John Toland, homme d ordre et rebelle - article ; n°1 ; vol.25, pg 143-157
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Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles - Année 1987 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 143-157
15 pages

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Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 19
Langue Français

Extrait

Pierre Lurbe
John Toland, homme d'ordre et rebelle
In: Rebelles dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Actes du Colloque - Société d'études
anglo-américaines des 17e et 18e siècles, 1987. pp. 143-157.
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Lurbe Pierre. John Toland, homme d'ordre et rebelle. In: Rebelles dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Actes du Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles, 1987. pp. 143-157.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvii_0294-1953_1987_act_25_1_2255JOHN TOLAND, HOMME D'ORDRE ET REBELLE
Sa vie durant, John Toland (1670-1722) se plut à accré
diter l'idée que son prénom de baptême était Janus Junius,
prénom qu'un maître d'école aurait ensuite, par commodité,
transformé en John. Il semble acquis aujourd'hui que Toland
portait en réalité, plus prosaïquement, les prénoms irlan
dais de Sean Owen (1). Pourtant, l'anecdote est révélatrice:
à se parer ainsi de l'ambigu prestige du dieu bifrons,
Toland signifiait clairement à ses contemporains qu'il
se voulait double, et son oeuvre tout entière porte en
effet le sceau d'une dualité, voire d'une duplicité, dont
il nous faudra montrer qu'elle n'est le signe ni d'une con
tradiction, ni d'une simple juxtaposition.
Oeuvre double donc, en ce qu'elle s'articule autour
de deux champs d'investigation: d'une part, Toland est
l'auteur d'un certain nombre d'ouvrages de réflexion sur
des questions de métaphysique et d'histoire religieuse
(concernant spécifiquement l'histoire des débuts du Chris
tianisme); d'autre part, il est^ l'auteur de courts traités
à sujets politiques, qui se réduisent parfois à quelques
feuillets, et qui ont pour caractéristique de traiter direc
tement, à chaud, de problèmes posés par l'actualité imméd
iate, ou de rééditions de textes politiques plus anciens,
comme l'Oceana de James Harrington, ou les Memoirs
d'Edmund Ludlow. A travers la première série d'ouvrages,
Toland apparaît comme un penseur matérialiste, précurseur
du matérialisme français du milieu du dix-huitième siècle
(d'Holbach en fut le traducteur), comme une sorte de
rebelle intellectuel, qui s'en prend ouvertement, non sans
risque, à la pensée chrétienne orthodoxe. A travers la
deuxième série d'ouvrages, Toland apparaît comme un
whig convaincu, partisan de la Révolution de 1688, dont
il souhaite voir pérenniser les acquis par^ l'avènement
de la dynastie hanovrienne: par là, il espère^ enraciner
le nouvel ordre constitutionnel, et vouer a . l'écrasement
toute tentative de rébellion des nostalgiques de l'ordre
ancien. Ainsi notre Janus nous off re-t-il bien^ deux visages:
celui du rebelle, pour ce qui est de la métaphysique et PIERRE LURBE
de la religion; celui d'un homme d'ordre, pour ce qui
est du politique.
Esquissons maintenant ce double portrait.
Dans un médiocre poème datant de 1700, Clito, Toland
invoque explicitement l'esprit de rébellion, et appelle
à détruire tout pouvoir usurpé:
I'll sing the triumphs of the Good Old Cause
Establish Justice, reinthrone the Laws,
Restore the Nation to its perfect health,
Then Power usurpt destroy, and form a Commonwealth
(2).
Il affirme encore, dans Vindicius Liberius: "It is lawful
to resist and punish Tyrants of all kinds, be it a single
Person or greater number of Men" (3). L'un des héros
que célèbre Clito n'est autre que Brutus, le tyrannicide,
et les connotations républicaines des expressions "Good
Old Cause" et "Commonwealth" n'ont guère besoin d'être
explicitées. Pourtant, on ne peut s'empêcher de remarquer
que la rébellion n'est légitime que dans la mesure où
elle revêt le caractère d'une résistance au tyran, résistance
dont la fin est la restauration d'un ordre antérieur, censé
ment plus juste. S'il est des rébellions légitimes, il en
est aussi, implicitement, d'illégitimes. Ceci posé, il n'est
guère douteux que Toland se serait joint d'enthousiasme
a la révolte de Monmouth, en 1685, si son âge le lui avait
permis (il n'avait encore que quinze ans).
Mais précisément, lorsque Toland parvient à l'âge
adulte, le tyran, en la personne de Jacques II, a déjà été
chassé, en 1688. Du coup, la rébellion n'est plus à l'ordre
du jour, mais bien la consolidation des acquis de la Glo
rieuse Révolution; dans l'ordre politique, il est impossible
que Toland soit un rebelle, puisque la tyrannie est, de
fait, renversée. Il s'agit désormais d'empêcher son retour,
tant par la lutte contre les nostalgiques de l'époque Stuart
(et les rébellions jacobites du dix-huitième siècle sont
là pour montrer que c'est une nostalgie qui sait se faire
active), que par l'institutionnalisation de la Révolution,
les deux démarches étant d'ailleurs strictement concomi- TOLAND JOHN
tantes. Toland contribue par la plume à cette double tâche
et il annonce clairement où il se situe: "For my own part,
as I have ever been, so I still declare myself to be a Whig;
a Whig, I say, by denomination as well as by principle"
Clairement? Voire, car qu'est-ce au juste qu'être Whig
pour Toland, alors que le terme change de sens selon
que l'on se place du point de vue de Somers, ou de celui
de Harley? Pour sa part, Toland est un whig d'ancien
style, qui défend l'idéologie parlementaire chère aux "coun
try whigs", alors que les "court whigs", whigs d'un nouveau
genre, reprennent à leur compte ce qui constituait bel
et bien, a l'époque des Stuart, l'idéologie tory. De fait,
Toland était le pamphlétaire attitré de Robert Harley,
et les ouvrages qu'il publie entre 1698 et 1700, à l'inst
igation de son protecteur, constituent une présentation
en bonne et due forme de ce que l'on peut nommer l'idéo
logie "country".
Tous ses thèmes constitutifs y sont présents, à com
mencer par l'affirmation de la primauté du Parlement,
le rôle des députés étant d'assurer:
a poise and balance between the two extreme conten
ding Powers of absolute Monarchy and Anarchy.
For a check and curb to insolent and licentious Minis
ters, and terror to ambitious and overgrown Statemen
()
autre thème classique, que celui de la condamnation de
la corruption, qui s'installe comme une gangrène et menace
de détruire ce qui a si bien commencé en 1688:
Fatal Experience has now more than enough convinced
us, that Courts have been the same in all Ages,
and few Persons have been found of such approv'd
Constancy and Resolution as to withstand the powerful
Allurements and Temptations which from thence
have been continually dispens'd for the corrupting
of Men's Minds, and debauching their honest Principles
(6); LURBE PIERRE
on y trouve encore exprimée la crainte de l'armée de
métier, ou de mercenaires, ce qui revient au même, type
d'armée qui reste lié au déplaisant souvenir de la tyrannie
de Cromwell:
•Tis well known, that all the World over whenever
the Sword is in the hands of the People, it is a free
Government be it of one or many; and on the contrary,
all Tyrannies are supported by Mercenaries: nor
is there any thing peculiar in our Soil, our Air, or
in our Persons to hinder the same Circumstances
from producing the like Effects (7).
En outre, en défendant vigoureusement le principe de
souveraineté limitée qu'incarne l'Acte d'Etablissement,
dont l'adoption en 1701 marque la plus belle victoire poli
tique du parti de Harley, Toland obtient en récompense
le privilège d'accompagner Lord Macclesfield lors de son
ambassade au Hanovre et en Prusse: ce sera le point
culminant de sa carrière politique.
Toutefois, la Révolution ne sera complète que si l'on
met le peuple au travail, que si on le discipline, que si
on l'enrôle, déjà, dans ce que Blake nommera plus tard
les "Satanic Mills". Le peuple est fait pour le labeur,
pas pour la spéculation intellectuelle; aussi l'éducation
est-elle non seulement inutile, mais pernicieuse, qui détour
ne le peuple des tâches qui lui reviennent, et lui met

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