont
on l'accusait et que l'on pouvait encore attribuer à des ennemis.
La lecture de Rousseau va donc s'orienter vers une double perspective :
constituer les textes de Rousseau en œuvre — c'est-à-dire leur redonner
une unité, malgré leur variété et leurs contradictions — et refaire le parcours
de Rousseau révélé par l'œuvre autobiographique. Cette démarche trouve
son expression la plus achevée dans le thème de la « rencontre » avec
Rousseau et dans le « pèlerinage » dans les lieux habités par Rousseau.
Anonymes, ou connus comme Robespierre, ils sont nombreux, ceux qui
déclarent avoir rencontré Rousseau ; plus nombreux encore sont qui
vont se recueillir à Ermenonville, Montmorency, ou plus rarement
Chambéry.
Ce discours de la rencontre et ce thème du pèlerinage sont très révéla
teurs : le rapport à Rousseau est d'abord personnel, empreint d'affectivité
— ce qui le différencie nettement des autres penseurs que les révolution
naires ont pu revendiquer. De plus, le pèlerinage est souvent lié à une
recherche de textes inédits ou de témoignages concernant Rousseau : ainsi
le lecteur peut-il espérer que telle anecdote des Confessions est outrée par
Jean- Jacques ; à Chambéry, le mauvais souvenir laissé par Mme de Warens
à quelques témoins permet par exemple d'atténuer ce que peut avoir de
choquant ce moment de la vie de Rousseau. De même, puisque Voltaire
est en général considéré à l'époque comme le grand champion de la liberté
de conscience, apprendre qu'il s'est, sur le tard, repenti d'avoir persécuté
Jean- Jacques, est un beau dénouement qui autorisera à les placer ensemble
au Panthéon et dans la liste des « pères fondateurs » de la Révolution.
Le thème de la rencontre assure quant à lui de multiples fonctions :
la première, c'est une garantie morale et politique — à terme, une fois
effectué le travail de réhabilitation de Rousseau lui-même ; la seconde, c'est 126 SOUTENANCE DE THÈSE
de rendre sensible la présence de Rousseau. C'est ici un point essentiel :
Rousseau n'est mort que depuis onze ans quand commence la Révolution,
et c'est une très grande source de regrets qu'il n'ait pas vécu assez long
temps pour voir s'épanouir des disciples qui ont pris ses principes pour
modèle ; aussi la présence de Rousseau est-elle sans cesse réaffirmée, comme
pour conjurer ce regret, et cette présence s'exprime-t-elle comme le souvenir
d'une rencontre : Rousseau a légué, avant de mourir, un ultime message
à des jeunes gens enthousiastes, comme Robespierre ; de même, il a entretenu
une correspondance avec Dusaulx qui en présentera un rapport devant le
Conseil des anciens.
Rousseau est donc d'abord lu comme un auteur sensible : une sensi
bilité telle qu'elle lui permit de voir avec la plus grande lucidité les défauts
de son temps et les vrais principes de la liberté, mais qui, vécue jusqu'à
l'excès, sert désormais d'explication aux Confessions. Tout le travail qui
fait passer l'homme des Confessions d'une figure de scandale à une figure
de la sensibilité est primordial dans la lecture des révolutionnaires : les
recherches effectuées par Lakanal sur les manuscrits de Rousseau en offrent
un bon exemple.
Rousseau « réhabilité » comme individu peut devenir ce que l'on avait
souhaité trouver en lui : l'auteur du Contrat Social et d'Emile, le père
de la Révolution, voire l'amant de Julie. Les révolutionnaires élaborent
en ce sens un discours que résume de façon saisissante la formule de Saint-
Just, « Jean- Jacques Rousseau était révolutionnaire ».
Bien entendu, n'est pas le seul auteur dont on revendique
l'héritage. Des analyses récentes, plus particulièrement celles de Florence
Gauthier, ont montré l'importance, dans le discours révolutionnaire, des
références aux penseurs jusnaturalistes. Locke et Mably sont des sources
incontournables, notamment dans les Déclarations des droits de l'homme
et du citoyen : les droits sont naturels et imprescriptibles — ce qui semble
exclure, ou contredire, Rousseau, puisque chez lui, seul le contrat social
est créateur de droit — l'état de nature est a-juridique. De plus, le travail
théorique prend en compte l'acquis d'une déclaration jusnaturaliste issu
d'un événement encore récent, la Déclaration d'indépendance des États-
Unis — l'élection de Thomas Paine à la Convention témoigne de cette
empreinte.
Si notre étude a pour point de départ, dans le cours de la Révolution,
la proclamation de la République, c'est parce que ce moment met en jeu
une problématique de la fondation : fonder la Répub

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents